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Une carrière de collecteur au service de la France

Jeunesse et formation

Né le 28 mai 1878 à Paris, Paul Eugène Pelliot est le quatrième enfant de Marie Renault (1848-1923) et Charles Théodore Pelliot (1847-1930), industriel chimiste. Il grandit avec ses six frères et sœurs à Saint-Mandé (Val-de-Marne) puis fait une partie de sa scolarité au Collège Stanislas à Paris. Bachelier ès lettres envisageant une carrière dans la diplomatie, il étudie dans la capitale à la Faculté des lettres, à l’École des Sciences politiques ainsi qu’au Collège de France. Il commence à développer ses compétences linguistiques à l’École pratique des Hautes Études (sanscrit et chinois classique en auditeur libre) et à l’École nationale des langues orientales vivantes (chinois). Il est licencié ès lettres et diplômé en sciences politiques en 1897 puis obtient son diplôme de chinois en 1898. Doté très jeune d’une capacité d’apprentissage hors norme, le jeune Pelliot attire l’attention de ses professeurs, dont la plupart sont des personnalités reconnues, comme les professeurs en langues orientales Arnold Vissière (1858-1930) et Maurice Courant (1865-1935) ; le sinologue Édouard Chavannes (1865-1918) ; les indianistes Sylvain Lévi (1863-1935) et Émile Sénart (1847-1928). Tous reconnaissent le talent de leur étudiant et l’encouragent à s’orienter vers la recherche. L’opportunité de mettre en pratique ses connaissances linguistiques et culturelles rapidement accumulées se présente en 1899 lorsqu’il est nommé pensionnaire de la Mission archéologique d’Indochine qui devient l’École française d’Extrême-Orient (EFEO) l’année suivante. À seulement 21 ans, Paul Pelliot s’engage dans la première grande mission de sa carrière durant laquelle il élabore une méthode d’action érudite qui lui permet de prouver sa valeur, de mettre à l’épreuve ses capacités et de procéder à ses premières collectes.

Débuts à l’EFEO

Membre de l’EFEO de 1899 à 1911, Paul Pelliot n’a directement travaillé pour l’École qu’environ cinq ans (Goudineau Y., 2013, p. 21). Il a cependant mis à profit ses séjours en Indochine et a durablement marqué l’étude des sources chinoises pour la géographie historique de l’Asie du Sud-Est (Bourdonneau E. et Manguin P.-Y., 2013, p. 29), avec des articles de référence publiés dans le Bulletin de lÉcole française d’Extrême-Orient comme « Mémoires sur les coutumes du Cambodge, par Tchéou Ta Kouan » (1902), « Le Fou-nan » (1903), « Deux itinéraires de Chine en Inde à la fin du VIIIe siècle » (1904). Il publie également en 1904 une « Première étude sur les sources annamites de l’histoire d’Annam ». Ces productions démontrent son investissement au service de l’École mais aussi les bénéfices d’une approche sinologique des sources historiques locales. Pelliot répond ainsi parfaitement aux attentes placées dans son recrutement, dans la continuité de ses succès précédents en Chine. En effet, entre 1900 et 1902, Il y effectue trois missions de plus de six mois chacune durant lesquelles il réalise des collectes majeures d’ouvrages et de collections pour le compte de l’EFEO. Grâce à Pelliot, environ 10000 fascicules viennent enrichir la bibliothèque de la jeune institution qui détient dès lors un des fonds les plus importants d’Europe (Goudineau Y., 2013, p. 22-23). Véritable tour de force, le résultat de la collecte est décisif pour la sinologie française qui souffrait jusqu’alors d’un déficit en ressources documentaires. Ce succès est lié à la capacité d’action et aux choix judicieux du chercheur, en relation avec ses professeurs qui l’orientent et le conseillent comme le prouve une lettre de Sylvain Lévi du 5 mai 1900 (archives Pelliot, musée Guimet, Pel C1a). Pelliot rapporte également de sa première mission à Pékin 150 peintures chinoises (aujourd’hui conservées au musée Guimet) ainsi qu’une collection de statuettes bouddhiques tibétaines (aujourd’hui conservées à l’EFEO, Paris). À cette collecte prodigieuse s’ajoutent les faits d’armes : plus jeune volontaire ayant participé à la défense des légations lors de la révolte des Boxers (Darcy E., 1901, p. 830), Paul Pelliot est fait chevalier de la Légion d’honneur pour sa bravoure.

La mission en Asie centrale

Le 2 août 1905, Pelliot se voit confier la direction d’une importante mission scientifique en Asie centrale dont les objectifs sont multiples, scientifiques et géopolitiques, en raison du Grand Jeu qui prend place dans cette région hautement stratégique et encore peu explorée au début du XXe siècle. Au grand dam de Pelliot qui a l’impression que les meilleures places sont déjà prises (Trombert É., 2013, p. 49), la France rejoint tardivement les forces déjà en présence. En effet, des découvertes majeures réalisées à partir de la fin des années 1880 ont révélé le potentiel considérable des recherches à mener sur ce territoire où le bouddhisme s’est épanoui durant tout le 1er millénaire de notre ère. Une attention particulière est accordée aux textes anciens inédits qui y circulent et peuvent apparaître lors de fouilles archéologiques. Bien que tardive, la mission française se voit attribuer des moyens conséquents, preuve de l’ambition du projet, grâce au soutien de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et, dans une moindre mesure, de la Société de géographie commerciale de Paris et de particuliers, coordonnés par le Comité de l’Asie française. Durant ce périple de 27 mois (départ de Paris le 15 juin 1906 ; arrivée à Pékin le 4 octobre 1908), Paul Pelliot est accompagné par Louis Vaillant et Charles Nouette. Le premier est médecin-major de l’armée coloniale et prend en charge les travaux de cartographie, d’astronomie et d’histoire naturelle, tandis que le second est photographe professionnel. Pelliot a consigné le déroulement de l’expédition dans ses carnets de route conservés aujourd’hui au musée Guimet (Ghesquière J. et Macouin F., 2008, 488 p.).

Si la mission est couronnée de succès, c’est surtout en raison de la collecte réalisée à Dunhuang en 1908. Sans celle-ci, l’expédition n’aurait sans doute pas été considérée comme aussi extraordinaire. Il convient de préciser qu’elle s’est faite dans des conditions difficiles en raison de la concurrence et de l’absence de coordination avec les autres équipes sur place, menées par Aurel Stein pour l’empire britannique, par Albert von Le Coq et Albert Grünwedel pour l’Allemagne, par Mihail et Nikolaj Berezovskij pour la Russie. Souhaitant éviter de passer après eux pour augmenter les chances de découvertes inédites, Paul Pelliot est confronté à de nombreuses hésitations dans l’orientation de sa mission. Une autre difficulté, qui sera cependant écartée grâce au talent du jeune français, est son inexpérience dans le domaine archéologique : plusieurs prospections et ses premières fouilles à Ördeklik du 21 au 25 octobre 1906 s’avèrent peu concluantes. Il découvre dans la foulée, le 29 octobre 1906, un important site bouddhique aux abords de Toumchouq, et fera plusieurs fouilles fructueuses par la suite, dont le matériel est en partie exposé aujourd’hui au musée Guimet. Il est à noter que Pelliot fait preuve d’une maturité intellectuelle rare en privilégiant des fouilles visant la compréhension de l’intégralité d’un site plutôt que l’excavation superficielle focalisée sur les « objets de musée ». Très en avance sur son temps, cette démarche explique un « rendement » archéologique moins important que d’autres.

Paradoxalement, Paul Pelliot n’est pas le premier arrivé sur le site de sa découverte la plus déterminante. Aurel Stein a la primeur de l’exploration de la cache de Mogao lors de son séjour à Dunhuang du 21 mai au 13 juin 1907, soit 10 mois avant le français qui y arrive le 25 février 1908. La collecte de l’anglais est conséquente puisqu’il quitte le site avec 29 caisses remplies de manuscrits et de peintures. S’il est sans doute un meilleur archéologue, Stein n’a cependant pas les compétences littéraires et linguistiques d’un Pelliot dont les études et les expériences précédentes semblent l’avoir prédestiné à l’exploitation optimale de la découverte. Du 3 au 25 mars 1908, le français examine les nombreux documents datant du Ve au début du XIe siècle encore conservés dans la grotte. Il en sélectionne plusieurs milliers - des manuscrits (dont la majeure partie est en chinois et en tibétain) et des peintures - qu’il achète 500 taels au moine taoïste Wang Yuanlu, gardien officieux du site et inventeur de la grotte vers 1900. L'ensemble est aujourd’hui réparti dans les collections du musée Guimet et de la Bibliothèque nationale de France. Une erreur méthodologique dans l’étude du contenu de la grotte est cependant malheureuse : Pelliot n’a pas réalisé d’observations sur les critères de rangement des documents in situ qui auraient pu renseigner la nature de la cache (Trombert É., 2013, p. 66). Il quitte Dunhuang le 8 juin 1908 et continue son voyage vers Pékin où il arrive le 4 octobre. Notons un séjour à Xi’an du 23 août au 19 septembre 1908 durant lequel il procède à l’acquisition de nombreuses antiquités, actuellement au musée Guimet, et fait lever plusieurs milliers de feuilles d’estampages, conservées à la BnF.

La mission est un succès total qui établit définitivement la réputation de Paul Pelliot tant en Occident qu’en Extrême-Orient. Même si sa collecte est a posteriori marquée du sceau de l’infamie en Chine et que l’on peut considérer regrettable qu’un tel patrimoine ait quitté son pays d’origine, il est important de rappeler que l’explorateur français a entretenu de bonnes relations avec les autorités et les intellectuels chinois durant sa mission (laisser-passer, guides, échanges épistolaires, conseils et prêts de documents). Sa maîtrise de la langue et son érudition lui ont valu une plus grande bienveillance des fonctionnaires locaux que n’en ont bénéficié d’autres explorateurs occidentaux (Rong X. et Wang N., 2013, p. 86). Il reçoit même en cadeau des manuscrits de Dunhuang avant d’accéder au site (Rong X. et Wang N., 2013, p. 98-101). C’est dans cette même logique de coopération qu’à l’automne 1909 Pelliot présente à des savants chinois quatre documents collectés, déclenchant chez eux une prise de conscience de l’importance de cet ensemble de manuscrits. Au même titre que la première mention en 1903 de l’intérêt de la cache de Mogao par Ye Changchi (1849-1917), cette présentation est à n’en pas douter un des événements fondateurs de la « Dunhuangologie ».

L’après-collecte

Paul Pelliot est de retour à Paris le 24 octobre 1909. Son retour est triomphal même si sa découverte à Dunhuang subit de 1910 à 1914 une campagne de diffamation d’envergure remettant en question l’authenticité des documents. La consécration arrive néanmoins rapidement car il devient professeur au Collège de France en 1911, à seulement 33 ans, et occupe la chaire de langues, histoire et archéologie de l’Asie centrale. La suite de son parcours est marquée par deux conflits mondiaux et ses nombreuses occupations dans l’enseignement, la publication scientifique (BEFEO, T’oung Pao, Revue des arts asiatiques), les instances de la recherche (Académie des inscriptions et belles-lettres, Société asiatique, Institut des hautes études chinoises). S’il a produit un nombre considérable de publications, il n’a pas publié d’ouvrage de synthèse. De la même manière, s’il s’est toujours intéressé aux fonds qu’il a collectés en Chine, il ne les a pas exploités de manière approfondie.

Paul Pelliot a mené pendant dix ans une véritable quête heuristique dont l’objectif était de placer la France au premier rang des nations dans le domaine des études asiatiques. Collecter pour la science lui a permis d’accéder à des sources primaires alimentant ses propres réflexions et de progresser rapidement au sein des réseaux intellectuels. Sa sensibilité pour les textes et ses capacités linguistiques hors normes ont été décisives dans son travail et lui ont permis de réaliser des collectes bibliographiques majeures. Ses missions l’ont également amené à faire l’acquisition de pièces archéologiques et d’œuvres d’art. La nature double et complémentaire de ses collectes fait de lui une personnalité importante à la fois dans le monde des bibliothèques et dans celui des musées.

Le résultat des collectes de Paul Pelliot

Les fonds Pelliot au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France (BnF)

Les documents rapportés par Paul Pelliot ont été attribués à la BnF le 24 novembre 1909 et leur enregistrement officiel a eu lieu le 26 avril 1910 (Monnet N., 2013, p. 143 et 153). L’ensemble le plus précieux est composé de plusieurs milliers de manuscrits datés du Ve au début du XIe siècle et de quelques imprimés antérieurs à 1035, en chinois, tibétain, koutchéen, sanscrit, ouïgour, sogdien ou khotanais, mais aussi de fragments d’imprimés en xixia, en mongol et en tibétain (Berthier A., 2000, p. 93). Il s’agit de copies de textes déjà connus mais antérieures aux éditions imprimées, mais aussi de textes retrouvés ou inédits, issus notamment de la littérature populaire. On trouve également des documents d’archives officiels, monastiques ou personnels. Il s’agit d’un véritable fonds archivistique, unique en dehors de la Chine. Le corpus a été réparti dans plusieurs fonds spécifiques par langue. Il est à noter que les textes bilingues ont été cotés dans le fonds correspondant à la langue « la plus commune », c’est-à-dire le chinois, tandis que le seul texte en hébreu a intégré le fonds hébreu (Berthier A., 2000, p. 93). L’organisation des fonds s’est affinée au fil des identifications et des déchiffrements : un travail de longue haleine, toujours en cours, réalisé par plusieurs générations de chercheurs.

Le fonds Pelliot chinois correspond à 4039 manuscrits en chinois provenant de Dunhuang (Pelliot chinois 2001-6040). Le fonds Pelliot chinois Douldour-âqour compte 157 feuillets et 49 fragments découverts lors des fouilles d’un ensemble monastique ; quelques exemplaires viennent du site voisin de Hiçar. Le fonds Pelliot khotanais comprend 10 manuscrits, mais environ 70 documents dans cette langue sont présents dans les fonds Pelliot chinois et tibétain. Le fonds Pelliot koutchéen réunit 2000 documents, dont plus des deux tiers sont des fragments. Le fonds Pelliot ouïgour conserve une vingtaine de documents dont 14 de la cache de Mogao (11 autres sont dans le fonds Pelliot chinois) et un certain nombre de textes identifiés a posteriori dans les autres fonds. 363 documents en ouïgour provenant de la grotte 181 constituent par ailleurs le fonds Pelliot ouïgour grotte 181 (sachant que cette grotte porte aujourd’hui le numéro 465). Le fonds Pelliot sanscrit comporte 4000 fragments dont seulement 1000 à 1500 sont exploitables. Ils proviennent des fouilles réalisées à Douldour-âqour et à Soubachi, mais aussi de la cache de Mogao. Le fonds Pelliot sogdien réunit 30 numéros correspondant à des rouleaux, des feuillets et des fragments. Le fonds Pelliot tibétain comprend 2216 numéros auxquels s’ajoutent 254 manuscrits bilingues et trilingues. L’ensemble a été prélevé à Dunhuang. Il en est de même pour le fonds Pelliot xixia : en dehors d’une planchette trouvée dans une grotte à Shuangdunzi, les 213 pièces (en majorité des imprimés) sont issues des grottes 181 et 182 (numéros actuels 465 et 464). Un fonds est dédié aux documents provenant de la grotte 181. Il existe enfin un fonds Pelliot divers correspondant à un reliquat en attente de traitement (Berthier A., 2000, p. 94-110).

Une autre collecte de Paul Pelliot constitue aujourd’hui le fonds Pelliot A-B. Concernant une période allant du Xe au XIXe siècle, celui-ci compte plus de 30000 fascicules imprimés (textes de référence, monographies locales, congshu (anthologies), etc.) et quelques manuscrits, albums, estampages et inscriptions oraculaires sur os (28 fragments). Cet ensemble a été en grande partie acheté en Chine en 1908, et son impact sur le fonds chinois de la Bibliothèque est considérable puisqu’il a permis de doubler la collection alors existante mais aussi de la compléter, les choix de Pelliot ayant été faits dans ce sens (Pelliot P., 1913, p. 699). Le fonds Pelliot A contient 329 cotes et le Pelliot B, 1745 (soit 2074 titres en 5288 volumes reliés).

La BnF conserve par ailleurs une collection d’estampages comptant 2000 références dont la majeure partie a été levée dans la Forêt de stèles à Xi’an. Cet ensemble est entré à la Bibliothèque en 1910 (Berthier A., 2000, p. 116). Après le décès du chercheur en 1945, la BnF a acheté dans les années 1950 des exemplaires personnels, annotés par Pelliot, de la revue T’oung Pao qu’il a dirigée pendant vingt ans (Monnet N., 2013, p. 142-143).

La collection Pelliot au musée Guimet

Le fruit de la collecte archéologique et artistique de Paul Pelliot se trouve au musée Guimet depuis 1945. La collection était auparavant conservée et en partie présentée depuis 1910 au Louvre, avec une salle dédiée portant le nom du donateur, inaugurée le 12 mars 1910 (Renou, 1950, p. 135). Il existe un témoignage très intéressant sur cette salle dans les archives Pelliot du musée Guimet : un ensemble de fiches cartonnées présente la répartition de quelque 287 œuvres rapportées d’Asie centrale dans 9 vitrines (archives Pelliot, musée Guimet, Pel. Mi 80). Un lien s’établit néanmoins avant 1945 avec le musée Guimet. En effet, 15 peintures de Dunhuang y sont déposées à la demande de Pelliot dès 1913. En 1922, 40 peintures, en réserve au Louvre, les rejoignent, de même que l’ensemble de peintures chinoises collecté à Pékin en 1900, déposé par l’EFEO au Louvre en avril 1904 (Gyss-Vermande C., 1993, p. 75). Paul Pelliot est par ailleurs soutenu par le musée Guimet qui met à sa disposition l’appartement du musée d’Ennery (Jarrige J.-F., 2013, p. 549), dont il devient le conservateur (Thote A., 2020, p. 147-160), au début des années 1930.

La collection Pelliot est un ensemble volumineux (plus de 1400 numéros à l’inventaire) et complexe, mêlant arts graphiques et textiles, matériel archéologique, éléments architecturaux. Elle est distribuée dans plusieurs fonds du musée en fonction de la nature et/ou de l’origine géographique des pièces (peintures chinoises, archéologie chinoise, Chine bouddhique). Le corpus collecté le plus tôt correspond à 150 peintures achetées lors de la première mission de Pelliot à Pékin en 1900. Il réunit des œuvres essentiellement liturgiques ou religieuses auxquelles s’ajoutent 15 peintures diverses (paysages, fleurs, oiseaux, etc.) (Gyss-Vermande C., 1988, p. 106). On y trouve deux ensembles liturgiques illustrant le panthéon du « Jeûne de l’eau et de la terre » (Shuilu zhai) : le premier (série A) comporte 33 peintures datées de 1454, tandis que le second (série B) en présente 74 datant vraisemblablement du XIXe siècle (Gyss-Vermande C., 1991, p. 96).

Le reste de la collection résulte de la mission Pelliot (1906-1908). L’ensemble le plus important (environ 400 numéros, mais 250 pièces significatives, le reste étant à l’état fragmentaire) provient des grottes de Mogao (Dunghuang), majoritairement de la cache. S’inscrivant dans une période allant de la dynastie Tang (618-907) à celle des Song du Nord (960-1127), il est constitué principalement de peintures sur soie et sur chanvre (les peintures sur papier sont conservées à la BnF), de fragments de peintures et de textiles, mais aussi d’une vingtaine de sculptures, surtout en bois. Notons la présence de 951 caractères mobiles ouïgours découverts dans la grotte 181 (numéro actuel 465) où se trouvaient les documents en ouïgour conservés à la BnF. Le musée Guimet conserve par ailleurs plusieurs ensembles correspondant aux fouilles fructueuses de sites bouddhiques réalisées par Pelliot à Toumchouq (30 octobre – 12 décembre 1906), à Douldour-âqur (17 avril – 4 juin 1907) et à Soubachi (11 juin – 24 juillet 1907). Le matériel date d’une période allant du IVe au VIIIe siècle, et comprend de nombreuses sculptures ou fragments de sculptures en terre séchée ainsi que des fragments de peintures sur torchis, mais aussi des pièces ou fragments de pièces en terre cuite, en bois, en métal, etc. Par ailleurs, plusieurs ensembles beaucoup moins volumineux correspondent à d’autres fouilles ayant révélé moins de matériel comme à Qoumtoura (16 mars – 22 mai 1907), ou à des prospections comme celles réalisées à Khan-oï (septembre 1906). Les provenances sont révélatrices de l’activité archéologique de Pelliot à partir de son arrivée à Kachgar le 29 août 1906, qui s’est intensifiée lors de son long séjour dans la région de Koutcha en 1907. Notons qu’un trésor monétaire (MG 24490), dit « de Tadjik », réunissant à l’origine 1300 sapèques trouvées dans un cruche, mais dont 249 sont encore conservées, a été déposé en 1983 au Cabinet des monnaies et médailles de la BnF, avant de réintégrer le musée Guimet en 2003.

Enfin, un ensemble, principalement daté de la dynastie Han (206 av. – 220 apr. J.-C.), comportant environ 300 numéros, correspond à des acquisitions très diverses d’antiquités chinoises (dont des miroirs et des vases en bronze, des blocs de pierre, des tuiles et des récipients en terre cuite, etc.). Ces pièces ont vraisemblablement été achetées au cours du périple de la mission Pelliot, mais les informations concernant leur provenance n’existent pas toujours. Plusieurs ont été achetées lors du séjour de la mission à Xi’an (23 août-19 septembre 1908). Notons enfin que l’inventaire du musée Guimet indique que Paul Pelliot a donné dès juillet 1912, à titre personnel, certaines de ces pièces archéologiques (des tuiles terre cuite et quelques pierres à encre), sans qu’elles soient dans un premier temps au Louvre.

La collection de bronzes tibétains à L’École Française d’Extrême-Orient

Depuis 1970, l’EFEO conserve à Paris une collection de bronzes tibétains principalement constituée par Paul Pelliot durant sa première mission à Pékin en 1900. Le directeur de l’EFEO évoque en 1902 environ 80 statuettes de bronze qui représentent, sous ses aspects multiples, l’art bouddhique tibétain (Foucher A., 1902, p. 434). La collection se compose aujourd’hui de 132 pièces : 97 statuettes en bronze, 1 en bois laqué, 27 objets cultuels et 7 thangkas. Les statuettes figurent des divinités du panthéon bouddhique tibétain et les fondateurs de la secte des Gelug-pa. L’ensemble est daté pour la majeure partie du XIXe siècle, les pièces les plus anciennes de la seconde moitié du XVIIIe siècle. La collection se trouvait à l’origine au musée Louis Finot à Hanoi puis a été envoyée en 1954 à la délégation de l’EFEO à Phnom Penh, avant d’être expédiée en France.