Portrait présumé de Louis Adhémar de Monteil
Ce portrait d’homme en armure en prière a jusqu’ici été mal identifié en raison de l’inscription postérieure qui désigne ce dernier comme Gaucher Adhémar de Grignan, fondateur de la chapelle Saint-Sauveur du même lieu (d’autres portraits du XVIIIe siècle conservés au château, comme celui de Marie-Thérèse de Mison, présentent des inscriptions dans la même graphie et la même couleur). Il pourrait correspondre à un portrait de Gaucher Adhémar mentionné dans l’inventaire de 1760. Il ne peut cependant pas s’agir de Gaucher Adhémar, le costume étant trop tardif pour ce dernier, mort en 1519. Il ne fut pas non plus chevalier de l’Ordre de Saint-Michel, dont l’homme porte le collier, lequel complète également les armoiries sur le prie-dieu. Ces armoiries posent d’ailleurs problème. Le quartier d’or, aux trois bandes d’azur est celui de la famille Adhémar de Monteil, celui de gueules, au lion d’argent au canton d’hermine représente la famille de Montfort, plus spécifiquement Diane de Montfort, qui épouse Gaucher vers 1479. Par son mariage, cette dernière apporte également le quartier de gueules, à la croix alésée d’or cantonnée de quatre roses de même, correspondant aux comtes de Campobasso, dont elle est l’héritière. Le dernier quartier fut mal retranscrit dans la littérature comme étant de gueules, au château d’or donjonné de trois tours de mêmes maçonnée et crénelée de sable, c’est-à-dire comme le blason de la famille des Castellane. Les armoiries de cette famille s’ajoutent à celles des Adhémar avec Gaspard II de Castellane-Adhémar de Monteil, fils de Blanche Adhémar de Monteil et de Gaspard de Castellane, qui substitue ses armes à celles des Adhémar en 1563 (E. Picot, Les Français italianisants au XVIe siècle, 1, Paris, 1906, p. 229, n. 2). Le quartier du blason est en réalité de gueules, à deux lévriers rampants et affrontés d’or. Nous n’avons pas trouvé de membre de la famille Adhémar de Monteil auquel ces armes pourraient correspondre, si ce n’est peut-être une lointaine ancêtre, Béatrice dite Blonde de Deux-Chiens, qui hérita au XIIIe siècle du château de Grignan et le passa par la suite à la famille Adhémar par son mariage avec Giraud Adhémar.
En conséquence, le seul membre de la famille Adhémar qui pourrait correspondre est Louis Adhémar de Monteil, fils de Gaucher, chevalier de l’Ordre de Saint-Michel en 1543 (Ch. Mis de Boisgelin, Les Adhémar : généalogie. Première partie, Draguignan, 1900, p. 44). Mort en 1559 sans héritier, c’est son neveu Gaspard II de Castellane qui hérita du comté de Grignan, dont il modifia les armes. Louis Adhémar de Monteil fut gentilhomme de la cour de François Ier, ambassadeur en Allemagne pour la diète de Worms, comte de Campobasso et Trémoli, lieutenant général en Provence, gouverneur de Marseille, sur-intendant des galères, et conseiller et chambellan du roi (L. Moreri, Le grand dictionnaire historique, ou le mélange curieux de l’histoire sacrée et profane, 8, Paris, 1745, p. 1274). L’armure et la chemise se trouvent dans la mode des années 1550, et la représentation d’un homme déjà âgé est conforme à quelqu’un vers la fin de sa vie. Ce portrait devait à l’origine avoir un pendant, probablement un portrait de la femme de Louis Adhémar, Anne de Saint-Chamond, ainsi qu’une partie centrale. Stylistiquement, ce portrait a été rapproché à celui de Jan Lopez Gallo et ses trois fils, réalisé par Pieter Pourbus en 1568. Il est vrai que l’attention portée par le peintre à la représentation des différentes matières ainsi que le rendu assez lisse du visage laissent penser que nous avons affaire ici à un peintre flamand actif en Provence. Nous pouvons le rapprocher de la Nativité avec les donateurs Claude de Villeneuve et son épouse Isabelle de Reltris datée de 1541 et conservée dans la chapelle du château de Sainte-Roseline (Les Arcs-sur-Argens, Var). Nous retrouvons une même douceur de la touche dans les portraits synthétiques des figures, en particulier celui de Claude de Villeneuve sur la gauche, et des tissus minutieusement exécutés. Notons que Claude de Villeneuve et Louis Adhémar de Monteil se connaissaient, ayant combattu ensemble pour le Comte de Carces (J.-P. Papon, Histoire générale de Provence dédiée aux Etats, 4, Paris, 1786, p. 199). Nous ne suggérons pas qu’il s’agit ici du même artiste, mais nous retrouvons des caractéristiques communes qui incitent à y voir une même culture trouvée en Provence dans la première moitié du XVIe siècle.
GAUCHER ADEMARD DE MONTEIL / BARON DE GRIGNAN / FONDA EN 1512 LE / CHAPITRE DE ST / SAUVEUR DE / GRIGNAN
apocryphe et erronée
Sacristie de la collégiale du château de Grignan (Drôme) ; déplacé en 1987 dans le château de Grignan, inv. 403
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