Le Martyre de sainte Barbe
Bas-relief appliqué à l'origine sur la face interne du volet senestre du retable de la confrérie de Sainte-Catherine (daté de 1524) dans l’église paroissiale Saint-Étienne d’Épendes (canton de Fribourg, Suisse). Le volet, peint sur sa face externe par Wilhelm Ziegler, est conservé au Philadelphia Art Museum (États-Unis).
- Identification du bois, Élisabeth Ravaud, Centre de recherche et de restauration des musées de France, 1989.
- Restauration, Anne Portal, 2004.
- Analyse de la polychromie, Sandrine Pagès-Camagna, Centre de recherche et de restauration des musées de France, 2005.
Bas-relief composé de trois planches de bois (tilleul) avec éléments assemblés.
- Planches assemblées verticalement et collées à plat-joint (planche dextre L. 23,5 cm, planche médiane L. 3,5 cm, planche senestre L. 28,5 cm).
- Revers : traces de scie et, par endroits, de rabot à lame arrondie ; quelques pièces de toile encollée posées localement sur les joints et les fentes.
- Éléments assemblés à l’origine (disparus) : mains de sainte Barbe ; main droite et épée de Dioscure ; fourreau et épée du petit personnage de Dioscure à l’arrière-plan.
- Détails sculptés à la surface du bois, notamment sur les éléments du paysage : sol travaillé au tremblé, ressauts rocheux et assises des murs soulignés par des incisions (au burin ?).
- Traces de la fixation du relief sur le volet avec des clous forgés : trous et bois endommagé sur les bords verticaux.
- Attaque d’insectes xylophages (actuellement inactive).
- Principaux manques : tous les éléments assemblés à l’origine ; éclats et manques au bord du relief dans sa partie supérieure et à l’angle inférieur dextre.
- Interventions postérieures au revers, pour renforcer les parties affaiblies du haut du relief : épaisse feuille de carton collée sur la moitié senestre (20e siècle) et deux petites pièces de bois collées en partie centrale (2004).
- Deux trous pour pitons à vis (20e siècle) sur les bords verticaux, en partie haute.
Polychromie d'origine (vraisemblablement exécutée dans l’atelier du peintre Wilhelm Ziegler), avec quelques lacunes, usures et vestiges d’une couche postérieure de vernis assombri :
Encollage ; préparation blanche (carbonate de calcium).
- Robe de sainte Barbe : bol, or ; bord du corsage cerné d’une ligne en glacis rouge et orné d’une ligne de points poinçonnés dans l’or.
- Vêtement et turban de Dioscure : bol, or ; bol, argent ; glacis rouge sur le gland et sur le pan d’étoffe du turban en alternance avec l’or.
- Manches du vêtement de Dioscure : bol, argent, glacis rouge (laque de garance).
- Cheveux de sainte Barbe : mixtion orangée (charge : mélange de blanc de plomb, de minium, de jaune de plomb et d’étain sans silice, de carbonate de calcium avec un peu de terre), or parti.
- Revers de la robe de sainte Barbe, col du vêtement de Dioscure : sous-couche noire, deux couches de bleu (azurite).
- Pans du bonnet et chausses de Dioscure : sous-couche orangée (carbonate de calcium, blanc de plomb, un peu de vermillon), couche organique, couche rouge (blanc de plomb, un peu de carbonate de calcium, vermillon).
- Chaussures de Dioscure : couche organique beige, noir (jaune de plomb et d’étain sans silice, oxyde de fer, ocre, vermillon, grains d'azurite dans du noir de carbone).
- Sols herbeux : sous-couche jaune (jaune de plomb et d’étain), couche verte (pigments au cuivre dans une matrice organique avec quelques grains de jaune de plomb et d’étain sans silice) ; différents tons de vert selon les zones : vert clair ou sombre (avec glacis vert ou brun), vert jaune (avec couche jaune : jaune de plomb et d’étain).
- Arbres : feuillage vert sombre ; troncs et ombres portées sur le sol : vert sombre ou brun-vert.
- Sols rocheux (brun rose plus ou moins soutenu) : sous-couche jaune (jaune de plomb et d’étain), couche rose.
- Architectures : sous-couche orangée, murs gris ou roses, toit gris ; meurtrières indiquées par une ligne de glacis rouge vif encadré de blanc.
- Architectures et sols : localement rehauts verdâtres pour indiquer des coulures d’eau.
- Carnations de sainte Barbe : sous-couche rose pâle, couche blanche à peine rosée ; joues rehaussées de rouge ; bouche rouge vif ; yeux bruns cernés de noir ; sourcils noirs ; quelques mèches peintes (brun clair et brun foncé) sur les carnations. Ongles des doigts cernés de brun.
- Carnations de Dioscure : rose plus soutenu ; dents blanches ; yeux bruns cernés de noir, sourcils brun clair, barbe brun sombre. Ongles des doigts cernés de brun.
La vie de sainte Barbe se déroule au 3e siècle selon les récits légendaires rapportés depuis le 9e siècle et enrichis au 15e siècle. Le relief représente à la fois la décollation de sainte Barbe par son père Dioscure et le châtiment de ce dernier. Dans le haut du paysage accidenté se dresse la tour dans laquelle Barbe fut enfermée pour avoir refusé de renoncer à sa foi chrétienne. Le bras droit levé, Dioscure brandit son arme (épée et main disparues) pour décapiter sa fille, qui est agenouillée, les mains jointes (disparues). Au moment de mourir, elle adressa à Dieu une prière en faveur de tous ceux qui l'invoqueraient pour avoir l'assurance de recevoir les sacrements avant d’expirer : ainsi la sainte protège-t-elle de la mort subite. A l'arrière-plan, apparaît simultanément l'épisode suivant, la punition divine du père infanticide qui tombe foudroyé. Comme sainte Catherine, sainte Barbe est une figure secourable très populaire à la fin du Moyen Âge qui est rangée parmi les Quatorze Intercesseurs, quatorze saints ayant le pouvoir d’intercéder auprès de Dieu pour l’humanité en péril de mort ou d’épidémies, selon la vision d’un jeune berger allemand au 14e siècle. Les deux saintes sont souvent associées dans les représentations.
Suisse, Fribourg (Freiburg)
Le relief du Martyre de sainte Barbe et son pendant le Martyre de sainte Catherine, sculptés dans l’atelier de Hans Gieng (cité de 1525 à 1562), proviennent des volets du retable de la confrérie de Sainte-Catherine dans l’église paroissiale Saint-Étienne d’Épendes, près de Fribourg en Suisse (communication écrite de Joshua P. Waterman, 12 avril 2011 ; Gasser, Simon-Muscheid, Fretz, Bosshard, 2011, tome 1, p. 210-214). Les volets, peints dans l’atelier de Wilhelm Ziegler, sont conservés au Philadelphia Art Museum, États-Unis (John G. Johnson Collection, cat. 729 ; bois : H. 148,5 et H. 148,4 ; P. 55, hors cadre postérieur ; catalogue inédit des peintures allemandes préparé par Joshua P. Waterman). Les dimensions des volets indiquent que la caisse mesurait environ 160 sur 135 cm. Elle pouvait abriter trois figures sculptées, selon une disposition habituelle, ainsi la Vierge à l’Enfant entourée des saintes Catherine et Barbe, ou encore un relief de grand format illustrant une autre scène de la vie de sainte Catherine.
Les faces externes des volets représentent les figures en pied de sainte Catherine (volet dextre) et sainte Barbe (volet senestre). Sur la tour de sainte Barbe -sous le pied du calice- sont peints : la date 1524, les lettres HG entrelacées, le monogramme de Hans Gieng qui surmonte l’image d’une gouge, outil du sculpteur, et la lettre Z avec une petite barre verticale, monogramme du peintre Wilhelm Ziegler. Sur le haut de la lame de l’épée de sainte Catherine est peint ce même monogramme de Ziegler.
Les reliefs étaient fixés par des clous forgés sur les faces internes des volets. La pointe brisée de l’un des deux clous conservés sur le relief du martyre de sainte Catherine est encore fichée dans le volet correspondant au musée de Philadelphie. Les contours et les dimensions des reliefs coïncident exactement à ceux des parties laissées en réserve sur les fonds polychromés des volets.
Dans le haut des deux volets, une zone bleu clair devait à l’origine servir de fond à un réseau décoratif rapporté, en bois doré. Au-dessous, le fond doré, orné de motifs végétaux gravés dans la préparation, présente sur chaque volet une petite zone ovale en réserve, sur laquelle était à l’origine appliqué un relief complémentaire de la scène principale. Dans le bas, un large bandeau noir porte une inscription peinte. Sur le volet dextre, elle donne les noms des deux donateurs du retable, Peter Baumgartner et Hans Moron, membres de la confrérie de sainte Catherine, qui prient Dieu de leur être miséricordieux : « Petter baumgarter und hans morō / m[…] stiffter [der brude]rschaft sant / katherina den got genedich sei ». Sur le volet senestre, les mérites et le martyre des deux saintes sont invoqués afin d’obtenir pour tous la grâce du Seigneur, Dieu tout-puissant : « Her almechtiger got biß unß allen / genedich durch das verdinß und / marter sant katharena und bawara ».
Le retable d’Épendes est un exemple de la traditionnelle collaboration entre plusieurs corps de métiers pour réaliser un retable d’autel à volets, menuisiers, sculpteurs et peintres souvent aussi chargés de la polychromie. Dans ce cas, la caisse, le bâti des volets et les autres éléments structurels du retable ont pu être exécutés, comme les sculptures, dans l’atelier de Hans Gieng, également fournisseur de mobilier pour les églises ou les édifices civils. Très vraisemblablement, l’atelier de Wilhelm Ziegler s’est chargé à la fois de la peinture des volets et de la polychromie des sculptures, comme le laissent penser, outre la présence des monogrammes, des correspondances visuelles entre le traitement et la gamme de couleurs. Sur les reliefs polychromés, les détails des architectures et des paysages, nuancés de différents tons verts, ocrés ou rosés, sont rendus de façon picturale. Des rehauts verdâtres évoquent les coulures noirâtres laissées par l’eau sur les murs et les ressauts rocheux. Des rehauts blancs suggèrent des sentes sur le sol vert ou soulignent l’encadrement des baies peintes sur les murs. Des rehauts vert sombre indiquent l’ombre portée des arbres sur le sol.
En l’absence de documents écrits, il est difficile de préciser si un seul maître, le sculpteur ou le peintre, a reçu la commande du retable et sous-traité le reste des travaux, ou si chaque maître a été sollicité et payé séparément par les commanditaires, comme pour certains retables fribourgeois (Gasser, Simon-Muscheid, Fretz, Bosshard, 2011, tome 1, p. 246).
Relief du volet senestre du retable de la confrérie de sainte Catherine placé sur l'autel de Sainte-Catherine dans l'église paroissiale Saint-Étienne d'Épendes (canton de Fribourg, Suisse) ; retable offert par deux membres de la confrérie, Peter Baumgartner et Hans Moron, et exécuté en 1524 à Fribourg dans les ateliers de Hans Gieng et Wilhelm Ziegler. Autel et retable déplacés à l'intérieur de l'église d'Épendes au 17e siècle, puis retable retiré de l'église en 1824 ou 1836 et démembré. Volets peints et reliefs des volets conservés, autres parties du retable disparues. Volets : commerce de l'art, Bâle et Budapest ; collection de John G. Johnson (Philadelphie, 1841-1917), volets acquis avant 1914 ; legs de la collection Johnson au Philadelphia Art Museum, 1917. Reliefs : collection particulière, Paris ; commerce de l'art, Paris ; acquisition, 2004.
p. 53, 55-56, 63 (autel de Sainte-Catherine mentionné dès le 15e siècle ; autel et retable déplacés vers 1645, retable supprimé en 1836).
p. 111.
p. 82 (Sud de la Souabe, vers 1520).