CANTINI Jules (FR)
Commentaire biographique
Jules Cantini est le cadet d’une famille nombreuse, d’origine pisane. Il est le fils de Gaëtan Cantini (? -1831), entrepreneur, « modeste marbrier » (Barré H., 1913, p. 109). Arrivé à Marseille au début du XIXe siècle, il fonde son atelier en 1808 (Barré H., 1913, p. 109) et développe son entreprise en 1823, s’associant au projet de réaménagement de la porte d’Aix, par l’obtention de l’adjudication des travaux de démolition de l’aqueduc (Richard É., 1999, p. 103). Il épouse le 13 frimaire an XIV [4 décembre 1805] Marie-Thérèse Magdelaine Farci, qui administrera dans les années 1830 un petit commerce de volailles et de comestibles (Richard É., 1999, p. 103).
Si Cantini revendique son appartenance à la communauté italienne, il considère Marseille comme sa patrie d’adoption. Il est ainsi naturalisé le 15 février 1888 (AN, BB/34/394 / 13231 X 87). Le marbrier a mené de nombreuses actions dans le domaine public et s’est fait connaître pour son œuvre ornementale dans la cathédrale Sainte-Marie-Majeure, dite « La Major ». En ce sens, il en vient à figurer « au premier rang des célébrités marseillaises », pour reprendre l’expression de l’historienne Éliane Richard (1999, p. 105).
Jules Cantini : marbrier-sculpteur
Jules Cantini entre à l’école gratuite de dessin de Marseille (future école des Beaux-Arts), avec son frère aîné Pierre, qui fonde, rue des Beaux-Arts, un atelier de sculpture décorative. En 1851, l’apprenti déplore la mort prématurée de son jeune cadet. Jules reprend alors l’affaire familiale et en fait « une véritable entreprise industrielle » (Raveux O., 2007, p. 55). Il figure ainsi dans l’Indicateur marseillais de 1852 sous la dénomination de « négociant marbrier ». Il se trouve à cette époque détenteur d’une scierie mécanique par brevet d’invention. L’année suivante, le guide signale la fondation d’une scierie à Saint-Giniez, fixée définitivement en 1859, chemin du Rouet.
Jules Cantini épouse en 1856 Rose Louise Augustine Lemasle (1826-1922), fille d’un sellier-carrossier. À son mariage, il quitte la maison familiale de la rue Longue-des-Capucins, pour s’installer au 8, cours Lieutaud, toujours dans le même quartier. Les ateliers du Prado sont montés dès 1857. Il installe par la suite son domicile à proximité. De 1855 à 1863, l’industriel au succès montant possède également une filiale à Paris, au 248, quai Jemmapes, sur le canal Saint-Martin, puis en 1860, au 39 bis, rue Sedaine, dans le 11e arrondissement.
Au faîte de la modernité et de l’innovation technique, la scierie du marbre fonctionne à l’énergie à vapeur. L’entrepreneur fait également l’acquisition de carrières en Italie et en Afrique du Nord. Soucieux de la qualité du produit, il accorde une place particulière à la notion de couleurs et au jeu de la polychromie dans ses propres créations, comme le relèvent ses contemporains (Macé de Lépinay J., 1902, p. 337 et Delanglade Ch., 1921, p. 281) ; le sculpteur faisant usage « des marbres blancs de Carrare, des marbres jaunes de Numidie et des marbres rouges de Provence » (Raveux O., 2007, p. 55). Jules Cantini est notamment propriétaire et exploitant de la carrière de Vitrolles (Indicateur marseillais, 1914, p. 1540).
Son atelier, « un des premiers de France au point de vue de la marbrerie artistique », selon lui, compte 150 ouvriers et artistes-sculpteurs (AN, LH/419/98). Le marbrier aura présidé pendant dix ans la Chambre syndicale des entrepreneurs de bâtiments de Marseille. Le Syndicat des Industries du bâtiment des Bouches-du-Rhône lui accordera une présidence d’honneur.
Cantini est à l’origine de nombreuses réalisations dans la capitale phocéenne. Il dit ainsi avoir « exécuté tous les travaux de marbrerie des monuments de Marseille sans exception » (AN, LH/419/98). L’entrepreneur a également œuvré dans la capitale parisienne, notamment pour la construction de l’hôtel particulier de Woodrow Wilson (1856-1924), avenue d’Iéna, qu’il termina en 1886. Il fut actif aussi à l’étranger, à Constantinople, en Grèce, en Afrique et aux Indes ; répondant à des particuliers et à des commandes publiques. En 1906, l’industriel se met en retrait de l’entreprise et en confie la direction à son neveu et collaborateur Marius Cantini (1850- ?) (Richard É., 1999, p. 105).
Un « serviteur de l’Art éternel » (Rémy Roux)
Sa rencontre avec l’architecte Léon Vaudoyer (1803-1872) s’avère déterminante dans le lancement de sa carrière artistique. Ce dernier termine la cathédrale, dont la première pierre fut déposée le 26 septembre 1852, par le Président de la IIe République Louis-Napoléon Bonaparte (1808-1873), qui lui confie la tâche de l’ornement. Jules Cantini s’occupe ainsi de l’élévation des colonnes, des frises, des pilastres, ainsi que de la statuaire, emprunts au style byzantin. Cette œuvre lui permet d’asseoir sa réputation en tant que sculpteur-marbrier. Il n’aura de cesse en effet de revendiquer son statut d’artiste.
La ville de Marseille compte nombre de ses réalisations qu’il présente à diverses expositions. Le sculpteur et médailleur Charles Delanglade (1870-1952), qui lui succède à l’Académie de Marseille, soulignera l’importance de « la présentation dans une œuvre » et de la nécessité pour l’artiste de s’en pénétrer (1921, p. 281). « Il comprend qu’un esprit ne saurait imaginer les formes et les figures sans leurs attributs et leur ambiance » (1921, p. 281). Aussi, il lui concède un « goût de la forme et du revêtement somptueux » et une certaine « précision arithmétique » dans ses choix artistiques (1921, p. 278). Avec l’onyx, découvert par Marius en Algérie, dans la carrière d’Aïn-Smara, près de Constantine, sur les indications de l’évêque de Marseille (1878-1900), Louis Robert (1819-1900), Jules Cantini façonne en 1900 « La Nature se dévoilant devant la Science », une interprétation de l’œuvre de Louis-Ernest Barrias (1841-1905), maître de Charles Delanglade, qui lui adresse pour ce travail ses éloges. L’État se portera acquéreur d’une de ses œuvres à l’Exposition universelle de 1900. En revanche, le « Bon Accueil », composé pour l’exposition coloniale de 1906, ne correspond pas aux attentes du critique. Le ton est acerbe, parfois ironique dans ce discours de réception, tenu en séance publique devant l’auditoire du grand amphithéâtre de la faculté des sciences le 15 juin 1919, parfois ambigu, oscillant entre l’éloge convenu d’un honorable prédécesseur et la volonté de montrer une autre facette du personnage, dont l’égocentrisme et l’égoïsme affleurent à certains moments dans le texte. Charles Delanglade remet ainsi en cause l’artiste, qui aurait dû s’associer à un maître statuaire et le qualifie d’« artiste dilettante » (1921, p. 289).
Si son œuvre est diversement appréciée, suivant les dires de Charles Delanglade (1921), celle-ci n’en reste pas moins saluée par ses pairs et récompensée dans les faits par de nombreuses décorations. Il reçoit ainsi la médaille d’or à l’Exposition de Marseille en 1861 et à l’Exposition universelle de Paris en 1878. Deux diplômes d’honneur lui sont décernés à Montpellier en 1885 et à Marseille en 1886. Il gagne le Grand Prix de l’Exposition universelle de 1889, pour une cheminée en marbre blanc dans le style Louis XIV, composée et exécutée pour un hôtel parisien. Il est également récompensé de la plus haute distinction à l’Exposition universelle de Liège en 1908.
Il est également investi dans l’enseignement des beaux-arts. En 1870, il fonde une section de sculpture et de peinture et met en place un système de bourse pour aider les jeunes talents. Il est reçu en mars 1902 à l’Académie des sciences, lettres et beaux-arts de Marseille, intronisé par le sculpteur André Allar (1845-1926), à la chaire du peintre Dominique-Antoine Magaud (1817-1899). Il est nommé vice-président de la Commission des beaux-arts et président des Amis du musée du Vieux-Marseille. Membre du comité d’inspection et de surveillance du musée Longchamp, il obtient la vice-présidence de la section consacrée aux arts provençaux, au sein de l’Exposition coloniale de Marseille en 1906, à laquelle il participe hors-concours.
Si Charles Delanglade s’avère critique sur le talent du sculpteur-marbrier, la municipalité de Marseille, en la personne de son adjoint délégué aux beaux-arts Rémy Roux (1865-1957), fait l’éloge d’un mécène, « serviteur de l’Art éternel ». À l’ouverture de son musée éponyme en 1936, Jules Cantini figure aussi un « mécène qui pare l’Art et la Cité » (cité dans Comœdia, 1936, p. 3).
Un « mécène qui pare l’Art et la Cité »
Ainsi, fait-il preuve d’évergétisme. Le 12 novembre 1911, est inaugurée, place Castellane, la fontaine qui porte son nom. Jules Cantini en est le concepteur, André Allar, le sculpteur. Le Petit Marseillais évoque une œuvre de « générosité sociale » (Thomas E., 1911, p. 3). L’édifice d’envergure, représentant les trois fleuves qui irriguent la Provence – la Durance, le Rhône et le Gardon – et la mer Méditerranée, oblige à quelques aménagements. L’obélisque, érigé en 1811 par l’architecte François Michaud (1810-1890), directeur des travaux publics de la ville, et interprété par Panchard, doit migrer au rond-point de Mazargues.
En 1913, Jules Cantini fait également don à la Ville de Marseille d’une reproduction du David de Michel-Ange, qui rejoindra plus tard le palais Longchamp. Depuis 1949, la statue marque l’intersection des avenues du Prado et de Pierre-Mendès-France. Il conçoit entre autres des éléments décoratifs pour l’église de Montolivet et pour l’autel de la chapelle de Notre-Dame-de-la-Garde. Il est également l’auteur du monument Puget, rue de Rome, en remplacement de la fontaine d’origine jugée en piteux état (Négis A., 1912).
Jules Cantini tend ainsi à s’imposer dans la ville de Marseille. Ses réalisations constituent « d’incontestables marqueurs » paysagers (Raveux O., 2007, p. 56) ; certaines de ses œuvres conduisant à une reconfiguration de l’espace urbain.
Un philanthrope
Impliqué dans la vie culturelle de son pays et de Marseille, les libéralités du mécène sont d’un autre ordre et englobent d’autres aspects de la vie de la cité. Pour ceux qui l’ont côtoyé, il s’agit d’une autre étape de son parcours. Car, c’est vers la fin de sa vie, qu’il va se porter au secours des plus nécessiteux. Jules Cantini fonde la Société pour les pauvres, dont il devient le président. Il est à l’origine de la Société ouvrière de secours mutuel. À l’occasion de ses noces de diamant, le 20 juin 1915, Cantini et son épouse décident d’offrir 225 livrets de Caisse d’épargne, d’une valeur de 100 000 francs, pour les familles marseillaises victimes de la guerre (Le Temps, 1915, p. 4).
En 1917, le legs du château de la colline de Marseille-Veyre et de ses 19 ha de prés et de pinèdes aux hospices de la ville est acté ; à la condition que si rien n’est fait pour son utilisation, un don équivalent sera proposé à la ville de Pise. La Société italienne de secours mutuel de Marseille reçoit de même un montant de 20 000 francs. L’industriel marseillais n’oublie pas ainsi ses origines.
Pour son investissement social, Cantini est ordonné chevalier des Saints-Maurice-et-Lazare, ordre honorifique ancien qui récompense l’aide apportée aux plus nécessiteux et aux malades, selon les préceptes d’un christianisme fervent. « Le cœur s’ouvre et s’efforce de créer des sympathies », comme le relève cyniquement Charles Delanglade, qui voit dans le parcours du marbrier-sculpteur une stratégie de conquête sociale (1921, p. 284). Son successeur à l’Académie des beaux-arts souligne le caractère intéressé de l’industriel prospère, millionnaire et détenteur d’un important capital immobilier, soucieux de reconnaissance sociale, qui se ferait prodigue dans ses actions philanthropiques à dessein. Delanglade retient ainsi « deux étapes dans sa vie. La première devait lui permettre de concentrer ses moyens d’action, d’établir de manière définitive sa renommée en même temps que sa fortune, et la seconde, de faire rayonner autour de lui les produits accumulés de sa vie laborieuse. » (1921, p. 282). Rémy Roux préfère mettre en exergue la figure du mécène et du philanthrope prodigue envers sa ville natale, soulignant l’empathie d’un « vieillard qui se porte au secours de vieillards comme lui » (cité dans Comœdia, 1936, p. 3).
Tous ces travaux lui valent d’être élevé au rang de chevalier de la Légion d’honneur (AN, LH/419/98), par décret du ministère du Commerce et de l’Industrie, le 4 janvier 1887, parrainé alors par Joseph Letz (1837-1890), architecte en chef du département des Bouches-du-Rhône depuis 1868. Jules Cantini sera promu officier par décret du ministère des Colonies le 17 juillet 1908, reçu alors par André Allar, membre de l’Académie des beaux-arts. Le marbrier-sculpteur reçoit ainsi une reconnaissance sociale, municipale et nationale. Le legs testamentaire de la résidence du 19, rue Grignan, à charge pour la Ville d’en faire un musée, marque définitivement son souci de faire œuvre sociale et artistique.
Constitution de la collection
Par testament du 30 décembre 1916 (AD 13 / 362 E 640), Jules Cantini lègue l’hôtel Montgrand et l’ensemble de ses collections à la Ville de Marseille. Cette demeure du XVIIe siècle, dans le style Louis XIV, construit en 1694 par Nicolas Charpentier, habitée successivement parla Compagnie du Cap Nègre, la famille de Montgrand, le comte de Grignan, gouverneur de Provence, et par le Cercle des Phocéens, constitue un écrin privilégié pour les collections, jusqu’alors dispersées dans sa villa avenue du Prado et dans sa maison de campagne, située dans la périphérie de Marseille.
La pensée d’un musée des Arts décoratifs pour la Ville de Marseille
En 1888, Jules Cantini entre en possession de la propriété, qu’il loue au Cercle des Phocéens. Cette association progressiste de notables locaux en fait son siège et se révèle à l’origine de transformations notables, dénaturant l’intérieur du bâtiment. Le renouvellement tacite du bail et des pourparlers infructueux retardent l’ouverture du musée. Aussi, de nombreux travaux de réfection sont nécessaires pour accueillir les collections. Jean-Amédée Gibert (1869-1945), ancien conservateur des musées de Marseille, en conçoit les plans. Il faudra attendre en effet dix-sept ans pour que l’établissement puisse enfin ouvrir ses portes au public, le 16 avril 1936.
Comme il est spécifié dans le testament, le musée accueillera les « tableaux, gravures, dessins, tapisseries, sculptures, meubles, et sièges anciens, bibliothèques, vitrine d’ivoires, jades, bronzes, marbres et de tous les objets d’art et de curiosité qui se trouveront à son domicile » (AD 13, 4 O 58 59).
Pour Rémy Roux, le musée Cantini représente « le Petit Palais de Marseille, le Musée d’art décoratif, d’art social » (E. E., 1936, p. 3). Telle est ainsi l’image de la collection colportée par les représentants marseillais et la presse populiste. Paul Quilici note ainsi l’existence d’un socialisme « réalisateur », qui donne au prolétariat l’accès « aux jouissances d’ordre intellectuel réservées, malheureusement jusqu’ici aux privilégiés de la fortune » (1937, p. 6).
Dès l’ouverture, les dons affluent. Mais, avant la création du musée, Jules Cantini avait déjà effectué de nombreux dons à la Ville de Marseille : le 1er février 1896, un autre le 31 janvier 1917, accepté le 12 février 1919 par le préfet des Bouches-du-Rhône, Lucien Saint (1867-1938). Des gravures et des lithographies sont aussi confiées au musée du Vieux-Marseille en mai 1912. Un dessin original de Daumier et deux tableaux de Jean-Baptiste Olive (1848-1936) complètent ce don. Seize faïences de Marseille viendront enrichir encore les collections du même musée.
Une collection ouverte
À son inauguration en 1936, la collection du musée Cantini réunit plus de 1 500 pièces ; un ensemble qui compte également sur les dons de ses amis proches, tels Philippe Jourde (1816-1905) et Nicolas Zarifi (1886-1941). La presse locale nous donne à voir un instantané de cette collection (Martin-Duby, 1936). On peut même dire que celle-ci se poursuit à titre posthume. En effet, le collectionneur requiert, dans le cahier des charges de la commission rattachée au musée, l’achat régulier d’œuvres d’artistes contemporains exposant au Salon de Paris, avec l’excédent des revenus du musée, pour une valeur annuelle de 50 000 francs (AD 13, 4 O 58 59).
Une collection éclectique
Il convient de noter le caractère tout à fait éclectique de la collection, orientée davantage vers la Renaissance italienne et française et vers le XVIIIe siècle. Des tapisseries de Beauvais représentent les fables de La Fontaine. On y trouve des panneaux signés de François Boucher (1703-1770), de Jean-Baptiste Siméon Chardin (1699-1779), d’Adriaen Van Ostade (1610-1685), mais aussi des peintures de l’artiste marseillais à la touche pâteuse, Adolphe Monticelli (1824-1886). Un cabinet réunit les dessins et gravures d’artistes régionaux. Un portrait de Molière interprété par Sébastien Bourdon (1616-1671) côtoie une tête d’enfant sculpté sur bois de Pierre Puget (1620-1694). Un bronze d’Antoine Louis Barye (1795-1875), représentant la duchesse d’Angoulême, s’avère tenu en grande estime par les commentateurs.
La collection d’objets « chinois »
La « vitrine d’objets et de vases chinois », sur laquelle débouche le visiteur après avoir monté l’escalier, passe finalement inaperçue aux yeux des critiques contemporaines (Martin-Duby, 1936). La légende est d’ailleurs fallacieuse, s’agissant d’objets de natures et de provenances diverses. Objets de curiosité et d’agrément visuel, ils ne prennent aucunement part à la décoration de l’hôtel particulier. L’inventaire comprend une centaine d’objets d’art asiatique.
Des vases et des brûle-parfum Satsuma surplombent l’ensemble. Une Gyoran Kannon est particulièrement mise en valeur. La collection de Jules Cantini montre en effet une certaine appétence pour les produits en grès de Satsuma, correspondant à un engouement général de la part des Occidentaux depuis 1878, avec l’Exposition universelle de Paris. Cet enthousiasme peut s’expliquer aussi par la teinte marmoréenne de la glaçure, évocation du marbre que Jules Cantini manipule au quotidien. Le nom de l’atelier Kinkozan, à la tête du commerce d’exportation (Klein, A., 1984), revient à deux reprises. L’une de ces œuvres se compose de motifs floraux, déclinés en douces couleurs, surlignés par des traits noirs et saupoudrés d’or (nishiki-de) sur un fond laiteux. L’autre pièce montre une scène de rue typique, décrite en médaillons sur fond noir, caractéristique de la seconde période de l’atelier.
La collection comprend également un ensemble d’ivoires japonais, avec une importance en nombre d’okimono ; ces objets se distinguant des netsuke par leur taille. Il s’agit d’objets destinés au commerce d’exportation, évoquant la vie quotidienne du Japon. Une représentation de Madame Butterfly s’avère particulièrement intéressante. Chio chio-san tient dans sa main un bateau, évocation suggestive de sa situation, délaissée portant l’enfant de son amant Pinkerton, reparti en Amérique. On rencontre des évocations de la divinité Kannon dans son aspect classique et ésotérique, des petits métiers, tel un pêcheur au cormoran, un peintre d’éventails, ou encore un vannier. L’enfance est aussi une thématique prégnante. Ces ivoires sont aujourd’hui présentés, pour la plupart, dans la bibliothèque du château Borély.
Des objets en pierre dure et tendre constituent un autre aspect de la collection. Ce qui est considéré en Chine comme du jade regroupe en réalité des pierres d’affinités différentes, telles que la jadéite, la néphrite et la stéatite. L’inventaire reprend cette terminologie générique. Il faut noter le caractère poli de ces pièces, qui les rattachent aux dynasties Ming (明) [1368-1644] et Qing(清) [1644-1911] . Des petites urnes sur piédouche, de forme archaïque, des coupes libatoires composent majoritairement cet ensemble. Une statue, remarquable par la finesse des détails, représente le Bouddha Amitayus, paré de bijoux et ceint d’une couronne, assis en padmasâna, les mains jointes en dhyâna-mudrâ.
Enfin, Cantini a une collection non négligeable de bronzes et d’émaux cloisonnés. Sous le règne de Qianlong (乾隆)[1711-1799 ; r. 1736-1795], les cloisonnés reçoivent un regain d’intérêt et constituent à partir de cette époque un élément d’exportation important. La spécificité des bronzes collectionnés se fonde sans aucun doute sur la diversité des fonds colorés. Une paire de vases de type zun (尊), développant un motif « à l’échantillon » sur fond rose, marqué par une trame de swastika wanzi wen (卐子紋), atteste d’une période récente. Une autre pièce retient l’attention de par sa taille imposante : un brûle-encens monté sur bronze, au couvercle surmonté d’un dragon, en alliage de cuivre.
Ainsi, Jules Cantini collectionne en esthète et ne se soucie pas de l’ancienneté des objets. La plupart des pièces datent du XIXe siècle et ont été produites pour l’exportation, comme l’indique leur grande taille. Force est de constater un attrait marqué pour les objets sculptés, réminiscence sans doute de la profession du collectionneur.
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