ROUSSEL A. D. (FR)
Commentaire biographique
A.D. Roussel est une figure énigmatique dont l’étude est rendue d’autant moins aisée que les archives qui pourraient la concerner à Colmar et à Paris ne sont pas accessibles pour l’instant.
Nous ne conservons d’elle qu’une mention dans le registre des dons et acquisitions du musée Unterlinden (géré par la Société Schongauer) rédigée par André Trautmann, conservateur au musée Unterlinden dans les années 1930. Il note en janvier 1936, en face de la mention « Don de Mme A.D. Roussel, 20, rue de la Terrasse, Paris » : « J’ai rapporté de Paris en janvier, une collection d’objets d’art du Japon :
- 7 Inros avec leurs Netzukés
- 8 Netzukés en forme de masque (bois dur)
- 7 gardes de sabres (tsoubas)
- 1 pipe à opium dans son étui d’ivoire
- 2 miroirs de bronze
- 1 jade (dragon)
- 5 coupes à saké de laque rouge
- 2 coupes en forme de feuilles (porcelaine)
- 1 éventail écaille (Chine)
- 14 jetons en nacre ciselée
- 1 épingle à cheveux de danseuse
- Une série de petits bronzes, ornement de sabres
- (quelques objets non exposés sont placés dans une boîte, dans une armoire)
Inventaire complet dans le cahier : Salle Langweil.
En outre Mme Roussel nous a donné :
- Une boîte 18e s. émail (boîte à mouche) ornée à l’intérieur et à l’extérieur de partitions de musique (gravure cuivre reporté). Marquée « Dreuden) Vitrine de la salle 18e s.
À la bibliothèque :
- Un album de 48 aquarelles originales japonaises (19e siècle)
- Un album de poésie japonaise avec peinture
- Les Fables de Lafontaine, illustrées par Gustave Doré
- 1 Volume sur la peinture décorative dans les églises ».
Ainsi, nous ne connaissons de cette collectionneuse que ses initiales, son nom et son adresse à Paris au moment du don. Il pourrait s’agir d’une dénommée Marie Roussel, qui vit au 20, rue de la Terrasse avec Joséphine et Paul Jaffeux—que l’on peut supposer être sa domesticité—dans les années 1930, d’après les recensements de population de 1931 et 1936 (AP D2M8 436, AP D2M8 663).
Dans les fiches d’inventaire du musée, un don en 1931 est mentionné ainsi qu’une éventuelle profession de marchande d’art. Ces informations n’apparaissent cependant pas dans le registre des dons et acquisitions et il faudra avoir à nouveau accès à l’ensemble des archives de la société Schongauer pour infirmer ou confirmer cela.
Les raisons d’un tel don au musée Unterlinden sont inconnues.
Constitution de la collection
Il est difficile de savoir exactement ce qui constitue les fonds Roussel au musée Unterlinden. Cette collection, de petite taille, est en effet éclipsée par les dons conséquents que Florine de Langweil fait dans les mêmes années au musée. Exposés dans la salle Langweil sans inventaire approfondis, les objets de la collection A.D. Roussel sont mélangés à ceux de Florine Langweil. Lorsqu’un inventaire sommaire est dressé le 31 octobre 1961 avant de mettre les objets de la salle Langweil en réserve, les objets listés sous la dénomination « A.D. Roussel » ne coïncident déjà plus en termes de dates, de nombre et de dénomination avec ceux mentionnés dans le registre des dons et acquisitions. Il nous faut donc les comparer.
Dans le registre des dons et acquisitions, la seule mention faite des objets A.D Roussel se situe en janvier 1936 (date non spécifiée). Sont mentionnés :
- « 7 Inros avec leurs Netzukés
- 8 Netzukés en forme de masque (bois dur)
- 7 gardes de sabres (tsoubas)
- 1 pipe à opium dans son étui d’ivoire
- 2 miroirs de bronze
- 1 jade (dragon)
- 5 coupes à saké de laque rouge
- 2 coupes en forme de feuilles (porcelaine)
- 1 éventail écaille (Chine)
- 14 jetons en nacre ciselée
- 1 épingle à cheveux de danseuse
- Une série de petits bronzes, ornement de sabres
- (quelques objets non exposés sont placés dans une boîte, dans une armoire)
Inventaire complet dans le cahier : Salle Langweil.
En outre Mme Roussel nous a donné :
- Une boîte 18e s. émail (boîte à mouche) ornée à l’intérieur et à l’extérieur de partitions de musique (gravure cuivre reporté). Marquée « Dreuden) Vitrine de la salle 18e s.
A la bibliothèque :
- Un album de 48 aquarelles originales japonaises (19e siècle)
- Un album de poésie japonaise avec peinture
- Les Fables de Lafontaine, illustrées par Gustave Doré
- 1 Volume sur la peinture décorative dans les églises »
Ces objets sont exposés un temps dans la salle Langweil. Lorsqu’ils sont mis en caisse pour être déposés dans les réserves le 31 octobre 1961 (la salle étant réaffectée à d’autres objets) un inventaire sommaire est dressé. On peut y lire :
« Don de madame A.D. Roussel, Paris, 1936
- 6 masques
- 1 tête de mort en ivoire
- 4 ornements poignée de sabre
- 2 gardes de sabre
- 1 éventail
- 1 porte plume
- 2 flacons pour parfum
- 6 pièces différentes, insectes miniatures etc…
- 1 statuette philosophe
- 1 plume
- 9 plaques de nacre incrusté
- 5 soucoupes laquées
- 6 statuettes en faïence
- 2 assiettes, art japonais (don de Mme Langweil)
- 1 saucière, art japonais (don de Mme Langweil)
- 1 boîte à parfum »
Et
« Vitrine n°1, Don de Madame A.D. Roussel à Paris, 1931
- Faïences, statuettes, 6 pièces
- 5 sous coupes laquées
- 2 assiettes (art japonais, XVIIIe siècle, porcelaine de (illisible) de Nabéshima)
- 3 boîtes à miroir laqué d’or, école de Korin, XVIIe siècle
- 7 boîtes à parfum, XVIe siècle
- 2 miroirs en bronze
- 8 gardes de sabre
- 1 éventail
- 6 masques en bois
- 1 tête de mort en ivoire
- 2 flacons de parfum
- 12 broches
- 1 étui pour plumes en ivoire
- 1 plumier
- 1 petite sculpture philosophe
- 4 petites boîtes ovales à parfum
- 1 épingle à cheveux
- 3 couteaux
- 15 plaquettes en nacre sculpté
- 1 ornement de boîte à parfum ».
Le contenu des vitrines se recoupant en partie, on peut supposer que les objets désignés sont les mêmes. En outre, ces mentions ne recoupant pas celles des dons dans le registre des dons et acquisitions, il est hautement probable que les objets Roussel et les objets Langweil se soient confondus lors de leur exposition puis de leur inventaire en 1961.
Aujourd’hui, parmi les objets asiatiques, 59 numéros à l’inventaire du musée Unterlinden portent le nom A.D. Roussel. Les objets clairement identifiés comme étant de Roussel sont les suivants :
- 4 ornements de poignée de sabre (menuki)
- 4 pommeau et bague de pommeau de sabre (fuchi kashira)
- 3 lames de couteau avec dont deux avec leur manche décoré (kozuka)
- 3 netsuke en forme de masque
- 3 petits objets décoratifs en métal et en forme d’animaux
- 27 estampes
- 2 assiettes en laque (un seul numéro d’inventaire)
- 4 coupes en laque
- 1 épingle à cheveu
- 1 étui de pipe
- 1 pipe
- Un ornement en jade
- 1 tabatière
- 1 éventail
- 12 plaquettes en nacré gravé (deux numéros d’inventaire)
- Deux miroirs en bronze
Soit un total de 70 objets et de 59 numéros. Dans ces objets les plaquettes en nacre, l’ornement en jade, la tabatière et l’éventail sont potentiellement d’origine chinoise. Les autres objets sont japonais, élaborés entre le XVIIe et le XIXe siècle. Les netsuke, fuchi kashira, kozuka, coupes et estampes sont signés.
Si nous comparons cette liste à celle établie en 1936 nous observons que manquent à l’appel les inrô avec leur netsuke, plusieurs netsuke en forme de masque, 7 gardes de sabre (tsuba) et deux porcelaines. Si la mention « d’aquarelles originales japonaises » fait référence à des estampes, il en manque 21, ainsi qu’un « album de poésie japonaise avec peinture ».
L’ensemble des collections Roussel témoignent d’un goût assez éclectique, tourné vers les petits objets et les estampes. Aucun objet de grande envergure ne semble intégrer ces collections. De même, la céramique ainsi que les textiles sont presque complètement absentes de ces collections.
Les 27 estampes aujourd’hui conservées représentent toutes des acteurs de théâtre kabuki ou des personnages féminins exécutés par des grands noms de l’estampe japonaise au XIXe siècle. Le goût de madame Roussel semble ainsi tourné exclusivement vers la représentation de personnages et ne s’intéresse pas à des artistes antérieurs au XIXe siècle. En outre, certaines estampes sont des parties isolées de triptyques. Leur don seules, sans les deux autres feuilles censées les compléter, montre une certaine méconnaissance de la part de la collectionneuse. En soit, le choix de ces estampes et des artistes est très conventionnel et ne témoigne pas d’un regard particulièrement éclairé sur le sujet. Quatre estampes, portent une mention manuscrite faisant référence à la collection Barboutau sur leur carton de montage (écrit faussement Barboutan sur les fiches d’inventaire et écrit BarboutAU ou BarboutEAU dans les annotations de manière alternative). Un numéro renvoie peut être à un catalogue de vente. Parmi ces quatre estampes, deux (n.inv. 2018.0.9 et 2018.0.23) portent au revers de leur composition un sceau rouge avec trois caractères japonais : 場部戸. Ce sceau reste à identifier mais n’a aucune signification en japonais. Il peut cependant se lire en japonais « Babudô » soit une transcription phonétique du nom de Pierre Barboutau. Ce dernier, qui a fait l’objet récemment d’une publication en japonais, est un haut nom du japonisme aujourd’hui oublié. D’origine modeste, il fut un marchand d’art spécialisé dans les objets asiatiques. Ses publications de biographies de peintres et d’artistes de l’estampe au début du XXe siècle sont alors considérées comme des références. Il est probable donc que deux estampes des collections A.D. Roussel proviennent des ventes de ce marchand d’art et collectionneur
Parmi les militaria collectionnés par A.D. Roussel, une lame gravée en acier de kozuka est exceptionnelle. Il s’agit de la seule lame ne portant pas de signature (n.inv. 2012.0.174). Cette petite lame présente un décor exécuté au burin, et dont les variations d’épaisseur imitent l’irrégularité d’un trait de pinceau. Le thème abordé dans un si petit et étroit format (L 20,1 cm ; l 1.2 cm ; P 0.2cm) relève de la culture classique et littéraire : il s’agit d’illustrer des Six génies de la poésie (rokkasen 六歌仙), vantés par Ki no Tsurayuki dans sa célèbre préface de l’anthologie Kokinshû (905). Les six poètes sont représentés sur la lame, accompagnés de leurs noms : la poétesse Ono Komachi, les hommes de cour Ariwara no Narihira, Fun.ya no Yasuhide et Ôtomo no Kuronushi, les religieux Henjô et Kisen Hôshi. La plupart de ces personnages ont vécu au 9ème siècle. Ils sont représentés sur la lame assis, en dessous de leur nom.
Sur la partie supérieure de la lame est gravé le terme rokkasen. Au-dessous, figurent six poèmes, un pour chacun des poètes.
Notices liées
Collection / collection d'une personne
Personne / personne