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[1910, peinture, rapport Institut procès-verbal]Rapport sur les envois de peinture de 1910TYPE : rap [...]

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Description
[1910, peinture, rapport Institut procès-verbal]
Rapport sur les envois de peinture de 1910
TYPE : rapport de l'Institut de France - officiel
AUTEUR : Merson, Luc Olivier
PAGE DE TITRE : Séance du 16 juillet 1910 / Institut de France. Académie des Beaux-Arts. Rapport sur les Envois de Rome de 1910
LIEU DE REDACTION : Paris
DATE : 16/07/1910
COMMENTAIRE : La version conservée dans les archives de l'Académie de France à Rome (carton 170) est une copie tapuscrite conforme au procès-verbal de la séance du 16 juillet 1910 des archives de l'Académie des beaux-arts.
Descriptions
Transcription : 
[p. 372] A son tableau représentant " Le Pincio " M. Leroux a cru devoir donner la forme d'un triptyque. Autant cette forme a sa raison d'être lorsqu'elle est réclamée par l'architecture, autant elle est inutile et même prétentieuse lorsque rien ne l'impose. C'est ici le cas. L'effet des volets latéraux est particulièrement fâcheux car ils ne s'accordent ni avec le panneau central, ni entre eux, chacune de ces divisions ayant une échelle différente. Ajoutons que malgré cette dissemblance, c'est le même ciel et le même horizon qui règnent sur les trois compartiments, ce qui n'est pas sans troubler fortement l'effet d'ensemble. / Le motif principal représente des dames Romaines qui passent accompagnées d'un petit garçon tenant un chien en laisse. Des petites filles jouent, des nourrices en costume d'Albano et de Frascati poussent une voiture ou portent des enfants. Dans le volet de gauche, des collégiens en uniforme ecclésiastique. Au premier plan un enfant fait des pâtés. Dans celui de droite, un socle de statue et des bornes coupées par le cadre; dans le fond un jeune couple s'éloigne sous les arbres. Nous sommes à la fin de la journée; les chênes verts allongent leurs ombres grandissantes sur le terrain ; le ciel blanc de sirocco, poudroie à l'horizon et le soleil va descendre derrière la coupole de Saint Pierre. / [p. 373] Le sujet surprend tout d'abord et l'on est un peu étonné qu'après quatre années de séjour en Italie les impressions d'un jeune pensionnaire qui a dû certainement vivre dans la contemplation et l'étude des maîtres, aboutissent à une composition dont Paris lui aurait tout aussi bien, sinon mieux que Rome, fourni les éléments. L'auteur du " Pincio " a cru sans doute faire oeuvre de novateur en peignant des personnages de nos jours dans un milieu où tout incite à la représentation du passé. Peut-être a-t-il pensé être plus original. En cela il s'est trompé. Bien avant nous les maîtres anciens ont peint leur temps et leurs contemporains. Bien avant nous ils ont fait du modernisme. Raphaël, dans la Messe de Bolsena, Véronèse dans les Noces de Cana, Carpaccio dans la Vie de sainte Ursule, pour n'en citer que quelques uns, ont su fixer sur leurs toiles ou dans leurs fresques des scènes inspirées par la vie de chaque jour qui se déroulaient sous leurs yeux et, cela, avec une vérité et une intensité de réalisme que les modernes, il faut bien l'avouer, n'ont jamais égalées. / Donc, la tentative de M. Leroux, comme toutes celles qui ont été ou pourront être faites dans le même ordre d'idées, n'a rien qui puisse nous troubler. Une seule chose nous inquiète et le seul sentiment qu'éprouve l'Académie en présence de ces poussées de modernisme, c'est la crainte trop souvent justifiée que les auteurs de ces essais de rénovation n'aient pas toutes les qualités de goût, de charme, de grâce, de distinction et d'élégance nécessaires à l'exécution de pareils sujets. Ainsi le tableau de M. Leroux, nous avons le regret de le déclarer, nous a surtout frappé par la lourdeur et l'opacité des tonalités, quand évoquant [p. 374] l'image de ces fins de journées sur le Pincio, nous rappelons des souvenirs lointains mais précis, il nous semble que ces féeriques couchers de soleil étaient autrement vibrants et faits comme disait si justement le maître Gounod, de poussière d'améthyste. La palette de M. Leroux est un peu lourde ; elle est gouacheuse [sic] et monotone et qu'il s'agisse de ciel, de terrain, de troncs d'arbres, de feuilles, de vêtements, de visages ou d'accessoires, c'est toujours de la même brosse aux touches égales et toutes semblables entre elles que l'exécution se répand sur cette toile inutilement grande. M. Leroux avait pourtant dans ce tableau une belle occasion de faire oeuvre de peintre. Il semble s'être peu préoccupé de la facture qui aurait dû être variée et brillante et qui n'est que triste et languissante. La forme est loin d'être irréprochable et elle manque de justesse, témoin la figure du petit garçon qui tient le chien. On aurait souhaité que toute la partie nature morte eut été mieux comprise et que M. Leroux entre autres choses, se fut un peu plus attaché au rendu de la diversité des étoffes dont sont vêtus ses personnages. Ils semblent habillés tous d'une sorte de bure sans éclats ni reflets. De là, un aspect général triste, alors que le caractère de cette composition aurait dû être avant tout la gaieté. Des femmes, des enfants, un site enchanteur, une heure admirable, ne sont-ce pas là tous les éléments d'une fête pour les yeux. / Malgré tout, l'Académie reconnaît l'effort tenté par M. Leroux et qui termine une pension laborieusement remplie. Elle se plaît à reconnaître que ce pensionnaire a satisfait à toutes ses obligations et elle compte que sa carrière [p. 375] de peintre se poursuivra heureusement. Envoi de troisième année / "Laetis intexit vitibus ulmos" / Tel est le titre que M. Roganeau donne à son tableau. Appelons-le simplement "Les Vendanges". / Dans une prairie plantées d'ormeaux, des vignes attachées aux troncs grimpent dans les branches. Une jeune mère élève son enfant vers les fruits de la vigne qui s'offrent à sa main. Près d'elle, un jeune garçon, les épaules couvertes d'un morceau de draperie, supporte de la main gauche sur sa tête une corbeille pleine de raisins, de la droite, il tient des grappes. Il faut d'abord louer l'arrangement de ce groupe. Il y a, en effet, dans cette composition un sentiment de simplicité, un souvenir de l'antique et une recherche dans l'ajustement de la femme, dont il faut féliciter l'auteur. Malgré de regrettables fautes de valeurs dans les rapports des figures avec le paysage, particulièrement dans les parties du fond qui avoisinent la tête de la femme. On doit reconnaître malgré tout dans cette oeuvre, à côté de négligences de détails, des marques de sincérité dans l'ensemble et de la largeur dans l'exécution. / Le même pensionnaire envoie une esquisse représentant des femmes en procession puiser de l'eau au bord d'une rivière. [p. 376] La ligne de cette composition pleine de clarté se lit facilement grâce à la franchise et la simplicité de la silhouette, et, si, l'exécution est un peu sommaire, on ne peut qu'approuver la répartition des volumes et l'heureuse découpure des figures très expressive et très harmonieuse. Mais pourquoi avoir fait de cette esquisse un projet de triptyque ? Rien dans la composition qui nous est présentée ne réclamait cette forme spéciale, d'autant que les deux volets extrêmes ne peuvent se détacher du motif central qu'ils commencent à gauche et terminent à droite. Nous pensons donc que cette esquisse gagnerait beaucoup à ce que les meneaux qui, sans raison, la partagent en trois parties fussent supprimés ; ce serait le moyen de lui donner la grandeur et la simplicité qui lui conviennent. M. Roganeau complète son envoi de 3e année par la copie d'un fragment d'une fresque de Ghirlandaio à Santa Maria Novella de Florence. La Visitation. Cette copie d'une importance réduite, comporte strictement les trois figures exigées par le règlement. Elle est d'une exécution molle qui ne rappelle qu'imparfaitement la finesse et la fermeté de dessin qui caractérisent l'original. Les têtes d'une physionomie si personnelle dans l'oeuvre du maître ont été laissées ici dans un état d'indécision qui n'est pas dans l'esprit de la fresque. Ce fragment quoiqu'un peu restreint était bien choisi ; mais en raison même de son peu d'importance eut-il été à souhaiter que la facture en fut poursuivie avec plus de conscience et de sincérité. [p. 377] D'une étude plus châtiée de cette oeuvre, M. Roganeau eût très certainement retiré des qualités d'exécution plus précises qui manquent un peu à son tableau et à son esquisse. Quoi qu'il en soit et sauf les faiblesses regrettables de la copie, l'envoi de M. Roganeau est déclaré satisfaisant. Envoi de deuxième année / M. Billotey, pensionnaire de deuxième année, envoie une figure de femme qu'il intitule "Hélène". / Tout d'abord, regrettons l'énorme bordure qui alourdit ce tableau. Sa forme est sans raison. Pourquoi un cadre ovale? Réflexion faite, on s'aperçoit que cette bordure est sans nul doute symbolique, et que sa forme est là pour rappeler celle de l'oeuf dont est née la fille de Léda. Quoi qu'il en soit pour bien pénétrer le sujet, rappelons le texte de l'Iliade où les vieillards troyens voient passer l'épouse de Ménélas sur les remparts. "Telles, dit le poète, les cigales au fond de la forêt cachées dans le feuillage d'un grand arbre, pour entendre leur voix délicate, tous les anciens de Troie se tiennent au haut de la tour. A l'approche d'Hélène, ils échangent entre eux, à voix basse, ces paroles rapides : "Il n'y a point à s'indigner si, pour une telle femme, les Troyens et les Grecs endurent avec constance des maux affreux. Par ses traits et sa démarche, elle ressemble aux déesses immortelles. Voilà donc l'idéal de beauté qu'à essayé de représenter M. Billotey. Que la tentative fut audacieuse et l'entreprise difficile, on ne saurait le nier. Voyons comment notre [p. 378] jeune pensionnaire s'est acquitté de cette tâche. Hélène est représentée nue, assise au bord d'un lit de bronze couvert de draperies d'un bleu sombre et d'un blanc froid et dur. / Perdue dans un fond triste et monotone égayé par la seule présence d'un pilastre cannelé, cette figure exsangue, aux forces pauvres et maigres, au torse particulièrement mal construit, à la tête banale, aux mains et aux pieds vulgaires et d'une exécution trop sommaire, dénuée, en somme, de caractère et de beauté, ne saurait représenter pour nous la femme que les vieillards troyens comparaient à une déesse. Certes, ni les oeuvres de la statuaire antique, ni celles des maîtres de la Renaissance ne manquent en Italie et particulièrement à Rome. Elles offrent aux artistes des interprétations multiples de la nature qui montrent la variété infinie des formes sous lesquelles peut s'exprimer la beauté féminine. C'est cette étude et ce genre de recherches qui auraient dû s'imposer avant tout à M. Billotey et dont il ne semble pas s'être suffisamment préoccupé. Par une compréhension plus noble et surtout plus délicate, notre jeune pensionnaire aurait pu donner à la figure, qu'il ambitionnait de représenter, l'aspect de déesse immortelle qu'Homère prêtait à Hélène. Nous avons indiqué à quel points pèche cette étude. N'insistons pas et passons au second tableau envoyé par M. Billotey qu'il intitule " Les Héros ". / Deux cavaliers, les Dioscures sans doute, après la soeur les frères, chevauchant de blanches montures côtoient, au pas, la cime d'une falaise. C'est la matin ; le ciel d'un bleu léger éclaire la mer et un horizon borné par de hautes cimes. [p. 379] Les cavaliers se présentent de profil allant de droite à gauche. Celui du fond tourne la tête vers son compagnon et d'un geste vague indique le ciel. Ce groupe aux allures sculpturales évoque le souvenir des frises du Parthénon auxquelles M. Billotey n'a pu faire autrement que de songer. Ce n'est pas un reproche que nous lui adressons, loin de là, et l'on ne peut regretter qu'une chose, c'est qu'il n'ait pas su donner à son oeuvre, tant dans les figures que dans les chevaux un peu de la belle construction et de la noblesse du modèle qui l'a certainement inspiré et dont le souvenir ne pourrait être trop évoqué en cette circonstance. Malgré tout, lorsque nous avons signalé la tonalité plâtreuse des chevaux, leur anatomie douteuse et leur exécution sèche et molle tout à la fois, le fâcheux arrangement du bras droit du premier héros qui semble appartenir à son compagnon, enfin après nous être demandé pourquoi Castor et Pollux montent à cheval sans bride alors que l'invention de cette partie du harnachement remonte aux temps préhistoriques, nous n'avons qu'à louer l'aspect clair et limpide de ce tableau et l'impression de fraîcheur et de jeunesse qui s'en dégage. L'auteur de cette toile a beaucoup à apprendre au point de vue du dessin et des proportions, mais il semble indiquer des aspirations vers des recherches de style, qu'on ne saurait trop louer et encourager. Son exécution doit être d'autant plus parfaite qu'il l'appliquera à des sujets plus élevés. Aussi ne saurions nous trop engager M. Billotey au moment où il va entreprendre son envoi de troisième année de s'appliquer à choisir avec discernement l'oeuvre qu'il devra copier et dans laquelle il [p. 380] puisera les qualités qui l'aideront à combler les lacunes de son exécution. Envoi de première année / M. Lefeuvre envoie deux tableaux d'une figure : une femme nue, qu'il intitule " Étrusque " un homme, non moins dévêtu qu'il dénomme "Solitaire". Près d'un lit, une femme debout, le haut du corps dans l'ombre, s'apprête d'un geste mal défini à revêtir ou à enlever sa draperie. Tout dans ce tableau est jaune, depuis le lit, la draperie de la femme. Le fond sur lequel elle se détache jusqu'au terrain. A ses pieds nus une peau de bête et dans un plateau des oranges et une amphore de terre noire décorée d'ornements géométriques et d'une frise d'animaux. / Cette figure d'un ton lourd et opaque, d'une forme ronde et sans caractère n'a rien qui rappelle l'art étrusque ou l'art grec dont il dérive. Si dans le torse et les cuisses, malgré des rondeurs fâcheuses il y a des passages de modelés assez fins et une certaine souplesse de facture, pour une cause, qui nous échappe, le haut de l'Étrusque et particulièrement la tête semblent être tachés accidentellement au point de rendre le modèle inexplicable. / La figure du "Solitaire" représente une sorte d'ermite Hindou, un yogi. Fuyant la lumière du jour et accroupi dans l'ombre il s'éclaire par le reflet d'un coup de soleil qui frappe le sol. Aux parois de son antre sont accrochés une outre, des tomates et des oignons. Dans ce tableau, [p. 381] nous retrouvons la même harmonie jaunâtre de "l'Étrusque". Avec M. Lefeuvre les sujets changent mais la gamme des tons reste la même avec la dureté de dessin et de modelé en plus, comme par exemple dans les extrémités des pieds et mains. Cette figure a non seulement le ton du vieux bois, elle en a aussi la dureté et donne la sensation, peut-être l'auteur l'a-t-il voulu, d'une momie desséchée. / A ces deux peintures est joint un dessin d'après une figure antique drapée de style archaïque. Le choix n'en est pas très heureux et l'exécution n'a été traitée qu'un point de vue pittoresque de l'effet. M. Lefeuvre a négligé d'envoyer le dessin d'après une peinture qui est exigé par le règlement. / Si M. Lefeuvre tient à poursuivre ses recherches d'effets mystérieux et noyés d'ombre, il fera bien d'assouplir son exécution et d'introduire dans sa palette des transparences et des légèreté qui pour l'instant lui font défaut. Peut-être ferait-il bien de se contenter d'effets moins compliqués ; mais, quoi qu'il fasse, il fera bien d'étudier avec plus de délicatesse dans la nature et d'observer plus finement chez les maîtres les phénomènes du clair-obscur dont il semble un peu ignorer les lois fondamentales. La série des envois des jeunes artistes de cette année, quelle que soit l'appréciation que l'on émette sur eux, à défaut de très grandes qualités artistiques montre au moins par le nombre d'oeuvre envoyées le désir bien affirmé de la part des pensionnaires de ne plus manquer leur engagement. [p. 382] L'Académie ne doute pas que les élèves peintres de l'École de Rome, après avoir repris l'habitude de remplir leurs devoirs d'une façon normale, sauront ajouter à l'observation de leurs engagements les qualités d'artistes que ne peut manquer de leur donner l'étude consciencieuse et approfondie des chefs-d'oeuvre dans la fréquentation desquels ils vivent et de l'admirable nature qui les entoure et qui doit toujours être leur suprême inspiration.
Localisations
Cote / numéro : 
Académie des beaux-arts, 2 E 22, p. 372-382
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Commentaire interne
Base Envois de Rome FMP, fichier Documents.fp7, notice : £Rapport envois, procès-verbal, 1910, peinture£ Notice créée le 04/08/2002. Notice modifiée le : 21/09/2018. Rédacteur : France Lechleiter.
Rédacteur
France Lechleiter