Portrait de Guillaume Mellier, jurisconsulte de Lyon

L’inscription originale, peinte en jaune doré en haut à gauche du portrait, donne l’identité de l’homme comme Guillaume Meller, ou Mellier, jurisconsulte âgé de 36 ans. Fils de Benoît Mellier, mort en 1502, Guillaume est un docteur en droit, juge d’appel et jurisconsulte célèbre de la ville de Lyon. Les Mellier sont une famille bourgeoise qui occupent surtout des charges de judicature (Nicolas, frère de Guillaume, est aussi un homme de loi ; voir G.-A. Perouse, « Une lettre de Barthélemy Aneau », Réforme, Humanisme, Renaissance, 1998, 47, p. 63-72). Il est probablement le Guillaume Mellier, du diocèse de Lyon, qui reçoit son diplôme de baccalauréat en 1517 de l’Université d’Orléans et un deuxième diplôme de doctorat in utroque jure de l’Université d’Avignon en 1522 (Ch. Vulliez, « Autour de quelques diplômes de l'université d’Orléans au Moyen Âge et dans ses prolongements : la " diplomatique " des diplômes universitaires », Itinéraires du savoir de l’Italie à la Scandinavie (Xe-XVIe siècle), dir. C. Péneau, Paris, 2009, p. 255-275). Guillaume Mellier semble proche du milieu artistique lyonnais et au fait de programmes iconographiques complexes : en 1533, aux côtés de Jean de Vauzelles, docteur en droit, il s’occupe de préparer l’entrée de François Ier à Lyon (R. Cooper, « Humanism and Politics in Lyon in 1533 », Intellectual life in Renaissance Lyon, p. 1-32), et en 1540, il est chargé avec Maurice Scève, également docteur en droit, de « faire un gect et forme des ystoires qu’il conviendra faire pour l’Enstrée de monsr. l’arcevesque conte de Lion », c’est-à-dire Hippolyte d’Este (P. Sharrat, Bernard Salomon, illustrateur lyonnais, Genève, 2005, p. 103).  Il est également l’auteur de divers traités mentionnés par Antoine du Verdier. Mellier est notamment l’auteur de l’Edict du roy Henry II sur les mariages clandestins… paru à Lyon en 1558 et d’un manuscrit non imprimé sur les « vêtements, habits & ornemens des Gens & Ministres de Justice de la Gaule-Françoise », aujourd’hui perdu ou non localisé. Il rédige son testament en 1564 (Lyon, archives départementales, AD69 32 J 6, fol. 19).

L’apparent intérêt de Mellier pour le costume des gens de justice se reflète particulièrement bien dans son portrait, qui le montre de buste sur un fond brun, les mains bien visibles, portant une chemise blanche recouverte d’abord d’un pourpoint orangé et de la cape noire des magistrats. Sa barrette de la même couleur signale également son appartenance au milieu juridique. Il tient nonchalamment de sa main gauche une paire de gants. En sachant qu’il obtient son baccalauréat en 1517, nous pouvons déduire qu’il avait alors environ 18 ans, ce qui situerait sa naissance autour de 1499 et situerait la réalisation du tableau vers 1535, ce que corrobore son habit. Le tableau a abusivement été donné à Etienne de Martellange, alors qu’il n’est probablement pas encore né vers 1530. Si le peintre demeure anonyme et isolé, il se caractérise par une blancheur étonnante des carnations et un pinceau froid, conférant un certain aspect géométrique aux traits du visage. Il a également la spécificité de ne suivre ni le modèle de Jean Perréal, ni celui de Corneille de Lyon, fraîchement arrivé dans la ville. Le format à mi-corps montrant les bras et mains du modèle semble relever d’une tradition néerlandaise, peut-être haarlémoise si l’on en croit les couleurs rompues et la matière onctueuse. Les liens de Guillaume Mellier avec le milieu humaniste et artistique lyonnais, en particulier le monde de l’imprimerie, l’aura certainement amené à entrer en contact avec divers peintres, comme Bernard Salomon, documenté pour la première fois alors qu’il travaille aux décors de l’entrée du cardinal d’Este en 1540.

GVILL. MELLER. / IVRISCONS. CLARISS / ANNO. AETA. / XXX.VI