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Commentaire biographique

Giuseppe De Nittis est l’une des figures les plus marquantes des artistes italiens installés en France dans la seconde moitié du XIXe siècle. Peintre de la vie moderne, il transcrit avec originalité la vie de son époque, orientant ses intérêts vers les avenues, les places, les lieux de rencontre mondains, ainsi que l’élégance et la beauté féminines. Paysagiste très sensible, il parvient à rendre avec habilité les scènes naturelles comme les vues urbaines. Passionné d’art japonais, en particulier de peintures et de textiles, il est l’un des collectionneurs les plus raffinés de son temps.

Milieu familial et débuts artistiques

Né le 25 février 1846 à Barletta, Italie, dans une famille aisée de riches propriétaires terriens, De Nittis devient bientôt orphelin. Sa mère, Teresa Maria Emanuela Barracchia (morte en 1849), meurt peu de temps après sa naissance et son père, Michele Giuseppe Raffaele De Nittis (mort en 1856) emprisonné pour des raisons politiques, se suicide quelques années après sa sortie de prison. Le peintre et ses trois frères, Vincenzo, Francesco (mort en 1848) et Carlo sont confiés à leurs grands-parents jusqu’à ce que Vincenzo, l’aîné, assume le rôle de tuteur pour ses frères (Dini P, Marini G. L., 1990, vol. I, p. 85)

Dès sa plus tendre enfance, De Nittis manifeste un certain penchant pour la peinture, encouragé par son premier professeur de dessin, l’artiste Giovanni Battista Calò (1833-1895). En 1860, les frères De Nittis déménagent à Naples. Le jeune peintre est confié au professeur de dessin Vincenzo Dattoli (1831-1896) et le 23 décembre de l’année suivante, il est inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de la ville. Il fréquente les peintres Federico Rossano (1835-1912), Marco De Gregorio (1829-1875) et d’autres artistes plus âgés que lui, représentants de l’école qui prend le nom de Resina ou de Portici, dont il partage les principes artistiques basés sur l’observation directe et l’étude de la nature. Négligeant les cours de l’Académie, De Nittis entre au sein du groupe, et le 2 juin 1863, il est définitivement renvoyé de l’institut. (Dini P, Marini G. L., 1990, vol. I, p. 86)

Les années de formation napolitaine de De Nittis sont également très importantes pour la rencontre avec le sculpteur florentin Adriano Cecioni (1836-1886), avec qui il se lie d’amitié. Ce dernier encourage le jeune artiste et lui transmet un grand enthousiasme (Moscatiello M., 2011, p. 23) Quand De Nittis présente, pour la première fois, à l’âge de dix-huit ans, deux petites scènes de sujets identiques (L’Arrivée de la tempête) à l’occasion de l’exposition de la Società Promotrice di Belle Artide 1864 (Mascolo, R., 1992, p. 9), Cecioni les remarque et lui prédit un avenir prometteur. Le jeune peintre participe également aux expositions de la Società Promotricede1866 et 1867, où deux de ses tableaux, dont le célèbre Traversée des Appennins (Naples, Museo Nazionale di Capodimonte, n.inv. 61 PS), sont achetés par le roi Victor Emmanuel II (1820-1878) (Cecioni A., 1905, p. 359). C’est encore Cecioni qui introduit De Nittis dans le milieu artistique des Macchiaioli.

Au cours de l’été 1867, De Nittis entreprend son premier voyage à Paris. Quelques jours après son arrivée, il rencontre le peintre Edouard Emile Pereyra Brandon (1831-1897), qui l’introduit auprès de Jean-Louis Gérôme (1824-1904). Il rencontre ensuite Ernest Meissonnier (1815-1891), qui lui propose de travailler dans son atelier. Sous les conseils de Cecioni, De Nittis refuse cordialement l’offre. Lors de ce séjour, De Nittis fait aussi la connaissance du marchand Adolphe Goupil (1806-1893), qui lui achète quelques œuvres. Il rentre à Naples, après avoir passé deux mois à Florence en compagnie des Macchiaioli, pour se consacrer entièrement à la peinture. À l’automne 1868, il est de retour à Paris, où il travaille pour le compte du marchand Frédéric Reitlinger et il signe par la suite un contrat très avantageux avec Goupil (Moscatiello M., 2011, p. 34).

Le 29 avril 1869, De Nittis se marie avec Léontine Lucile Gruvelle (1843-1913). Leur fils Jacques (1872-1907), né le 19 juillet 1872 à Resina, est tenu sur les fonts baptismaux par Gustave Caillebotte (1848-1894) (Mascolo, R., 1992, p. 11).

Le parcours du peintre

La production de la première période parisienne de De Nittis est influencée par la mode des tableaux de personnages en costumes historiques. Il présente au Salon de 1869, en tant qu’élève de Gérôme, Une Forêt des Pouilles (localisation inconnue) et Une Visite chez l’antiquaire (collection particulière). Les œuvres exposées au Salon de 1870, La Femme aux perroquets (collection particulière) et Une Réception intime (localisation inconnue), témoignent del’influence des tableaux de Meissonnier (Moscatiello M., 2011, p. 36).

En 1869, De Nittis réalise également sa première œuvre de sujet japonais. Ce tableau intitulé Japonaise endormie est mentionné dans les livres de comptes de la Maison Goupil, aujourd’hui conservés au Getty Research Institute de Los Angeles. Ces documents montrent que l’œuvre, entrée à la Maison Goupil le 24 novembre 1869, fut vendue au marchand Reitlinger le 26 novembre de la même année pour 1 200 francs. Malheureusement, dans les albums photographiques de la Maison Goupil ne figure aucune image de cette œuvre, dont le sort est inconnu. De surcroît, les livres de la Maison Goupil font mention d’une autre œuvre de sujet japonais, une aquarelle, peinte en 1870. Intitulée Japonaises, cette aquarelle fut vendue pour 2500 francs le 21 novembre 1871 au collectionneur James H. Stebbins. L’œuvre figure dans le catalogue de la vente de la collection Stebbins ayant eu lieu en 1889 à l’American Art Association de New York, mais sa localisation actuelle est inconnue (De Nittis, 2013, p. 51-52).

Entre 1870 et 1873, De Nittis et son épouse font de longs séjours en Italie, dans les Pouilles et à Naples, où le peintre réalise des œuvres remarquables, comme La Route de Naples à Brindisi (Indianapolis Museum of Art, collection R. Eno), qui obtient une mention honorable au Salon de 1872 et connaît un grand succès. À Naples, pendant une année entière, De Nittis monte sur les pentes du Vésuve pour croquer les diverses phases de l’éruption. Il envoie quelques-unes de ces études à l’Exposition nationale des Beaux-Arts de Milan de 1872 et au Salon de la même année. Goupil, qui juge ces œuvres trop réalistes, suggère au peintre d’y insérer quelques figures de touristes pour rendre les scènes plus pittoresques et facilement vendables. L’artiste finit par apporter les modifications demandées, mais quelque temps après, en juin 1874, annule le contrat avec le marchand. Bien que De Nittis ait contracté une dette importante auprès de Goupil, il décide de s’occuper personnellement de la vente de ses toiles, se faisant envoyer les tableaux restés chez le marchand. En 1890, six ans après la mort de son mari, Madame De Nittis n’aurait pas encore réglé définitivement cette dette (Dini P, Marini G. L., 1990, vol. I, p. 100).

Le retour à Paris de De Nittis marque le début d’un nouveau tournant dans ses choix artistiques : l’intérêt du peintre est maintenant orienté vers la vie moderne, en particulier les avenues, les places, les boulevards, ainsi que les lieux mondains comme les théâtres et les champs de courses. Il s’intéresse également aux toilettes des dames parisiennes, qu’il saisit lors de promenades urbaines. Les tableaux réalisés entre 1874 et 1884 comme Fait-il froid !!! (collection particulière),exposé au Salon de 1874 avec deux autres œuvres, attestent son désir de devenir l’un des peintres les plus originaux de la vie parisienne. Sur invitation d’Edgar Degas (1834-1917) De Nittis participe à la première exposition des impressionnistes avec cinq œuvres, qui ne sont pas mentionnées dans le catalogue et qui sont très mal exposées, ce qui probablement ne lui fait pas accepter l’invitation au deuxième rendez-vous de cette manifestation prévu en avril 1876 (Moscatiello M., 2011, p. 41). Entre 1873 et 1879, De Nittis se rend à plusieurs reprises et pendant divers mois à Londres (Mascolo, R., 1992, p. 11-14). Là-bas, il rencontre le banquier Kaye Knowles, l’un de ses plus grands commettants, qui lui achète douze tableaux, pour lequel le peintre italien s’inspire des lieux les plus emblématiques de la capitale anglaise, traduisant avec habilité ses brouillards et ses vues citadines. À Londres, De Nittis rencontre aussi James Tissot (1836-1902), avec qui il se lie d’amitié (Dini P, Marini G. L., 1990, vol. I, p. 103). Sa participation au Salon de 1876 marque l’arrivée de sa première récompense officielle obtenue grâce au tableau Place des Pyramides, aujourd’hui au musée d’Orsay (n.inv. RF 371, LUX 205). Les œuvres présentées au Salon de 1877 seront également remarquées par la critique et retiennent l’attention de Degas, en particulier deux aquarelles, Le Boulevard Haussmann (collection particulière) et La Place Saint Augustin (collection particulière). C’est à l’occasion du Salon de 1878 et de l’exposition universelle de la même année, où il présente un ensemble important de douze œuvres, que De Nittis atteint l’apogée du succès et de la notoriété, obtenant une médaille d’or et la nomination au grade de chevalier de la Légion d’honneur (Mascolo, R., 1992, p. 14) Pendant ces années si riches, l’artiste ne cesse pas de participer à des expositions publiques et d’en organiser à titre personnel, en France comme à l’étranger. De Nittis expose en 1879 dans les galeries de La Vie moderne, périodique dirigé par Émile Bergerat (1845-1923), dont il est l’un des collaborateurs artistiques et pour lequel dessine, entre autres, la couverture du premier numéro paru le 10 avril 1879 (Moscatiello M., 2011, p. 45). Dès 1876, De Nittis se tourne vers le pastel. Adoptant initialement cette technique seulement pour des études et des esquisses, il l’utilise ensuite pour réaliser des œuvres autonomes, souvent de grand format, qu’il présente à partir de 1879 aux King Street Galleries à Londres. Ce sont surtout deux événements, l’exposition de 1880 à la galerie L’Art et celle de 1881 au Cercle de l’union artistique, place Vendôme, qui font connaître ses pastels au grand public et retiennent l’attention d’autres artistes et de la critique (Moscatiello M., 2011, p. 46-47). Les dernières années de vie de De Nittis sont très difficiles non seulement pour ses problèmes de santé, car il contracte une bronchite assez grave, mais aussi à cause de brouilles avec les peintres Raimundo de Madrazo y Garreta (1841-1920) et Alfred Stevens (1823-1906), avec qui il organise l’Exposition internationale de peinture de 1882. Sur la même période, le rapport avec l’un de ses plus chers amis, Edmond de Goncourt, se dégrade. Pour prendre soin de sa santé et de celle de son fils Jacques, malade des poumons, De Nittis et sa famille vont passer plusieurs mois à Naples entre la fin de 1883 et le début de 1884. Pendant ce séjour, l’artiste découvre que divers faux de ses œuvres sont en circulation en Italie, ce qui le chagrine énormément. De retour en France, les De Nittis s’installent dans leur maison de campagne à Saint-Germain-en-Laye, où le peintre meurt le 21 août 1884 d’une congestion cérébrale, à l’âge de 38 ans (Moscatiello M., 2011, p. 52).

Le milieu mondain

Une décennie après son arrivée à Paris, De Nittis devient un artiste à succès et il mène, avec sa femme, un grand train de vie. En 1880, les De Nittis quittent l’hôtel de l’avenue du Bois de Boulogne pour s’installer dans une demeure plus luxueuse. Ils achètent un terrain dans l’élégant quartier de la Plaine-Monceau, où font bâtir un hôtel particulier de quatre étages avec jardin et deux ateliers très lumineux (Degas e gli italiani a Parigi, 2003, p. 414).

Son nouveau statut permet à l’artiste italien de connaître les personnalités les plus en vue des milieux littéraires de l’époque dont Edmond de Goncourt (1822-1896) et Émile Zola (1840-1902) et de se lier d’amitié avec divers artistes dont Édouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917). À partir de 1878, le couple reçoit régulièrement chaque samedi soir non seulement artistes et intellectuels, mais également hommes politiques, médecins et riches banquiers. Outre Degas, Zola, Goncourt, on rencontre chez les De Nittis la Princesse Mathilde Bonaparte (1820-1904), Philippe Burty (1830-1890), Jules Claretie (1840-1913), Alphonse Daudet (1840-1897), José Maria de Hérédia (1842-1905) et Alexandre Dumas fils (1824-1895) entre autres. C’est sans compter tous les Italiens résidents ou de passage à Paris, comme le peintre Rossano, le journaliste Jacopo Caponi (1831-1909) ou le critique d’art Diego Martelli (1839-1896) Moscatiello, M., 2011, p. 49-50). C’est Madame De Nittis qui entretient les contacts, s’occupe de la correspondance de son mari et invite les hôtes, dont elle note les noms dans des carnets d’invitations (Collection Piero Dini, Italie, Carnets de comptes et des invitations des De Nittis). Les soirées chez les De Nittis deviennent, en peu de temps, tellement prisées que la haute société est prête à acheter très cher les tableaux de l’artiste italien pour se faire inviter chez lui, selon les dires d’Edmond de Goncourt : « Dans ce temps, il se passe des choses particulières à la fin de ce siècle. C’est ainsi que les Bellino, des gens d’argent qui achètent 50 000 francs un tableau de Nittis, ne l’achètent pas pour le talent de l’artiste, mais pour être invités chez lui et y racoler une société » (Goncourt E. et J., 2004, vol. II, p. 975). Lors de ces soirées mondaines, le maître de maison cuisine lui-même les plats succulents qu’il offre à ses invités. De plus, le cadre au sein duquel ont lieu les rencontres enchante toujours les hôtes par le raffinement de la décoration (Moscatiello M., 2011, p. 49). Alidor Delzant (1848-1905), biographe des frères Goncourt, qui a connu De Nittis de son vivant, décrit le faste du décor de l’hôtel particulier du peintre, à l’occasion de la lecture de quelques passages de La Faustin d’Edmond de Goncourt : « Le 7 [sic] avril 1881, le peintre Giuseppe De Nittis réunissait quelques amis intimes, rue Viette [sic], dans le vaste hall que les tapis d’Orient, les foukousas, les kakémonos, les toiles sur les chevalets, les pastels ébauchés revêtaient de heurts de tons et de mosaïques harmonieuses. De minces parasols chinois captaient et caressaient la lumière des deux lustres. Sur un grand divan qu’ombrait, comme une toile de teinte, un velum de soie, la maîtresse de la maison avait fait asseoir à ses côtés Mme Alphonse Daudet, Mme José Maria de Heredia, Mme Zola et Mme Georges Charpentier. Autour d’elles, leurs maris debout et MM. Ph. Burty, Huysmans, Céard et Alexis […] » (Delzant A., 1889, p. 229-230). C’est dans ce cadre exotique, luxueusement aménagé, que Goncourt lit les quelques extraits du roman qu’il dédie, une fois terminé, à son ami italien, en insérant sur la première page la dédicace : « À J. de Nittis » (Giuseppe De Nittis : la modernité élégante, 2011, p. 58). Parmi les convives des De Nittis, on compte divers amateurs et collectionneurs d’art japonais tels que Burty, Goncourt, Hérédia ou Jules Jacquemart (1837-1880), avec qui le peintre italien partage sa profonde passion pour le Japon (Collection Piero Dini, Italie, Carnets de comptes et des invitations des De Nittis).

Distinctions

De Nittis est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1878, année où il participe au Salon et à l’exposition universelle présentant douze tableaux. Il obtient diverses médailles et récompenses pour ses activités de peintre, dont une médaille de troisième classe au Salon de 1876 et une médaille de première classe au Salon de 1878. En 1878, il est également nommé Commandeur de l’Ordre de la Couronne par le Ministère de l’instruction publique italienne. En 1879, il devient membre honoraire de l’Académie royale des arts figuratifs de Vienne (Moscatiello M., 2011, p. 44-45).

Constitution de la collection

L’inventaire après décès de Giuseppe De Nittis, rédigé les 16, 17 et 19 septembre 1884, représente une source essentielle pour l’étude de sa collection. L’artiste est intéressé par l’œuvre de ses contemporains, en particulier les peintres impressionnistes, qu’il expose dans la galerie de son atelier rue Viète ainsi que ses propres œuvres et des paravents et rouleaux japonais (AN, MC/ET/XII/1361). Dans l’inventaire il est fait mention d’un paysage attribué à Théodore Rousseau (1812-1867), un portrait d’homme au pastel probablement de Henri Fantin-Latour (1836-1904), deux marines, un paysage et Les Dindons (1877, musée d’Orsay, inv. RF 1944 18)de Claude Monet (1840-1926), une « femme au bébé » par Manet, une vue d’atelier de Ernest Ange Duez (1843-1896), un paysage de Rossano, trois pastels, dont peut-être un monotype, et un tableau représentant des danseuses de Degas, un portrait de femme de Berthe Morisot (1841-1895), identifié par Marina Ferretti avec Jeune femme en toilette de bal (1879, musée d’Orsay, inv. RF 843, LUX 326), acheté par De Nittis en 1879, le jour du vernissage de l’exposition des impressionnistes (Moscatiello M., 2011, p. 394-395).

L’hypothèse que De Nittis aurait pu voir pour la première fois des objets chinois ou japonais dans quelques magasins de curiosité de Naples n’est pas à écarter. Cependant, c’est sans doute à Paris vers la fin des années 1860 que l’enthousiasme de l’artiste pour l’art asiatique voit le jour, devenant une passion pénétrante, au point de faire de lui l’un des collectionneurs les plus raffinés de son temps (Moscatiello M., 2011, p. 138-139). L’analyse des spécimens ayant appartenu à De Nittis, répertoriés dans son inventaire après décès et dans des notes rédigées soit par ses soins soit par sa femme (Collection Piero Dini, Italie, Carnets de comptes et des invitations des De Nittis), permet d’apporter des précisions sur sa collection d’art chinois et japonais et de déterminer auprès de quels marchands il a fait ses achats (AN, MC/ET/XII/1361). Parmi ces derniers on compte Auguste Sichel (1838-1886), Siegfried Bing (1838-1905), et les maisons Mitsui, 11 rue Saint Georges à Paris, et Farmer & Rogers, Regent Street, à Londres. Dans ces documents, entre autres objets, il est fait mention d’une grande jardinière japonaise en faïence, un grès, quatre sculptures animalières en bronzes, une vasque et un plateau en bronze, trois panneaux en bois sculpté représentant un dragon, deux lampes en bois ajouré, des armes, trois boîtes et une maquette d’un palanquin en bois laqué, une boiserie composée de douze panneaux, un grand meuble laqué noir, un plateau et un plat à rehaut d’or, un lot de parasols. De plus, la collection comporte sept broderies chinoises, deux meubles chinois à trois portes, soixante fukusa (carrés de soie brodés, imprimés ou décorés à l’encre de Chine et aux couleurs), quarante-cinq kakemono, quarante-sept vases dont trente-trois en bronze, six albums d’aquarelles, trente-trois albums de gravures, mais aussi trois paravents et cinq « panneaux » (Moscatiello M., 2011, p. 386-401). L’un de ces panneaux, représentant une vingtaine de pigeons à la margelle d’une vasque en pierre sur un support de soie, acheté à l’exposition universelle de 1878 (Moscatiello M., 2011, p. 180), est à identifier avec un kakemono de Watanabe Seitei 渡辺省亭 (1851-1918), jeune peintre japonais séjournant à Paris à partir de 1878, aujourd’hui conservé à la Freer Gallery of Art de Washington (inv. F2000.1a-d).

Les objets composant la collection De Nittis n’ont pas fait l’objet d’une vente aux enchères. Madame De Nittis, ayant à la mort de son mari une importante dette à régler, les a probablement vendus un par un, selon les besoins du moment.

De Nittis présente en 1883 vingt-sept de ses fukusa lors de l’exposition rétrospective de l’art japonais organisée à la galerie Georges Petit, 8 rue de Sèze, par Louis Gonse (1846-1921) qui, dans son ouvrage consacré à l’art nippon (L’Art japonais, 1883) en illustre quatre spécimens. Dans le chapitre consacré aux textiles, parlant des fukusa, Gonse précise ainsi : « La plus nombreuse collection qui ait été formée est celle de M. de Nittis. En concentrant ses efforts sur cette série unique, ce dilettante raffiné de l’art japonais est parvenu à réunir plus de cinquante carrés brodés, d’une qualité très artistique » (Gonse L., 1883, vol. II, p. 237). D’autres experts de l’époque dont Burty, Edmond de Goncourt ou Ary Renan (1857-1900) ont souvent fait l’éloge d’objets de la collection japonaise du peintre italien. Bien que la curiosité de De Nittis pour le Japon remonte à 1869, année où il signe sa première œuvre inspirée d’un sujet japonais, la production japonisante de l’artiste se concentre autour de 1880, après la rencontre de Watanabe Seitei. L’achat de l’œuvre de cet artiste japonais resté fidèle à la tradition picturale de son pays est fait pour en étudier les techniques. De Nittis ne se limite pas à représenter des thèmes ou des motifs décoratifs empruntés à l’iconographie orientale, ou à la reproduction d’objets japonais dans ses œuvres. Son intérêt pour l’art japonais le conduit jusqu’à imiter des procédés techniques spécifiques à l’aide de matériaux d’ordinaire employés dans l’art asiatique, créant ainsi des œuvres qui rendent son cas unique dans le cadre des études consacrées au japonisme (Moscatiello M., 2011, p. 249).