BOISSEL de MONVILLE Hippolyte (FR)
Commentaire biographique
Hippolyte Boissel de Monville (1794-1873), fils de Thomas Gaston Boissel de Monville (1763-1832) et d’Anne Simonne Sautereaux de Quincize (1759-1835), appartient à une famille de la noblesse normande. Son père avait été conseiller au parlement de Paris en 1785 avant de devenir maire de Montville (anciennement orthographié Monville) et reçut les titres de baron de l’Empire (1810) et pair de France (1815) (Chaix d’Est-Ange G., 1906, p. 1923). Le 10 juillet 1823, Hippolyte se marie avec Louise Lannes de Montebello (1806-1889), la fille de Jean Lannes de Montebello (1769-1809) et de Louise Antoinette Scholastique de Guéhéneuc (1782-1856), laquelle avait durablement marqué le monde de la curiosité par l’importance de ses ventes après-décès dans les années 1850. Il succède à son père à la mairie de Montville de 1831 jusqu’en 1847, année où il vend tous ses biens suite à un important revers de fortune (Poulin A., 1988, p. 22). Ce revirement de fortune n’est probablement pas sans lien avec la tempête meurtrière qui s’abat sur Montville le 19 août 1845, créant des dégâts matériels importants pour les industries des vallées de Malanay et de Montville, où Hippolyte Boissel de Monville possédait des filatures textiles (Anonyme, 1845, n. p.).
Botaniste
Hippolyte Boissel de Monville est également connu pour sa passion pour les cactus. Botaniste érudit, il donna son nom à plusieurs espèces. Il rassemble une collection unique qui sera décrite et illustrée par le botaniste Charles Lemaire (1838, 1839, voir également 1841-1847). La vente de ces plantes exotiques a lieu à Monville-lès-Rouen le 15 juillet 1846.
Mandataire des Rothschild
Quoiqu’étant très souvent cité pour la qualité de ses collections dans les revues en lien avec le monde de la curiosité, il n’est pas aisé de retracer la vie d’Hippolyte Boissel de Monville. À une date indéterminée, il devient le mandataire des fils de James de Rothschild, Alphonse, Gustave et Salomon, pour lesquels il effectue des achats d’œuvres d’art. Les carnets de vente de Salomon de Rothschild attestent de cette pratique et en révèlent la régularité et l’importance : entre 1862 et 1864, Salomon ne verse pas moins de 52 354 F au baron Boissel de Monville (Abrigeon P. d’, 2019, n. 11 ; Prevost-Marcilhacy P., 2016, vol. II, p. 8-19). Malgré son expertise, Hippolyte Boissel de Monville est confronté à une sombre affaire d’escroquerie à la fin des années 1850 (Charpy M., 2010, p. 525, 546, 600-602 ; Anonyme, 1858, n. p.). Un certain Pierrat, « préparateur d’objets d’art » et restaurateur de pièces émaillées, s’adonnait à la création de faux émaux, vendus comme des pièces du XVIe siècle. En 1858, Boissel de Monville acquiert par l’intermédiaire d’un libraire du nom de Chalvet près de 25 000 F d’objets émaillés (aiguières, vases, salières) produits par Pierrat et recouverts d’une « couche de crasse habilement et artistement répandue », et auxquels s’ajoutent des brisures et des restaurations destinées à donner l’illusion d’ancienneté (Anonyme, 1858, n. p.). Hippolyte obtiendra gain de cause et ledit Pierrat sera condamné à 15 mois de prison et 1 000 F d’amende.
Constitution de la collection
Hippolyte Boissel de Monville réalise plusieurs ventes de sa collection d’œuvres d’art : très espacées dans le temps, elles sont aussi de nature variée. Quoiqu’affichant une quantité modeste, la renommée qu’acquiert Boissel de Monville dans le monde de la curiosité fait de chacune de ces ventes un véritable événement.
1837, le goût pour la Renaissance
Le premier cabinet que met en vente Hippolyte Boissel de Monville est très hétéroclite et essentiellement remarqué pour sa rareté. Le préfacier du catalogue souligne l’extrême rareté des faïences et des émaux, évoquant notamment, dans la catégorie des faïences, un portrait de Bernard Palissy, une aiguière ayant appartenu à un service du roi Henri II (1519-1559). Les objets sculptés en bois et en albâtre, les armes, le mobilier et les objets d’orfèvrerie témoignent de son goût pour le style de la Renaissance. Parmi ses quelques tableaux et dessins, se trouvent des contemporains comme Eugène Delacroix ou des peintres du XVIIIe siècle comme Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) – dont l’œuvre intitulée La Volupté est adjugée 4 900 F.
Avant d’être dispersées, les œuvres de ce premier cabinet avaient été utilisées pour partie afin d’illustrer l’ouvrage de Nicolas-Xavier Willemin et André Pottier intitulé Monument français inédit pour servir à l’histoire des arts (1839) (voir Arquié-Bruley F., 1983).
1861, les bronzes italiens
En 1861, Boissel de Monville se sépare de sa collection de bronzes. Le collectionneur, qui ne manquait pas d’humour, avait lui-même rédigé le titre du catalogue de sa vente « avant décès » (Anonyme, 1861, p. 237, ss. Lugt, BNF, YD-1 (1861-01-24)-8) essentiellement composée de bronzes italiens des XVe et XVIe siècles. D’après la préface du catalogue, chaque pièce était frappée d’un timbre aux initiales du collectionneur : « BM », lequel aurait été détruit par le commissaire-priseur au moment de la vente. Ce détail en dit long sur la conscience qu’avait Boissel de Monville du caractère exceptionnel des objets qu’il avait rassemblés, comme si ces objets éternellement marqués de son sceau étaient gages de valeur et d’authenticité. Certaines pièces entrées au musée du Louvre portent cette marque (par ex., une Médée en buste de profil sur un médaillon, n° inv. OA 7014). Parmi les principaux acheteurs de cette vente, se trouve, sans surprise, James de Rothschild, mais aussi Van Cuyck (autre mandataire des Rothschild pour l’achat d’œuvres d’art), les experts et marchands Charles Mannheim, Roussel, Nicolas Joseph Malinet (1805-1886), le marchand londonien Durlacher, le critique d’art et collectionneur Eugène Piot (1812-1890) ainsi que Nolivos, Gagliardi, Escudier, etc. La vente est présentée dans la Chronique des arts et de la curiosité comme une réussite : « […] cette vente, brillamment et sagement conduite a produit dans la première vacation, 19 221 fr., et dans la seconde 14 816 francs. C’est un heureux début d’expert pour M. Carle Delange, dont nous connaissons déjà l’érudition et les heureuses qualités » (Anonyme, 1861, p. 49).
1866, les porcelaines de Chine et du Japon
Arrive ensuite la vente de « sa dernière collection » : les 12 et 13 février 1866, le « doyen des collectionneurs » – tel que le présente le préfacier du catalogue (Anonyme, 1866, p. 3) – se défait de ses objets d’art, en particulier de son importante collection de porcelaines chinoises et japonaises. La vente, qui n’est pas sans causer « une certaine émotion parmi les raffinés du bric-à-brac » (Deriége F., 1866, n. p.), ne rapporte pas moins de 34 037 F. Le catalogue est rédigé « d’après les documents et sous la direction » d’Albert Jacquemart, critique d’art spécialiste de la céramique qui avait, dans bon nombre de ses écrits, fait référence à la collection de Boissel de Monville (1859, 1862, 1876, etc.). Il reprend ainsi les classifications qu’il avait élaborées dans son premier ouvrage sur la porcelaine, co-écrit avec Edmond Le Blant en 1862 : on retrouve les termes de « famille verte », « famille rose », « famille chrysanthémo-paeonnienne », etc. De même, l’attribution au Japon de porcelaines de famille rose pourtant résolument chinoises est une erreur que l’on retrouve dans le catalogue de Boissel de Monville (Abrigeon P. d’, 2018-2019). En témoigne l’objet ayant reçu l’une des adjudications les plus élevées : un « compotier » à décor de femme et d’enfant dans un intérieur tout à fait chinois, décrit comme la « pièce la plus extraordinaire en porcelaine, en ce qu’il semble que l’artiste ait voulu y réunir tous les tons et les procédés les plus variés de la céramique japonaise ; elle est d’une finesse d’exécution et d’une réussite admirable » (Abrigeon P. d’, 2019, § 18, fig. 4).
Cette vente semble bien avoir été, comme l’écrivait le préfacier du catalogue, la dernière : en 1869, lors de l’exposition du Musée Oriental organisée par l’Union centrale des Arts décoratifs, Hippolyte Boissel de Monville n’expose que deux numéros… Sans doute pouvait-il parcourir les salles de cette exposition en reconnaissant bon nombre de pièces qui avaient été jadis les siennes, désormais possessions d’une nouvelle génération de collectionneurs.
Malgré leur apparente diversité, les ventes de 1837 et de 1866 ont pour dénominateur commun la faïence – qu’elle soit orientale, française ou italienne –, objets pour lesquels Boissel de Monville semble avoir eu un vrai attachement et qui furent souvent évoqués dans les articles de certains critiques d’art (Jacquemart A., 1859, Bonnafé E., 1888).
Notices liées
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