Diptyque avec une Vierge à l’Enfant et Willem van Bibaut
Le moine chartreux représenté en prière sur le volet de droite est identifié par l’inscription sur le cadre comme Willem van Bibaut (1484-1535), chef de l’ordre cartusien dès 1521. Peut-être est-ce à cette occasion qu’il fait peindre ce diptyque le représentant en orant devant la Vierge à l’Enfant. Les arma Christi sont peintes au revers de son portrait. A partir de 1521, Bibaut vit à la Grande Chartreuse de Grenoble jusqu’en 1535, date de son décès (et non pas 1575 comme le laisse croire l’inscription). La date de 1523 indiquée par l’inscription est donc à prendre avec précaution. Le volet de gauche avec la Vierge serait plus précoce selon certains et aurait été réalisé à Bruxelles vers 1475-1480, par le Maître de légende de sainte Madeleine. D’autres, comme Marc Rudolf de Vrij, estiment qu’au contraire elle serait contemporaine du portrait en imitant un modèle populaire (on trouve une composition identique au musée Mayer van den Bergh d’Anvers (inv. 384). D’après des examens en laboratoire, il s’agirait en réalité bien de deux panneaux distincts réalisés à des époques différentes. Les publications récentes s’accordent ainsi pour y voir un panneau du Maître de la légende de Marie-Madeleine et le portrait par un artiste français inconnu. On peut envisager une datation autour de 1525-1530 pour le portrait, ce qui correspondrait à un homme d’une quarantaine d’années (van Bibaut naît en 1484 à Thielt).
Le portrait de Willem van Bibaut correspond à l’art grenoblois des années 1520 et 1530. On peut en effet comparer le volet droit avec une des rares peintures de chevalet à l’origine dauphinoise avérée, une Mise au tombeau conservée au musée des Beaux-Arts de Grenoble, dite la Pietà de Beaurepaire, mais surtout le Christ aux cinq plaies commandé par un chanoine grenoblois, François Parvy, en 1534, dans l’église Saint-Symphorien de Champagne-en-Valromey (Ain) (voir C. Larraz, Simon de Châlons, Milan, 2022, p. 93-94). Le portrait de François Parvy en prière dénote d'une certaine influence du Nord qui correspond également à la culture du peintre responsable du portrait de van Bibaut. Dans les deux cas, les visages sont façonnés dans une matière picturale molle, rehaussée par endroits de pointes de blanc pour conférer une illusion de lumière, notamment sur le nez (une habitude qui se retrouve dans les personnages saints entour du Christ). On retrouve également une façon similaire de concevoir les mains, arrondies et légèrement déformées sur certaines phalanges. Les drapés trouvent aussi des points de comparaison éloquents : la manche de Bibaut s’apparente aux vêtements plissés de la Vierge et de saint Jean. Si nous ne sautons pas encore le pas de l'attribution par prudence, le foyer grenoblois semble se caractériser par la présence d’artistes au style presque excentrique dans les décennies 1520 et 1530. Aucun nom trouvé dans les documents d’archives ne semble pour le moment correspondre au profil de ces artistes flamands, mais les minutes notariales grenobloises du premier quart du XVIe siècle n’ont pas été dépouillées en profondeur depuis le travail d'Edmond Maignien (Les artistes grenoblois, 1887).
dimensions pour chaque panneau
Obiit Gratia nopoli anno 1575
inscription posthume
Guilielmus bibaucius primas tols / ordinis cartusientium 1523
inscription posthume
Pour le portrait
pour le panneau de la Vierge à l'Enfant
Collection comtesse de Liederkerke, Bruxelles (prêt en 1902 pour l’exposition de Bruges) ; collection Hans. A. Wetzlar, Amsterdam, 1977 ; Londres, Brod Gallery, 1977 ; Sotheby’s, Amsterdam, 9 juin 1977, lot 60 ; Amsterdam, Rijksmuseum (prêt d’une collection particulière), inv. SK-C-1777.
p. 68-69, n° 62, sous « inconnu vers 1520 »
vol. 3, p. 53, n° 295
n° 10, sous « Maître de la légende de Marie-Madeleine »