Lublin, Lea
Pas d'illustration
Naissance et mort
Date de naissance :
1929
Lieu de naissance :
Commentaire Naissance :
Anciennement Brest-Litovsk en Pologne, aujourd'hui en Biélorussie.
Date de mort :
17 novembre 1999
Lieu de mort :
Biographie
Commentaire biographique :
Dès le milieu des années 1960, Lublin abandonne le pinceau et la figuration, prônant avec une grande indépendance d’esprit la critique radicale en art. Elle imagine alors des propositions visuelles et conceptuelles afin de recueillir et d'exposer la parole de ses contemporains pour mieux la comprendre. Entre 1972 et 1978, de Paris à Londres, de Neuenkirchen (Allemagne) à Anvers, d’Annemasse à Naples, elle décline ainsi son projet « Interrogations sur l’art/Discours sur l’art », une série d’entretiens filmés avec des personnalités du monde de l’art et des anonymes réalisés à l’occasion d’expositions et de foires d’art contemporain (notamment « Art-animations-vidéo », Annemasse, 1975 et « Art/Vidéo Confrontation », ARC 2/Centre national pour l’animation audio-visuelle, Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, 1974 ) qui sont retransmis en direct auprès du public grâce à un dispositif vidéo composé de deux caméras (l’une fixe, l’autre mobile) et de moniteurs. L’objectif est de répondre à une série de questions tracées par l’artiste à la peinture sur une grande toile quadrillée : « L'art est-il une illusion ? », « L'art est-il une jouissance ? », « L'art est-il une connaissance en soi ? », « L'art est-il un symptôme ? », etc.
« Dans un Espace-Environnement [...], explique-t-elle, j'invite les spectateurs à prendre la Parole. Avec une caméra vidéo, j'enregistre un entre-tiens [sic] à propos des questions sur l'art qui sont exposées. [...] En créant un lieu concret du discours individuel ou pluriel [...], j'essaye de dévoiler l'espace-lieu où le Discours sur l'Art, la Réflexion sur l'Art, la Pratique de l'Art se constituent pour savoir enfin de quoi on parle, qui parle, d'où vient ce discours. À travers une Pratique d'Art autre, le sujet parlant est vécu, enregistré [...], il voit, se voit parlant, s'écoute, écoute l'autre [...], Mémoire au Présent
ARCHÉOLOGIE DU VÉCU.
PRENEZ LA PAROLE
LA PAROLE EST À VOUS »
Très marqué par le modèle des sciences humaines, le projet de Lublin, selon Catherine Francblin, « consiste à enregistrer et à restituer un discours - discours sur l'art et à exposer avec la parole, l'ensemble des conflits que l'art entretient avec certains aspects de la réalité sociale [...] pour rendre compte du profond abîme qui s'est produit entre Culture et Société, entre Perception et Connaissance. »
Dans ses entretiens vidéo, l’artiste sollicite en règle générale le regardeur au moyen de procédés visuels qui inscrivent pleinement sa démarche dans le contexte des expérimentations de l’époque. Lublin, qui participe dès la fin des années 1960 à de nombreuses manifestations d’art vidéo, fait en effet partie de cette génération d'artistes qui s’attache à éprouver tous les procédés et les matériaux, les techniques et les outils les plus novateurs pour (re)penser l'art, son langage et son discours. Au sujet de la méthode employée dans le cadre de son projet « Interrogations sur l’art/Discours sur l’art », Lublin précise en 1979 :
« l’utilisation de deux caméras (l'une fixe, l'autre mobile) déconstruit l'espace de la perception, signale le rapport de l'espace entre les différents points de vues, met en circularité scène et lieu d'où la scène est perçue et révèle l'espace distance entre le voyeur et le vu, entre le regardeur et le regardé.
Ce décentrement de la perception par le dédoublement de lécran [sic] électronique et de son inscription image-son, déplace la perception monoculaire, multiplie la simultanéité de ses points de vues et met en évidence des notions de plans proche ou lointain, grand ou petit.
Lieu d'une réflexion sur l'art, d'une recherche sur la spécificité du langage plastique, peinture et/ou nouveaux supports, ces entretiens posent la question fondamentale du rapport de l'image au réel, de ses niveaux de perception et de ses nouvelles possibilités d'exploration. »
Sur le même principe et suivant des modalités de captation vidéo similaires, Lublin réalise en 1977, dans le cadre d’une recherche sur les nouveaux supports en arts plastiques pilotée par Bernard Teyssèdre pour le Centre de recherche en esthétique et sciences de l’art de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en partenariat avec le Centre Pompidou, une série de douze entretiens filmés avec des artistes dans la salle 110 du Centre Saint-Charles (Université Paris 1 UER Arts plastiques et sciences de l'art). Tous les artistes sélectionnés par Lublin ont en effet en commun d'utiliser dans leur travail des médias autres que la peinture, comme la photographie ou la vidéo. Ces douze entretiens sont présentés au public du 31 janvier au 15 février 1979 dans la salle de cinéma du troisième étage du Centre Pompidou, selon un protocole scrupuleusement défini par Lublin : en présence des artistes, avec lesquels l'assistance peut dialoguer et interagir, les deux bandes enregistrées lors des entretiens sont diffusées simultanément. Sept des douze entretiens sont présents dans le fonds Lea Lublin déposé à la Bibliothèque nationale de France (entretiens avec Sarkis, Jochen Gerz, Tania Mouraud, Jean-Pierre Bertrand, Nil Yalter, Gina Pane, et Joan Rabascall).
« Ce travail, explique Lublin en 1979, comporte trois niveaux.
1/ La réalisation de l'entretien avec l'artiste qui utilise dans son travail des médias autres que la peinture, comme la photographie ou la vidéo. Document de base pour une recherche sur les nouveaux supports.
2/L'espace de l'entretien, lieu de l'enregistrement. Dispositifs et emplacements des différents moyens technologiques : caméras, moniteurs et magnétoscopes installés en vue d'un fonctionnement simultané entre prise de vue et retransmission.
3/La forme de réalisation de la séquence : l'enregistrement des images est réalisé simultanément par deux caméras : l'une fixe, l'autre mobile (l'entretien est enregistré dans son temps réel en même temps que la prise de vue).
Plusieurs moniteurs diffusent l'action pour montrer le passage de l'image "réelle" à l'image virtuelle. »
L'œuvre de Lublin est encore très largement méconnu, notamment en France où elle vécut pourtant une trentaine d'années et malgré quelques expositions monographiques qui lui ont été consacrées dans les années 1990. Le Musée national d’art moderne - Centre Pompidou l'a aussi intégré à ses collections dès 1989. Au cœur des années 1970, pionnière de la vidéo, elle recueille la parole des artistes, des critiques mais aussi des personnes extérieures au monde de l'art pour mieux l'analyser. Ce faisant, l'artiste s'attache à interroger ce qu'elle nomme les « discours sur l'art » : la manière dont l'art est défini, perçu et dont il s'inscrit dans la société. Plus généralement, Lublin cherche à décrypter le rôle et le fonctionnement sociaux des images.
La tentative de Lublin pour créer un espace de réflexion et de dialogue sur l’art et ses modalités passait par une tentative de déconstruction de l’espace de la perception dont elle cherchait obstinément à opérer le décentrement au moyen de procédés nouveaux. Ceux-ci témoignent d’une réflexion originale sur les enjeux de la perspective monofocale, sur les notions d’espaces réel et virtuel, de points de vue, de mise en abyme, de regardeur et de regard qui conserve aujourd’hui tout son intérêt.
« Dans un Espace-Environnement [...], explique-t-elle, j'invite les spectateurs à prendre la Parole. Avec une caméra vidéo, j'enregistre un entre-tiens [sic] à propos des questions sur l'art qui sont exposées. [...] En créant un lieu concret du discours individuel ou pluriel [...], j'essaye de dévoiler l'espace-lieu où le Discours sur l'Art, la Réflexion sur l'Art, la Pratique de l'Art se constituent pour savoir enfin de quoi on parle, qui parle, d'où vient ce discours. À travers une Pratique d'Art autre, le sujet parlant est vécu, enregistré [...], il voit, se voit parlant, s'écoute, écoute l'autre [...], Mémoire au Présent
ARCHÉOLOGIE DU VÉCU.
PRENEZ LA PAROLE
LA PAROLE EST À VOUS »
Très marqué par le modèle des sciences humaines, le projet de Lublin, selon Catherine Francblin, « consiste à enregistrer et à restituer un discours - discours sur l'art et à exposer avec la parole, l'ensemble des conflits que l'art entretient avec certains aspects de la réalité sociale [...] pour rendre compte du profond abîme qui s'est produit entre Culture et Société, entre Perception et Connaissance. »
Dans ses entretiens vidéo, l’artiste sollicite en règle générale le regardeur au moyen de procédés visuels qui inscrivent pleinement sa démarche dans le contexte des expérimentations de l’époque. Lublin, qui participe dès la fin des années 1960 à de nombreuses manifestations d’art vidéo, fait en effet partie de cette génération d'artistes qui s’attache à éprouver tous les procédés et les matériaux, les techniques et les outils les plus novateurs pour (re)penser l'art, son langage et son discours. Au sujet de la méthode employée dans le cadre de son projet « Interrogations sur l’art/Discours sur l’art », Lublin précise en 1979 :
« l’utilisation de deux caméras (l'une fixe, l'autre mobile) déconstruit l'espace de la perception, signale le rapport de l'espace entre les différents points de vues, met en circularité scène et lieu d'où la scène est perçue et révèle l'espace distance entre le voyeur et le vu, entre le regardeur et le regardé.
Ce décentrement de la perception par le dédoublement de lécran [sic] électronique et de son inscription image-son, déplace la perception monoculaire, multiplie la simultanéité de ses points de vues et met en évidence des notions de plans proche ou lointain, grand ou petit.
Lieu d'une réflexion sur l'art, d'une recherche sur la spécificité du langage plastique, peinture et/ou nouveaux supports, ces entretiens posent la question fondamentale du rapport de l'image au réel, de ses niveaux de perception et de ses nouvelles possibilités d'exploration. »
Sur le même principe et suivant des modalités de captation vidéo similaires, Lublin réalise en 1977, dans le cadre d’une recherche sur les nouveaux supports en arts plastiques pilotée par Bernard Teyssèdre pour le Centre de recherche en esthétique et sciences de l’art de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en partenariat avec le Centre Pompidou, une série de douze entretiens filmés avec des artistes dans la salle 110 du Centre Saint-Charles (Université Paris 1 UER Arts plastiques et sciences de l'art). Tous les artistes sélectionnés par Lublin ont en effet en commun d'utiliser dans leur travail des médias autres que la peinture, comme la photographie ou la vidéo. Ces douze entretiens sont présentés au public du 31 janvier au 15 février 1979 dans la salle de cinéma du troisième étage du Centre Pompidou, selon un protocole scrupuleusement défini par Lublin : en présence des artistes, avec lesquels l'assistance peut dialoguer et interagir, les deux bandes enregistrées lors des entretiens sont diffusées simultanément. Sept des douze entretiens sont présents dans le fonds Lea Lublin déposé à la Bibliothèque nationale de France (entretiens avec Sarkis, Jochen Gerz, Tania Mouraud, Jean-Pierre Bertrand, Nil Yalter, Gina Pane, et Joan Rabascall).
« Ce travail, explique Lublin en 1979, comporte trois niveaux.
1/ La réalisation de l'entretien avec l'artiste qui utilise dans son travail des médias autres que la peinture, comme la photographie ou la vidéo. Document de base pour une recherche sur les nouveaux supports.
2/L'espace de l'entretien, lieu de l'enregistrement. Dispositifs et emplacements des différents moyens technologiques : caméras, moniteurs et magnétoscopes installés en vue d'un fonctionnement simultané entre prise de vue et retransmission.
3/La forme de réalisation de la séquence : l'enregistrement des images est réalisé simultanément par deux caméras : l'une fixe, l'autre mobile (l'entretien est enregistré dans son temps réel en même temps que la prise de vue).
Plusieurs moniteurs diffusent l'action pour montrer le passage de l'image "réelle" à l'image virtuelle. »
L'œuvre de Lublin est encore très largement méconnu, notamment en France où elle vécut pourtant une trentaine d'années et malgré quelques expositions monographiques qui lui ont été consacrées dans les années 1990. Le Musée national d’art moderne - Centre Pompidou l'a aussi intégré à ses collections dès 1989. Au cœur des années 1970, pionnière de la vidéo, elle recueille la parole des artistes, des critiques mais aussi des personnes extérieures au monde de l'art pour mieux l'analyser. Ce faisant, l'artiste s'attache à interroger ce qu'elle nomme les « discours sur l'art » : la manière dont l'art est défini, perçu et dont il s'inscrit dans la société. Plus généralement, Lublin cherche à décrypter le rôle et le fonctionnement sociaux des images.
La tentative de Lublin pour créer un espace de réflexion et de dialogue sur l’art et ses modalités passait par une tentative de déconstruction de l’espace de la perception dont elle cherchait obstinément à opérer le décentrement au moyen de procédés nouveaux. Ceux-ci témoignent d’une réflexion originale sur les enjeux de la perspective monofocale, sur les notions d’espaces réel et virtuel, de points de vue, de mise en abyme, de regardeur et de regard qui conserve aujourd’hui tout son intérêt.
Bibliographies / archives
Sources en ligne
Organisme :
Référence de notice :
12259108
Date de consultation :
01/08/2015
Url document source :
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Rédacteur
Thibault Boulvain