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Estampe d'Utamaro représentant une sauterelle posée sur un tuteur au milieu de fleurs roses et violettes.

BOURBON-CONDÉ Louis Henri de (FR)

Commentaire biographique

Né en 1692, petit-fils de Louis XIV (1638-1715) et de Madame de Montespan (1640-1707) par sa mère, fils de Louis III de Bourbon (1643-1709), éphémère prince de Condé de 1709 à 1710, Louis Henri était l’héritier d’une des plus importantes dynasties de France. À l’instar de son père, il prit le titre de Monsieur le duc. Grand maître de France et gouverneur de Bourgogne comme ses aïeux, il épousa sa cousine germaine, Marie-Anne de Bourbon, dite Mademoiselle de Conti (1666-1739), qui décéda prématurément en 1720 non sans lui laisser un certain nombre d’objets asiatiques (AN, X/1A/ 9158). Chef de conseil de régence pendant la minorité de Louis XV (1710-1774), il s’enrichit considérablement à la faveur de la spéculation sur la Compagnie des Indes, dirigée par l’écossais John Law (1671-1729). À la mort du Régent en 1723, il fut nommé Premier ministre du jeune Louis XV. Son ministériat fut un relatif échec, même si on peut mettre à son actif les négociations de mariage avec Marie Leszczynska (1703-1768), ce dont la reine lui fut toujours reconnaissante. Face à l’impopularité de l’impôt instauré sur le Cinquantième, face aux mauvaises récoltes entraînant la cherté du pain, face surtout à l’opposition de la cour et du puissant cardinal de Fleury (1653-1743), précepteur du roi, et à la réputation désastreuse laissée par sa liaison avec la marquise de Prie (1671-1729), le duc fut évincé au profit de Fleury. À 34 ans, il connut la disgrâce et, comme ses prédécesseurs, s’exila sur ses terres, à Chantilly. Il put se consacrer aux chantiers pharaoniques qu’il y menait. Il avait chargé l’architecte Jean Aubert (v. 1680-1741, élève de Jules Hardouin-Mansart (1646-1708), de moderniser entre 1718 et 1721 les ailes occidentale et orientale du Grand Château, avec l’installation d’un escalier à l’impériale, d’harmoniser les façades et de créer une porte monumentale à fronton. Les appartements du prince, aujourd’hui appelés Grands appartements, établis dans le Petit Château, furent eux aussi réaménagés. Ils furent dotés de boiseries à la mode, blanches et or, formant l’un des ensembles les plus significatifs et cohérents du début du rocaille en France (vers 1718-1720). Elles furent complétées en 1737 par des peintures de Christophe Huet (1700-1759) sur le thème du singe, animal exotique lié à l’intérêt pour l’Asie et la chinoiserie, ornant le cabinet dénommé par la suite « Grande Singerie ». Deux ans plus tôt, le même peintre animalier avait orné la « Petite Singerie », dans les appartements du rez-de-chaussée. Le principal chantier du prince fut celui des Grandes Écuries, mené par Jean Aubert entre 1719 et 1735, un bâtiment démesuré se déployant face à la forêt de Chantilly et dévolu à la passion du prince, la vénerie. Il compléta également l’aménagement des jardins, en faisant créer de nouvelles salles de verdure agrémentées de jeux dans le Petit Parc. Ces fastes accueillirent à plusieurs reprises le couple royal. En 1728, Louis-Henri épousa Caroline de Hesse-Rheinfels-Rotenburg (1714-1741), fille du landgrave de Hesse-Rheinfels-Rotenbourg (1684-1749), dont il eut un fils, Louis Joseph, futur 8e prince de Condé. Il décéda en 1740.

Constitution de la collection

Amateur d’objets précieux, Louis Henri portait également un grand intérêt aux sciences et à la chimie. Il créa plusieurs manufactures, prêtes à satisfaire tant cet intérêt que son goût pour les œuvres d’Extrême-Orient. Ces manufactures étaient des instruments de prestige, mais aussi des moyens de faire baisser les importations étrangères. La manufacture de laques créée à son initiative imitait les productions de la Chine et du Japon. Aucun objet sorti de cette manufacture n’est aujourd’hui identifié. À la mort du prince, il existait au rez-de-chaussée du Grand Château une « salle appelée Hotel Péquin » (Archives du musée Condé, 2 A 055, fol. 394), non loin du « laboratoire de chimie » et de la « salle des cristaux ». Cette salle comprenait des pièces en laque de Chantilly (exemple : des « armoires […] basses aux costés de bois verny et doré avec figures chinoises »). Son inventaire après-décès mentionne par ailleurs un coffre en laque du Japon, toujours conservé au musée Condé (Chantilly, musée Condé, inv. OA 1798), provenant de sa collection. Présentant un coffre au décor de poules et de coqs, il date de la période Edo (vers 1675). La seconde manufacture produisait des toiles peintes ou indiennes imitant les textiles asiatiques. Jean-Antoine Fraisse (1680-1739 ?), « peintre en toile » travaillant à la manufacture de toiles peintes, dédia au prince en 1735 le Livre des desseins chinois tirés d’après les originaux de Perse, des Indes, de la Chine et du Japon. Cinquante-huit planches gravées y mettent en scène des personnages d’inspiration chinoise ou japonaise et des motifs floraux : elles étaient destinées à fournir des modèles pour les ouvriers de la manufacture de toiles peintes, mais aussi pour la troisième manufacture créée par Louis Henri à Chantilly, celle de porcelaine tendre. Mise en place vers 1725 par Cicaire Cirou, elle obtint un privilège royal en 1735 pour créer de la porcelaine à l’imitation du Japon. Elle s’inspira des pièces de porcelaine japonaise et chinoise possédées par le prince et produisit des pièces de style Kakiemon. Nous connaissons mal les réseaux d’approvisionnement de Louis Henri, prince de Condé. Il passait selon toute vraisemblance par les marchands-merciers parisiens. Le 18 juin 1708, un certain Mouchet « marchand au Palais » lui livra par exemple pour vingt-six livres dix sols « deux pagodes de porcelaine blanche ancienne (…) portées depuis a Escouen » (Chantilly, musée Condé, 2/AB/227, fol. 831, article 278). L’inventaire après-décès du prince, établi par Thomas Joachim Hébert (1687-1773), marchand-mercier de la rue Saint-Honoré à Paris, fait état de près de 1 700 porcelaines, dont un grand nombre de pièces asiatiques. Sont listés de nombreux céladons, d’« anciennes terres des Indes », des porcelaines de Chine (blancs de Chine ou de couleur - jaune, verte, etc.) ou du Japon (« porcelaine ancien Japon à dragons »). Parmi ces pièces, montées ou non, on comptait plusieurs cabarets, mais aussi des vases, des pots-pourris, des pots à tabac, des fontaines, des girandoles et des figures décoratives telles que des pagodes ou des animaux de différents types (« deux tres petites tortües de porcelaine ancienne du Japon de couleur avec des petites pagodes dessus de meme porcelaine » ; « deux léopards de porcelaine de la Chine assis sur leurs pieds de porcelaine »). L’inventaire mentionne également un grand nombre de pièces en laque (près de 112), essentiellement en laque du Japon (rouge ou noir, orné de reliefs dorés), dont une majorité de boîtes, mais aussi des cabarets, plateaux, surtouts, bureaux ou commodes (meublant notamment la Galerie des Batailles). De même, on y trouve des objets en pierre de lard chinoise (« deux teyeres de pierre de lard » ; « deux petits sceaux a liqueur de pierre de lard des Indes forme carrée garnis de bronze doré d’or moulu »). Parmi les objets qui nous sont parvenus, on peut compter « deux paires de vases carrés à pans en porcelaines du Japon, à sujets de fleurs et d’oiseaux », datant des environs de 1690-1700 (Paris, Musée du Louvre, inv. OA 5490 et 5491), deux paires de vases carrés et ronds en porcelaine de Chine, à pagodes en relief, de l’époque K’ang-hi (Château de Fontainebleau, inv. F 1384 C. 1 et 1388 C. 1 et 2), une paire de chiens-Fô (Château de Fontainebleau, inv. F 1736 C. 1 et 2) « un grand cornet de porcelaine ancienne bleu et blanche et dorée avec une espèce de cage au milieu » (Château de Pau, inv 1855 et n.inv 1896), ou encore « deux moyennes urnes de porcelaines couleur avec leur couvercle, l’une de porcelaine ancienne du Japon, l’autre de porcelaine de Chantilly » (Chantilly, musée Condé, inv. OA 1031 et 1032).