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Commentaire biographique

Zacharie Astruc naît à Angers le 23 février 1833 de l’union de Jean-Pierre Astruc (né à Puivert le 10 mars 1806) et Marie-Victoire Franem (1817- ?). Son frère, Frédéric Astruc, naît à Puivert le 19 avril 1845 (AN, LH/62/12).

Astruc journaliste et critique d’art

À l’âge de dix-huit ans, Zacharie Astruc se rend à Lille, où il commence une carrière dans le journalisme, rédigeant des articles pour L’Abeille lilloise et L’Écho du Nord. L’année suivante, Astruc gagne Paris pour tenter sa chance comme écrivain, rejoint en 1855 par son ami, le peintre lillois Carolus-Duran (Charles Auguste Émile Durant,1837-1917) ; ils habitent alors tous deux dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, rue Férou (Carolus-Duran : 1837-1917, 2003, p. 56).

Astruc s’oriente rapidement vers la critique d’art, et son premier essai publié en 1859, Les 14 stations du Salon, lui vaut une préface élogieuse de George Sand (1804-1876) suivie d’un mot d’encouragement de Victor Hugo (1802-1885). Il publie par la suite régulièrement dans Le Pays, L’Étendard, L’Écho des beaux-arts et Le Paris illustré.

Astruc se lance parallèlement dans la création de plusieurs revues : en 1853, alors qu’il réside encore à Lille, il fonde LeMascarille (douze numéros du 11 septembre au 28 novembre). En février 1859, il lance avec Arsène Houssaye (1814-1896), Valéry Vernier (828-1891) et Arthur Louvet Le Quart d’heure, Gazette des gens demi-sérieux – recueil littéraire qui cessera de paraître en août, après quatre numéros. Le 1er mai 1863, il publie Le Salon,feuilleton quotidien paraissant tous les soirs pendant les deux mois de l’exposition.

La vie mondaine

Partisan d’un renouveau en peinture, Zacharie Astruc se lie avec les artistes réalistes de la seconde génération : Édouard Manet (1832-1883), Henri Fantin-Latour (1836-1904), Alphonse Legros (1837-1911), Guillaume Régamey (1837-1875) et l’Allemand Otto Scholderer (1834-1902) [Carolus-Duran : 1837-1917, 2003, p. 56]. Il défend par ailleurs les peintres impressionnistes, avec qui il expose en 1874 chez Nadar (1820-1910) (Bénézit E., 1999, p. 515).

En 1867, Astruc rédige une notice pour le catalogue de l’exposition Manet, et son sonnet sur L’Olympia (publié dans le Journal des curieux en 1907) est peut-être à l’origine de l’œuvre éponyme. L’amitié entre le peintre et le critique est d’ailleurs matérialisée par plusieurs toiles : Manet représente Astruc dans La Musique aux Tuileries (1862, Londres, National Gallery, inv. 3260), dans un portrait de 1866 (Bremen, Kunsthalle, inv. 88-1909/1), et Fantin-Latour place les deux hommes assis l’un en face de l’autre dans Un atelier aux Batignolles (1870, Paris, musée d’Orsay, inv. RF 729). Nombreux ont été les peintres à portraiturer Astruc : Carolus-Duran, James Abbott McNeill Whistler (1834-1903), Frédéric Bazille (1841-1870), Félix Bracquemont (1833-1914) et Fernand Desmoulins (1853-1914).

Cette communauté d’artistes se réunit régulièrement au café Molière (rue de l’Odéon) ou au café de Bade (boulevard des Italiens). Entre 1866 et 1877, Astruc fréquente assidûment le café Guerbois (avenue de Clichy) où il retrouve Edgar Degas (1834-1917), Édouard Manet, Louis Edmond Duranty (1833-1880), Émile Zola (1840-1908), Fantin-Latour, Antonin Proust (1832-1905), Philippe Burty (1830-1890), Frédéric Bazille, Whistler ou encore Auguste Renoir (1841-1919). Astruc était également un habitué des réceptions données par Alphonse Daudet (1840-1897) en 1870 à l’hôtel Lamoignon (Duzer V., 2014, p. 105-106).

Des talents multiples

Lors de la première exposition des impressionnistes en 1874 – la seule à laquelle il participera – Astruc présente des aquarelles japonisantes : Intérieur japonais, Poupées blanches (Drumont E., 1874, p. 2). Il est présent au Salon officiel en 1889, et à l’Exposition universelle de Paris en 1900 (Bénézit E., 1999, p. 515). Dessinateur doué, il est loué par ses contemporains pour ses talents de décorateur dans la conception de tapisseries et éventails : « M. Zacharie Astruc nous a condamnés à l’embarras du choix, par un exécution de ses douze écrans de soie à monture japonaise et par l’attrayante distinction de ses sujets : capucines dans un vase bleu, géraniums et fougères, branche de poirier fleurie, fleurs de mauves etc. », écrit Louis Enault (1824-1900) à propos de l’exposition d’art décoratif moderne présentée en 1895 à la galerie Georges Petit (Enault L., 1895, p. 26). Au sein de la production picturale d’Astruc, seules quelques aquarelles ont été conservées, dont quatre à New York au Metropolitan Museum of Art – Deux Roses (inv. 1971.253.3),Fleurs dans un vase (inv. 1971.253.2), Fleurs blanches dans un vase (inv. 1971.253.1), Paysage avec charrette et meules de foin (1869-1870, inv. 1971.184.1) – une à Paris au musée du Louvre (Roses négligemment jetées sur un vase, inv. RF 41583), une au musée des Beaux-Arts de Pau (Scène de rue à Cuenca, 1873, inv. 2006.4.1) et une au musée d’Évreux (Intérieur parisien, 1874, inv. 8102).

En tant que sculpteur, Astruc débute au Salon des artistes français en 1871. On lui connaît notamment les bustes de sa fille Isabelle Astruc (Angers, musée des Beaux-Arts, inv. MBA 1105), son épouse Madame Astruc en espagnole (Angers, musée des Beaux-Arts, inv. MBA 1102),Manet (Angers, musée des Beaux-Arts, MBA 1103), Barbey d’Aurevilly(1876, Paris, musée d’Orsay, inv. RF 1407), François Rabelais(Angers, musée des Beaux-Arts, inv. MBA 1104) et le célèbre Marchand de masques (1883) du jardin du Luxembourg (inv. RF 771, LUX 318) [Bénézit E., 1999, p. 515].

Il ne reste rien de la carrière de musicien de Zacharie Astruc, hormis quelques partitions, un tableau de Manet le représentant en joueur de guitare (La Leçon de musique, 1870, Boston, Museum of Fine Arts) et quelques témoignages amicaux. Prônant le décloisonnement des disciplines, il avait été impressionné par l’étonnant accompagnement musical de la Manchester Art Treasures Exhibition à laquelle il s’était rendu en 1857, et désirait que de la musique soit jouée dans les expositions en France ; sa proposition ne connut cependant pas de suite(Duzer V., 2014, p. 106).

À la fin de sa carrière, le 12 juillet 1890, Astruc est fait chevalier de la Légion d’honneur (AN, LH/62/12).

Un japonisant de la première heure

Zacharie Astruc est souvent présenté comme l’un des précurseurs du japonisme, et l’un des premiers chroniqueurs à relever l’influence des estampes japonaises sur la peinture de ses contemporains. Dès septembre 1865 en effet, il écrit la première pièce de théâtre française à incorporer des éléments japonisants, L’Île de la Demoiselle, qui ne sera pas publiée mais jouée en privé devant quelques amis. Que ce soit par les motifs, les personnages ou les décors, cette « féérie japonaise » (Chesneau E., 1878, p. 388) révèle déjà une solide connaissance de l’archipel (Flescher S., 1978, p. 340-347).

À partir de 1864 et jusqu’en 1867, Astruc rédige ses « notes sur le Japon », près de 70 pages comprenant une étude de l’œuvre d’Hokusai (葛飾 北斎) [1760-1849] – la première en français – et des descriptions d’estampes et albums issus de diverses collections. L’objectif du critique était de préparer un ouvrage divisé en douze chapitres, dont les titres (« Tableau de la vie japonaise », « Mœurs », « Industrie »…) témoignent d’une volonté d’aborder la culture japonaise dans son ensemble ; des domaines encore peu étudiés y figurent, tels que la sculpture, l’architecture, la poésie et la musique. Ces notes résultent de la combinaison de deux sources principales : les récits de voyage sur le Japon et les estampes ukiyo-e. Nous savons qu’Astruc empruntait des ouvrages à la Bibliothèque impériale, et certains passages citent Isaac Titsingh (1745-1812) et Philipp Franz von Siebold (1796-1866) (Flescher S., 1978, p. 366-373). La centaine d’estampes sur lesquelles il s’est appuyé sont malheureusement difficiles à identifier, Astruc n’indiquant pas le nom des artistes (hormis pour Hokusai) et se limitant à un descriptif générique des scènes représentées. Il nomme en revanche les propriétaires des estampes : l’auteur lui-même, Philippe Burty, l’aquarelliste Favard, le comte de Rosny (Flescher S., 1978, Appendix VI). Si Astruc abandonne cet ambitieux chantier en 1867, ces notes lui ont probablement servi à rédiger deux articles ultérieurs pour la revue L’Étendard, « L’Empire du soleil levant »et « Le Japon chez nous ».

En 1867, Astruc publie « L’Empire du soleil levant » en deux livraisons, le 27 février et le 23 mars, soit avant même la première participation du Japon à l’Exposition universelle de Paris. L’article présente un Japon fantasmé, vu à travers les yeux d’un novice qui concède volontiers ses lacunes en la matière : « En effet, à travers le nombre de documents peints, dessinés ou sculptés […] je distingue peu de mains. Je reconnais, çà et là […] la présence de cinq ou six grands maîtres seulement » (Astruc Z., 23 mars 1867, n.p.). Astruc débute par le récit de la redécouverte de la culture nipponne par les collectionneurs et artistes français du milieu du XIXe siècle, à commencer par les estampes ukiyo-e. Il souligne les affinités entre l’esthétique japonaise et les recherches menées par les peintres d’avant-garde qu’il côtoie alors – qu’il perçoit davantage à travers un certain sens de l’observation du vivant et de la nature que par des partis pris formels : « Un lien tendait cependant à nous rapprocher : l’amour commun de la nature par lequel des modernes féconderont leurs travaux ; l’inspiration demandée à la vérité »(Astruc Z., 27 février 1867, n.p.).

Le 26 mai 1868 paraît « Le Japon chez nous », dont le ton et le sujet sont très différents du précédent article. Ce nouvel essai dépeint trois « princesses japonaises », Fleur-de-Pêcheur, Tubéreuse et Acacia-Blanc, séjournant alors à Paris. L’auteur décrit le domicile de l’une d’entre elles et ses nombreux objets d’art, en particulier deux paravents dont l’un est un chef-d’œuvre convoité « tour à tour par nos peintres, par les écrivains, par les plus enragés collectionneurs » (Astruc Z., 26 mai 1868, n.p.). Astruc y tente un premier recensement des collectionneurs d’art japonais de l’époque, où figurent de nombreux peintres : « Stevens, Diaz; le gothique Tissot ; l’érudit M. Villot du Louvre; l’aimable aquarelliste Favard; Alphonse Legros, venu de Londres pour se réjouir de ses princesses; Chesneau, qui s'exclame et s'enthousiasme, emporté par cette fraîcheur d'imagination ; Champfleury, que sa passion pour les chats suffirait à elle seule à conduire au Japon, leur pays de prédilection ; Solon, le prince de la céramique, l’érudit, le spirituel Athénien, dont le goût ne saurait pêcher; Bracquemond qui élève un temple en faïence à ses maîtres orientaux ; Fantin, étonné de retrouver en eux le Delacroix de ses rêves; Burty, admirateur passionné et savant, collectionneur infatigable ; les Goncourt, profonds connaisseurs; Manet, qu'une telle personnalité transporte ; Lambron, réjoui par des originalités si primesautières; Claude Monet, fidèle émule d’Hokusai » (Astruc Z., 26 mai 1868, n.p.).

Ces affinités artistiques amènent certains de ces collectionneurs à créer, aux côtés d’Astruc, l’une des premières associations informelles d’amateurs d’art japonais : la « Société du Jing-Lar », composée d’Alphonse Hirsch (1843-1884), de Philippe Burty, Jules Jacquemart (1837-1880), Henri Fantin-Latour, Félix Bracquemond et Marc-Louis Solon (1835-1913). Ce dernier, alors directeur de la manufacture de Sèvres, organise entre 1868 et 1869, des dîners mensuels à son domicile (Bouillon J.-P., 1978, p. 107-118).

Constitution de la collection

Amateur éclectique, Zacharie Astruc collectionne la peinture ancienne et moderne, la sculpture, le mobilier et l’art japonais.

La collection de peintures

Dans le catalogue de vente Tableaux anciens et modernes : aquarelles et sculptures par Zacharie Astruc : sculptures diverses, meubles, objets d'art des 11 et 12 avril 1878, Ernest Chesneau (1833-1890) explique la manière dont s’est formée la collection de peintures d’Astruc, qui aurait vraisemblablement débuté à la fin des années 1850 : « M. Zacharie Astruc expose à la fortune des enchères publiques une partie importante des peintures tant anciennes que modernes qu’il a su réunir depuis vingt ans. À cette collection formée par lui, non seulement à Paris, mais aussi au cours de ses fréquents voyages en Angleterre et dans les Flandres, et pendant ses longs séjours en Espagne […] » (Tableaux anciens et modernes, 1878, p. 57). C’est ainsi que parmi les 98 peintures recensées dans le catalogue, l’école française côtoie l’école espagnole, anglaise, flamande et hollandaise.

L’école française se divise entre peintures anciennes et peintures modernes. D’une part, le XVIIIe siècle avec Nature morte. Le Gigot de Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), un Portrait de Jean Siméon Chardin (1699-1779) et plusieurs œuvres de Jean-Honoré Fragonard (1731-1799), La Madeleine en méditation, Le Prédicateur villageois, un Portrait de l’artiste, Le Berger musicien. Soir d’automne, Cavaliers dans une forêt ou encore La Toilette de Vénus – qui « viendrait de la collection Marcille, et je n’ai pas de peine à le croire. Thoré, au surplus, en a fait l’éloge lorsqu’elle apparut à l’exposition des maîtres de l’école française en 1865, au boulevard des Italiens »(Tableaux anciens et modernes, 1878, p. 9). D’autre part le XIXe siècle, où l’école de Barbizon domine avec La Résurrection (esquisse à Reims, musée des Beaux-Arts, inv. 928.13.13) de Jean-François Millet (1814-1875), Le Tronc d’arbre de Théodore Rousseau (1812-1867), un Portique romain de Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) et trois œuvres de Constant Troyon (1810-1865), Le Chasseur de furet, La Chaumière et Intérieur de forêt. Notons également des études de Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823) – La Justice poursuivant le crime (1804-1806) et Le Christ en croix (dont les deux tableaux achevés se trouvent à Paris, musée du Louvre) – et de Théodore Géricault (1791-1824) – Écurie dans l’église de Saint-Nicolas, Le Cellier normand et Cheval au râtelier. D’autres sources (Wildenstein D., 1974, n3 et no 84) évoquent la présence d’œuvres de Claude Monet (1840-1926) dans les collections d’Astruc : une vue de Saint-Germain-l’Auxerrois (achetée par Durand-Ruel en 1872) et une Pochade, Bouvières (achetée à Monet à Paris en 1877).

Au sein de l’école espagnole, le catalogue de vente fait état de quatre toiles de Francisco de Goya (1746-1828) – Enfants jouant au moine, Enfants jouant au soldat, Petite-fille de l’auteur et Nature morte – et quatre œuvres du Greco (1541-1614) – Le Rier, La Vierge et l’Enfant-Jésus, Adoration des bergers et Saint François d’Assise recevant les stigmates. De ce dernier artiste, nous savons qu’Astruc possédait également unSaint Dominique (vers 1605), qu’il vendit plus tard à Degas, en novembre 1896, pour 3 000 francs (aujourd’hui conservé à Boston, Museum of Fine Arts, inv. 23.272) (Degas, 1988, p. 492). Le catalogue Drouot mentionne enfin une esquisse de Diego Velázquez (1599-1660), la Procession de la Vierge d’Atocha.

L’école flamande et hollandaise est notamment représentée par deux retables. Le premier, datant du XVe siècle, est attribué à Hans Memling (1430-1494). Monumental, il est composé de quinze panneaux représentant Le Triomphe de la rose rouge, à savoir la réconciliation des maisons de Lancastre et d’York avec l’assistance de la Vierge. Le second, un triptyque (aujourd’hui conservé à Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 2786), est l’œuvre de Frans Floris (1517-1570) : le panneau central est illustré par l’Adoration des mages, encadré des évangélistes sur les panneaux latéraux. Parmi les autres pièces, mentionnons deux œuvres de David Teniers (1610-1690) – LaTentation de saint Antoine et Le Singe à l’orange –, LaNuit de Noël de Jan Steen (1626-1679), Le Jeune Musicien de Gabriel Metsu (1629-1667), une vue de Dordrecht d’Albert Cuyp (1620-1691) et une Vue prise en Hollande, aux environs de Zaardam de Jan Van Goyen (1596-1656) daté de 1634.

Enfin, l’école anglaise est également présente avec La Coupe de Benjamin de Joshua Reynolds (1723-1792), Le Parc de Richard Parkes Bonington (1802-1826) et trois toiles de John Constable (1776-1837), Lisière de forêt, Le Moulin et Campagne anglaise.

En dehors des peintures, le catalogue fait état de neuf sculptures (dont deux terres cuites d’Alonzo Cano, 1601-1667, et un petit marbre en bas-relief de Germain Pilon, 1528-1590), douze meubles (d’époques Louis XVIII et Louis XIV, ainsi que des meubles hispano-mauresques, deux cabinets arabes et un paravent chinois), deux tapisseries et un couvre-lit indien du XVIe siècle, trois vases espagnols en faïence, deux lampes arabes XVIe siècle et une aiguière persane.

Un collectionneur précoce d’art japonais

À l’instar des frères Goncourt ou d’Ernest Chesneau, Astruc s’est régulièrement présenté comme un pionnier dans la découverte de l’art japonais, « le premier à Paris (cette gloire me sera-t-elle au moins réservée ?) [qui] ai[t] voulu écrire la grandeur et l’exquisité de leur production » (Astruc Z., 26 mai 1868, n. p.).

En l’absence de journal ou de lettres, il est cependant difficile de déterminer la date de sa découverte de l’art japonais, ainsi que celle de sa première acquisition. Nous savons qu’en 1863, Astruc a l’occasion d’admirer des estampes de la collection Baudelaire (1821-1867), et qu’il en est si frappé qu’il les compare aux coloris vibrants des peintures de Delacroix (1798-1863) [Astruc Z., 2-3 mai 1863, p. 2]. À la fin de l’année 1866, il possède déjà de nombreuses gravures, albums illustrés et objets d’art japonais – notamment la Manga et d’autres œuvres d’Hokusai – qui lui servent à rédiger les notes préparatoires pour ses articles dans L’Étendard.

Parmi les multiples albums illustrés acquis par Astruc, quatre ont été conservés par ses descendants : d’abord sa fille unique, Isabelle Doria (? -1952), qui les confie en 1944 à Christian Reiss qui les a toujours en sa possession (Flescher S., 1978, p. 386). Il s’agit de livres illustrés par Yanagawa Shigenobu II (柳川重信, actif vers 1824-1860), Utagawa Toyokuni (歌川豊国,1769-1825), Katsukawa Shuntei (勝川春亭, 1770-1820) et Ryokutai Senryu (années 1800 ?). L’album de Shigenobu II, l’Ehon Fujibakama (絵本ふちはかま), est le premier d’une série de deux volumes publiés en 1823, recueils de contes moraux sur des femmes vertueuses. Dans le portrait d’Astruc par Manet (1866, Bremen, Kunsthalle), il semble que l’ouvrage posé sur la table de travail, à la couverture vert sombre et au titre en idéogrammes, soit l’Ehon Fujibakama. L’album de Toyokuni, Osugi Otama Futami No Adauchi, est publié en 1807. Celui de Shuntei, le Kuraiyama Homare No Yokuzuna en 1812, réunit plusieurs contes fantastiques. Enfin le quatrième et dernier livre, illustré par Senryu et nommé Seichu Gimin Ryakuden, paraît en 1862. Ces quatre albums datent tous du XIXe siècle et montrent une certaine prédilection pour la représentation de figures humaines (les images de plantes et d’animaux en sont absentes). Pour Astruc comme pour les autres amateurs des années 1860, il était alors difficile de se procurer des estampes des XVIIe et XVIIIsiècles.

À quarante-trois ans, pour des raisons inconnues, Astruc décide de se séparer de la majeure partie de ses collections : peintures, estampes et objets d’art sont vendus les 11 et 12 avril 1878 à l’hôtel Drouot. Aucun objet japonais n’y figure cependant, si bien qu’en dehors des quatre albums précédemment cités, le reste de la collection demeure non localisé.