Plaque de croix : saint Matthieu l’évangéliste

Plaque de croix : saint Matthieu l’évangéliste

Plaque d’empattement curviligne et arquée, détachée de la base de la hampe du revers d’une croix processionnelle composée.

La figure en réserve de trois-quarts, émergeant au-dessus des nuages, nimbée, ailes relevées et croisées, évoque la figure de l’homme ailé symbolisant l’évangéliste saint Matthieu. Les ailes occupent la moitié supérieure et la figure, le reste. Elle lève la main droite en montrant la paume et porte une tunique et un manteau.

Sur le fond bleu de la face principale, on distingue des disques et deux quatre-feuilles sur l’extrémité inférieure. Un petit disque et deux losanges, un de chaque côté de la figure, complètent le répertoire. La plaque est bordée d’un listel bicolore en blanc et bleu clair.

La palette de couleurs est caractéristique de l’œuvre de Limoges. Elle comprend deux gammes : blanc, bleu (clair et foncé) et rouge ; et jaune, vert, bleu foncé et rouge. La zone curviligne inférieure (nuages), au contour irrégulier, conserve une partie du chromatisme comprenant du rouge, du bleu foncé, du vert et du jaune. L'exécution très irrégulière du nimbe suggère l’intervention d’un artisan peu expérimenté. La plaque appartient au groupe B c. GF-13 du répertoire typologique établi par G. François (1983).

Il est rare de pouvoir observer le travail préparatoire de l'émailleur, comme c'est le cas ici : le revers présente deux bordures gravées (esquissées), ornées de disques, de quatre-feuilles et de losanges, avec au centre une silhouette qui ressemble à une figure humaine dont la tête manquante devait probablement se poser plus tard en applique. Il s'agit peut-être d'une tentative infructueuse due à un changement de programme, car il semble que ce revers devait faire partie de la face principale de la croix à l’origine. C’est un superbe exemple montrant le travail préalable à l'émaillage de la pièce.

Une comparaison peut être faite avec la plaque de l'Auktionshaus Plückbaum (Bonn, Allemagne) mise en vente le 8 juin 2012, lot 689, référencée dans la base de données AGORHA. Les deux plaques représentent la même figure de saint Matthieu, elles ont la même forme et des dimensions très similaires (88 x 70 x 2 mm). En revanche, elles diffèrent par la décoration, plus bigarrée sur la plaque de Vic, et surtout par l'exécution technique de la figure, beaucoup plus soignée sur la plaque allemande. Le traitement de la tunique et des frises brodées ainsi que l'application de pierreries (orfrois) sont magnifiques.

Ici, le vêtement de l'ange n'a pas la finesse technique et le soin des détails de celui de la plaque de Bonn ; les plis très sommaires sont construits à partir de lignes droites ou légèrement incurvées qui rendent la représentation très plate, malgré l’entrecroisement des ailes. Les traits du visage sont très naïfs. Le répertoire décoratif, le listel bleu clair et blanc et le chromatisme des émaux sont caractéristiques de Limoges, mais la technique relève davantage d'un atelier travaillant à la manière de Limoges, comme le suggèrent la figure angélique, le nimbe, les nuages et le quatre-feuilles en bas à gauche, qui n’ont pas la finesse que confère l’expérience technique.

Compte tenu de ces caractéristiques et de la datation de la plaque allemande vers 1200-1210, nous datons aux alentours de 1210-1220 cette plaque probablement réalisée par un artisan qui suivait l'Œuvre de Limoges dans un atelier local, peut-être catalan.

Cette plaque est entrée au Museu Episcopal de Vic avant 1928. Elle était déjà mentionnée dans l'inventaire 8000 de cette année, p. 215, rien n’est dit de sa provenance, hormis qu’elle a été acquise en Catalogne.