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Désigné comme  « le prince des experts » par Paul Eudel (1908), Charles Mannheim est associé à plus de 2000 ventes aux enchères parisiennes, listées dans le répertoire de Frits Lugt jusqu’en 1900. Deuxième fils de Sigismond Mannheim, il le rejoint dans le commerce des curiosités en 1852 (cf. son dossier de Légion d'honneur AN, LH 62292). À partir de 1861 ils travaillent conjointement comme experts pour les ventes aux enchères d'objets d'art, jusqu'au départ de Sigismond en 1867 (Mestdagh, Saint-Raymond, à paraître).

Parmi les ventes célèbres dont il assure l’expertise (avec son père jusqu’en 1867) peuvent être citées celles des collections Pourtalès, Demidoff, Beauvau, Fould, Didier, San Donato, Double, Castellani à Rome (Eudel, 1885), et pour les objets asiatiques en particulier, la vente des objets de l’ancien  Palais d'Été « Yuen-Ming-Yuen » (1861), la vente Negroni (1864), les ventes Du Sartel (1882 ; 1894) et Marquis (1883 ;1890), parmi bien d’autres.

Suivant la retraite de son père, Charles Mannheim abandonne la boutique de la rue de la Paix pour concentrer son activité autour de l'expertise dans les ventes publiques parisiennes. Dès 1867 il est installé 7 rue St Georges, plus près de l'Hôtel Drouot. Il y occupe deux bureaux, l'un au rez-de-chaussée et l'autre au premier étage, tout en habitant un vaste appartement séparé aux deuxième et troisième étages. Charles continue la relation privilégiée formée par son père avec le commissaire-priseur Charles Pillet, succédé par Paul Chevallier, en œuvrant en tant qu’expert pour leurs ventes d’objets d'art. Il contribue aussi parfois à l’organisation de ventes dites « composées » en regroupant des petites collections d'objets appartenant à différents vendeurs. Il y préside toujours en tant qu'expert et y achète également pour le compte de tiers dont certains collectionneurs renommés, ces achats lui assurant le bénéfice de commissions. Suivant le modèle établi par son père, il élargit son champ d'expertise des traditionnelles curiosités héritées des Wunderkammer, vers le mobilier et les objets d'art du 18ème siècle puis vers les objets d’art asiatiques, principalement de Chine et du Japon (Mestdagh, 2019).

Les Mannheim, père et fils sont ainsi cités comme les principaux experts dans nombre de ventes d’objets asiatiques qui suivront le sac du Palais d'Été de Pékin en 1860. Ils témoignent bien de ce glissement d’expertise des objets d’art du XVIIIe siècle vers les objets d’origine chinoise qu’ils connaissent alors principalement par le spectre du goût européen pour les porcelaines montées et les laques. Entre 1861 et 1868, plusieurs ventes aux enchères ont lieu à Paris, proposant des objets asiatiques issus du pillage de l'ancien Palais d'Été de Pékin. Nombre d’entre elles sont menées sous la houlette de Charles Pillet avec Sigismond et Charles Mannheim comme experts. Spécialisés dans les objets d’art ils sont donc sollicités pour 10 des 16 ventes recensées dans ce domaine d’expertise relativement nouveau  (Saint-Raymond, 2021).  Dans ces mêmes ventes d'objets provenant de Chine, Charles Mannheim est aussi le deuxième acheteur le plus important après l'importateur parisien Alphonse Chanton et le marchand Nicolas Malinet (Howald, Saint-Raymond, 2018). Cela n’est pas étonnant puisqu’il y acquiert les objets pour le compte de plusieurs collectionneurs.

Dès l’établissement de Sigismond dans le négoce parisien, il a été rapporté que les Mannheim achetaient pour les Rothschild, d'abord pour James Mayer de Rothschild, fondateur de la succursale parisienne de la banque familiale, puis pour ses fils les barons Alphonse et Gustave. En effet, les comptes de la famille témoignent de nombreux achats aux enchères par l'intermédiaire de Charles Mannheim, entre 1870 et 1892 (The Rothschild Archives, Londres, Laffitte papers). 

Charles Mannheim a également joué un rôle dans le développement des collections des musées et l'organisation d'expositions à partir de 1865. Ce sont ses actions au service d’institutions qui lui valurent la croix de Chevalier de la Légion d'honneur en 1901. Il fut un membre actif de l'Union centrale des Arts décoratifs, siégeant au conseil d'administration, et agissant comme négociateur pour le compte du musée des Arts décoratifs, alors que la collection se constituait lentement dans les années 1880-1890 (MAD Archives C2/13-14). Il a également prêté des objets aux multiples expositions du pavillon de l’Industrie, vendu et donné des objets au musée du Louvre et de Cluny. Expert pour de nombreuses ventes de collections de porcelaines, européennes et orientales, il acheta à plusieurs reprises des pièces pour le compte du musée de Sèvres (Fonds des archives du musée national de céramique 4W 435-516).

À la différence de son père, Charles Mannheim s’était constitué une collection personnelle, comprenant principalement des objets d'art de la Renaissance, rappelant ainsi la spécialité première de l'entreprise dynastique. Il avait rassemblé des bronzes antiques et de la Renaissance, des sculptures, des ivoires, des faïences italiennes, des pièces en verre de Venise, des cristaux de roche et des émaux. Un catalogue de sa collection fut publié en 1898 sous forme d’ouvrage, rédigé par le conservateur au musée du Louvre Emile Molinier (1857-1906), qui avait déjà publié la collection de Frédéric Spitzer, confrère et ami de Charles Mannheim. Au tournant du siècle, ses deux fils, Jules-Léopold et Louis-Mayer, le rejoignirent en tant qu'experts et continuèrent à porter le nom de Mannheim à l’Hôtel Drouot, même après la mort de Charles, survenue en 1910, alors qu’il n’avait jamais cessé son activité.