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21/03/2022 Collectionneurs, collecteurs et marchands d'art asiatique en France 1700-1939

Commentaire biographique

Louis Édouard Lapicque est un professeur de médecine français de la première moitié du XXe siècle, qui a contribué au développement de la neurologie. Également spécialisé en physiologie, ses travaux ont porté sur l’excitabilité nerveuse humaine par le courant électrique : l’électro-stimulation musculaire. Il a développé la notion de seuil d’excitabilité en fonction du temps, ce qui l’a conduit en 1907 à définir le concept de chronaxie (valeur qui sert à mesurer la vitesse d’excitabilité d’un tissu nerveux ou musculaire).

Son épouse Marcelle Lapicque (1873-1960), fille de Severiano de Heredia (député républicain, ministre des Travaux publics en 1887), est également une neurophysiologiste, avec qui il collabore pour leurs recherches sur la chronaxie, ainsi que sur les effets des poisons (comme la strychnine). Elle lui succèdera à la direction du laboratoire de physiologie de l’École Pratique des Hautes-Études. 
De tradition familiale républicaine et socialiste, Louis Lapicque s'est engagé tout au long de sa vie dans des actions de défense des droits humains, en faveur de la laïcité, des libertés de culte et de pensée. Dès 1898, il organise une « Conférence publique sur l’affaire Dreyfus » à Paris, au côté des Dreyfusards ; il participe à la fondation de la Ligue des droits de l’homme, dont il reste un membre actif jusqu’en 1905. Avec Paul Rivet, Paul Langevin et Lucien Lévy-Bruhl, il manifeste le 21 juin 1933 au Manège Japy, contre ce « système barbare d’oppression », ce qui préfigure la création du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, le 5 mars 1934. 
Militant socialiste dans sa région natale des Vosges, Louis Lapicque participe à la création de l’Université populaire ; puis, en 1902, à celle du journal socialiste L’Ouvrier vosgien, dans lequel il expose la doctrine socialiste, y combat le cléricalisme, et dénonce les répressions du tsarisme. Il se présente aux élections législatives de 1906 pour la fédération des Vosges du Parti socialiste S.F.I.O. (arrondissement de Remiremont), dont il devient le délégué national. 

Vers 1900, Louis Lapicque et son ami l’historien Charles Seignobos, président de la Ligue des droits de l’Homme, réunissent une communauté de scientifiques humanistes, qui se retrouvent chaque été pour les vacances à l’Arcouest (un hameau de la commune de Ploubalzanec situé face à l’île de Bréhat, près de Paimpol, qui sera surnommé « Sorbonne Plage » ou « Fort la Science »). Ils y reçoivent leurs amis, Irène et Frédéric Joliot-Curie (prix Nobel de chimie, 1935), Pierre et Marie Curie (prix Nobel de physique 1903, puis seule prix Nobel de chimie, 1911) et Jean Perrin (Prix Nobel de physique 1926), Émile Borel, mathématicien et sa femme, la romancière Camille Marbo (Prix Femina 1913), le chimiste Victor Auger, Jean Zay, ou l'historien Georges Pagès.

Mobilisé pendant la Première Guerre Mondiale comme médecin-chef d’un dépôt d’un régiment d’infanterie, Louis Lapicque est envoyé à sa demande en décembre 1914 au front en Champagne jusqu’en juillet 1915, pour raison de santé, et reçoit la Croix de guerre. Il organise alors un laboratoire de recherche pour la défense nationale et la protection contre les gaz asphyxiants. 
À la fin de la guerre, il est l’un des fondateurs du Comité d’assistance aux sinistrés vosgiens. En 1924, il est candidat socialiste indépendant aux élections législatives, sur la liste du Cartel des gauches. 

Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, il participe dans son laboratoire de la faculté des sciences à la création en janvier 1941 du groupe de résistance maçonnique Patriam recuperare. Arrêté par la Gestapo, Louis Lapicque est emprisonné, à Fresnes, où il rédige son dernier livre La Machine Nerveuse (1943).
Louis Lapicque adopte son neveu, devenu orphelin, le futur peintre Charles Lapicque (1898-1988), figure de la « Nouvelle École de Paris » entre 1939 et 1943. Ingénieur de formation, Charles Lapicque, s’oriente vers une carrière d’artiste peintre sous l’impulsion de son épouse, Aline Lapicque-Perrin (1899-1991), fille de l’atomiste Jean Perrin, et elle-même illustratrice. Pendant la guerre, Charles et Aline Lapicque cachent des Juifs et seront reconnus comme « Justes parmi les nations ».

Sa collection

Probablement considérés comme le cœur de la collecte, les premiers objets enregistrés au musée d’ethnographie du Trocadéro à son retour en 1896 viennent des Andaman (71.1896.14.1 à 70). Il s’agit principalement d’arcs au galbe caractéristique et de lances qui sont utilisés pour la pêche pratiquée depuis des rochers ou des embarcations. Les autres objets concernent les étapes suivantes du périple, la Malaisie, la Birmanie, puis l’Indonésie.

La collecte effectuée par Louis Lapicque dans les petites îles de la Sonde orientales lors de son voyage sur la Sémiramis est typique des collectes de la fin du XIXe siècle. Elle concerne l’île de Flores, de Timor et de Savu. On y trouve aussi 6 batiks javanais, sarong et foulards, collectés sur l’île de Flores, et une veste non terminée du Sarawak dont les motifs, réalisés selon la technique de l’ikat, sont d’une finesse remarquable. La majorité des objets concerne le domaine des armes pris dans un sens large, couteaux, arcs, flèches en grand nombre sans désir apparent de recherche de l’exceptionnel. La collecte recèle toutefois quelques très belles pièces, des textiles et des vanneries notamment mais aussi quelques raretés comme deux ceintures cartouchières (71.1896.16.59 ; 71.1896.16.6.1-10), des guerriers méo du Timor que l’on retrouve portée sur les photos prises par l’expédition. Parmi les textiles remarquables on note une jupe portée par les femmes de hauts rangs des Sikka (71.1896.16.49) un selimut (71.1896.16.48) porté par les hommes de Flores aux motifs inspirés des patola indiens. Les textiles de Timor et de Savu sont de très belles factures et comptent parmi les plus beaux textiles (71.1896.16.57 ; 71.1896.16.58 ; 71.1896.16.47) de la collection du musée. Quelques vanneries Sikka des Maumere (71.1896.16.8.1-2 ; 71.1896.16.7.1-2 ; 71.1896.16.33.1-4) qui ont partie liée à la consommation du bétel. Certaines ornées de perles de verre. Des boîtes à chaux cylindriques pyrogravées, des cuillères de nacre taillées dans des nautiles, d’autres dans la noix de coco sont présentes. Des bijoux, bracelets, boucles d’oreilles font aussi partie de la collection. Leur facture n’a rien d’exceptionnel. Les collections néerlandaises possèdent le même type de pièces rapportées à la fin du XIXe siècle. 

Louis Lapicque pratique la photographie tout au long du voyage, avec des négatifs sur plaque de verre au gélatino-bromure d’argent pris à la chambre. Il semble être un photographe éclairé qui fait le choix de plaques de moyen format (18 x 24 cm), probablement pour obtenir une certaine qualité. En Inde, il dispose d’un appareil à plaque stéréoscopique (9 x 18 cm) en 1903-1904. De sa première mission, il constitue une vaste collection de vues couvrant la quasi-totalité des étapes du trajet. Cet ensemble est à la fois caractéristique des productions visuelles des missions d’anthropologues de la fin du XIXe siècle, avec de nombreux portraits anthropométriques des différents groupes autochtones rencontrés, et il est également rare par les vues de certaines régions traversées comme les Andamans et de groupes autochtones moins connus comme les Moken de l'archipel Mergui et les Semang de Malaisie. 

Louis Lapicque devient un des spécialistes français des populations autochtones d’Asie, et à partir de ces études il va défendre dès 1906 une nouvelle hypothèse que les populations humaines sont mélangées. Au début du XXe siècle, il contribue à faire évoluer la conception de l’anthropologie. Avec Paul Rivet, il participe en 1911 à la création de l’Institut Français d’Anthropologie, dont le but était de réunir les savants français pour une approche plus moderne, qui ne se contenterait plus d’une étude de l’apparence physique mais aborderait les questions culturelles des sociétés humaines.

Collections de photographies

  • Bibliothèque nationale de France, Société de Géographie, 41 plaques de projection pour une conférence donnée par Louis Lapicque le 23 novembre 1894 à la Société de Géographie, [thématique principale : Beloutchistan - Golfe Persique], SG XCH-155 ; deux portraits de Louis Lapicque, Atelier Nadar : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb465541682 
  • Bibliothèque de l'Institut National d'Histoire de l'Art, collections Jacques Doucet :  Albums Dieulafoy, 2 épreuves photographiques, 4 PHOT 018 (3) et (4) : https://bibliotheque-numerique.inha.fr/idurl/1/62743 
  • Musée du quai Branly - Jacques Chirac, collection de 481 négatifs au gélatino-bromure d’argent sur plaque de verre de format 18x24 cm et de 598 tirages (543 tirages sur papier aristotype, 58 tirages sur papier baryté), 53 plaques de projection. https://collections.quaibranly.fr/ 
  • Muséum national d’Histoire naturelle, 10 photographies, Fonds de la Société d'Anthropologie de Paris, SAP 155 (8) / 11 à 20 : https://bibliotheques.mnhn.fr 

Collections d’objets