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Commentaire biographique

Ingénieur, militaire, auteur, conférencier, amateur d’archéologie, collectionneur, donateur et surtout patriote engagé, la diversité des casquettes d’Albert Louis Eugène de Dietrich (1861-1956) n’a d’égale que l’éclectisme de sa collection, reflet de toutes ces facettes de sa vie. Celle-ci commence à Niederbronn, en Alsace, le 26 août 1861. Ses parents, Sophie Louise Amélie Euphrosine de Dietrich née van der Thann-Rathsamhausen (1825-1890) et Albert Frédéric Guillaume de Dietrich (1831-1909), appartiennent à une dynastie de grands industriels dans le domaine de la métallurgie, au patronyme célèbre également grâce à certains de ses membres, à l’instar de Philippe-Frédéric de Dietrich (1748-1793), premier maire de Strasbourg chez qui la Marseillaise aurait été chantée pour la première fois, épisode fameux qui n’est pas pour rien dans les engagements politiques de la famille.

De l’Alsace à l’Amérique du Sud

À neuf ans, Albert Louis Eugène assiste à la bataille de Woerth-Froeschwiller depuis les ruines du château de Wasenburg où son père avait mis à l’abri ses enfants (Archives de Dietrich (ADD) GDD 98/1), expérience qui l’impressionne durablement (voir Dietrich A. de, 1-15 novembre 1918, p. 349). À dix-sept ans, le jeune homme est émancipé afin de pouvoir assister aux conseils d’administration de l’entreprise familiale (ADD GDD A98/13). Comme la plupart de ses ancêtres, il fait des études en vue d’être ingénieur, à l’École centrale des mines. À vingt-et-un ans, ses convictions politiques le poussent à opter la nationalité française, qui lui est accordée par décret du 14 octobre 1882 (AN BB/27/1242/3) et il doit par conséquent quitter sa terre natale et sa famille. Cet évènement marque un tournant dans sa vie puisqu’il aurait décidé, comme le baron le raconte lui-même, un voyage par-delà l’Atlantique qui l’entraine au Pérou, en Bolivie et au Chili à partir de 1888 (Dietrich A. de, s.d., p. 24-25). Il se propose alors de représenter l’entreprise en Amérique du Sud (ADD carton 97a) et se charge de la prospection en vue de la construction d’une ligne de chemin de fer à travers le désert d’Atacama, entre Antofagasta au Chili et Augusta Victoria en Bolivie dont le plan est conservé au sein des archives de Dietrich au château de Reichshoffen (ADD XIV/1-16.019). Cet exil lointain ne lui permet pas de revoir sa mère, qui décède en 1890. Durant son périple, il collecte une grande quantité d’objets archéologiques qu’il décidera de donner en 1894 au musée d’Ethnographie du Trocadéro, expliquant dans une lettre à son directeur les circonstances de leur découverte (MQB D002860/40710).

Léonardsau, le « château » d’Albert de Dietrich

La date exacte de son retour en France n’est pas connue, mais une lettre de son père atteste de sa présence à Paris au mois de septembre 1892 (ADD, s.c.). Deux mois plus tard, le 5 novembre, le jeune trentenaire se marie, à Boissy-Saint-Léger, avec Marie Louise Lucie Hottinguer (1870-1961), la fille du baron Rodolphe Hottinguer, régent de la Banque de France, appartenant à la haute bourgeoisie protestante du monde des finances à Paris (AD 94 1MI 2373). Après le mariage, le baron quitte les affaires de De Dietrich et cie. En 1897, il n’a plus aucune part dans l’entreprise (ADD A-II/2) avant d’en racheter deux en 1898, presque symboliquement, ce qui fait de lui le plus petit actionnaire et lui permet de participer aux conseils d’administration, ce qu’il fera occasionnellement. Il sera même nommé délégué des actionnaires de 1905 à 1908 (ADD Carton A-V/1), sans jamais prendre de responsabilité plus grande que celle-ci. Vivant de ses rentes, il change plusieurs fois de lieu de résidence : 20 rue Louis Legrand dans le 2e arrondissement, puis 78 rue de Monceau dans le 8e arrondissement et enfin 82 boulevard Malesherbes, à la même adresse que ses beaux-parents. Il tente à plusieurs reprises de retourner en Alsace et s’en fait expulser deux fois (ADD, s.c.). Il parvient pourtant à s’y installer à la fin des années 1890 comme en témoigne l’achat à la société Coulaux, en 1896, d’un terrain, situé à Saint-Léonard, petite commune de Boersch, dans le Bas-Rhin (Ameur M., Gressier E., Metz-Schillinger S., 2007, p. 67). Il y fait construire à partir de 1899 une maison au style néo-régionaliste, dont les plans sont confiés dans un premier temps à l’architecte Louis Feine (1868-1949) avant de connaitre plusieurs remaniements (Harster D., 1983, n.p.). La création du jardin est due à Édouard André (1840-1911), architecte-paysagiste reconnu qui a notamment participé aux plantations du parc des Buttes Chaumont à Paris (Courtois, S. de, 2020) et à son collaborateur Jules Buyssens (1872-1958), qui deviendra par la suite inspecteur des plantations de la Ville de Bruxelles (Bruyn O. de, 2017). La décoration intérieure est confiée à des artistes alsaciens, à l’instar de Charles Spindler (1865-1938). Albert de Dietrich s’investit personnellement dans le projet jusqu’aux moindres détails, comme en témoignent les lettres qu’il écrit à Charles Spindler, indécis quant à la couleur des tissus à tendre aux murs de chaque pièce, et n’hésitant pas à ajouter ses propres coups de crayon sur les plans du parc. Le domaine dans son ensemble est marqué des goûts très éclectiques de son propriétaire. Son écrin de verdure, décoré de sculptures et de mobilier d’époques diverses, se décline en différentes ambiances, depuis le jardin japonais jusqu’au ruisseau alpin, tandis que la façade de la demeure se pare de nombreux éléments de remploi et que ses intérieurs se peuplent d’objets variés. Le domaine entier sert de décor à des réjouissances témoignant de l’imagination du baron de Dietrich, à l’instar de la soirée qui eut lieu le « 21ème jour de Septembre de l’an de Grâce 1535 à neuf heures précises au Chastel de Léonardsau » durant laquelle fut jouée la légende de Sainte Odile, patronne de l’Alsace (Hébert A., 2001, vol. 2, p. 117). Albert de Dietrich donne de sa personne en interprétant des pièces de théâtre avec ses invités ou en inventant des pantomimes (Ferrari, 1905, p. 2).

Pour une Alsace française

Au début de la Première Guerre mondiale, le baron confie la garde de son « château » à Charles Spindler, son voisin, qui partage ses opinions politiques profrançaises. Fidèle à ses convictions, il s’engage dans l’armée française en tant qu’officier interprète à l’État-major de la dixième armée. Il se fait dans le même temps conférencier et rédige des opuscules de propagande dans lesquels il n’hésite pas à convoquer l’histoire de sa famille et à réarranger celle de la région pour légitimer son appartenance au territoire français. Ces petits livrets portent des titres évocateurs : Au Pays de la Marseillaise (Dietrich A. de, 1919), La création de la Marseillaise : Rouget de Lisle et Frédéric de Dietrich (Dietrich A. de, 1918), Alsaciens, Lorrains, nos frères ! (Dietrich A. de, 1918), Lorraine, Alsace… Terre promise ! (Dietrich A. de, 1918), traduit en anglais (Dietrich A. de, 1918), et enfin Alsaciens, corrigeons notre accent (Dietrich A. de, 1917). Il obtient plusieurs décorations récompensant son engagement : la croix de guerre d’abord, puis la légion d’honneur par décret du 12 juillet 1919 (AN 19800035/137/17382). Malgré son occupation constante durant tout le conflit par plusieurs états-majors, tantôt wurtembergeois, tantôt prussien, et même hongrois (Spindler C., 2008, p. 56-57 et 764-765), et l’annonce de sa liquidation comme bien d’émigré (AM Strasbourg 78Z86), la Léonardsau est retrouvée par son propriétaire au retour de l’Alsace à la France.

Mais l’engagement du baron ne s’arrête pas avec la guerre. Le 14 juillet 1922, il prend la parole en tant que président du comité de la Marseillaise, à l’occasion de l’inauguration du monument de la Marseillaise sur la place Broglie à Strasbourg (BNF, EI-13 2721 et EI-13 918), sculpté par Alfred Marzolff (1867-1936), artiste appartenant au cercle de Saint-Léonard. Les donations d’Albert de Dietrich aux musées de Strasbourg en 1924, 1929 et 1930, sont à regarder également comme des gestes engagés, alors que les collections ont été fortement endommagées durant les deux dernières guerres et que les conservateurs, à l’instar du charismatique Hans Haug (1890-1965), cherchent à en regarnir les cimaises. L’enjeu vise également à rattraper le retard pris dans l’acquisition d’œuvres françaises et alsaciennes après presque cinquante ans de politique culturelle centrée sur l’Allemagne (Office municipal de statistiques de Strasbourg, 1935, p. 915). Ces donations interviennent aussi au moment de travaux effectués à la Léonardsau et de l’apparition de nouvelles adresses du baron de Dietrich dans les Bottins mondains. On y apprend ainsi qu’il possédait une demeure à Strasbourg, 1 rue Joseph Massol et, dans les années 1930, la villa Araucaria à Cannes, avenue de Bénéfiat. Très différent des goûts exprimés par lui à la Léonardsau, le bâtiment est de style Art déco, imaginé par les architectes Emile Molinié, Charles Nicod et G. de Montaut pour le compte de la Société Française Immobilière en 1925 (Fray F., 2007).

Lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, le baron a près de quatre-vingts ans. Alors que la glorieuse statue de La Marseillaise est détruite par une organisation de jeunesse nazie, une partie de sa collection est saisie. Il aura toutefois le temps de mettre des œuvres à l’abri dans les caves du château de la famille d’Andlau (Goepp J.-C., 2009, p. 15), ses amis de longue date. Preuve s’il en est de son acharnement à protéger sa collection, le témoignage, recueilli par Annabelle Hébert et malheureusement non retranscrit, de Mme Welker, employée de maison à la Léonardsau dans les années 1950, relatant la découverte, plusieurs années après la fin du conflit, d’une statue de sainte cachée derrière la paroi d’un mur (Hébert A., 2001, vol. 2, p. 54). À la fin de la guerre, Albert de Dietrich récupère l’essentiel de sa collection, pour une grande part envoyée dans les musées de Strasbourg qui, redevenus français, profitent de deux nouvelles donations en 1950 et 1952. En revanche, le baron doit se séparer de la Léonardsau, trop éprouvée par la guerre, durant laquelle elle hébergea une annexe de la Nachrichtenschule SS d’Obernai ainsi qu’une crèche (Braun J., 1974, p. 158). Son nouveau propriétaire ne semble pas avoir été choisi au hasard puisqu’il s’agit du général Raymond Gruss (1893-1970), vétéran de la Première Guerre mondiale, commandant, durant la Seconde, d’une division blindée lors du débarquement de Provence en août 1944 (Braun J., 1974, p. 158). La demeure, en très mauvais état, est aujourd’hui la propriété de la ville d’Obernai. Le baron de Dietrich décède quant à lui le 25 avril 1956 au 82 boulevard Malesherbes à Paris, léguant au musée historique de Strasbourg quelques souvenirs de famille. Lucie de Dietrich perpétue la mémoire de son époux en effectuant à son tour plusieurs donations en son nom entre 1959 et 1961.

Constitution de la collection

À l’instar d’un grand nombre de collections, l’ensemble réuni par Albert Louis Eugène de Dietrich n’est plus envisageable dans son intégralité aujourd’hui. Les indices permettant d’en reconstituer la composition sont rares en dehors des inventaires des musées auxquels le baron et la baronne ont souhaité confier certains objets, dont le nombre s’élève à un peu plus de 220 numéros. Ils se trouvent aujourd’hui dispersés entre le musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris, héritier du musée d’Ethnographie du Trocadéro, le musée municipal de Saint-Dizier et huit musées strasbourgeois (musée Zoologique, musée Archéologique, musée Historique, musée des Beaux-arts, musée des Arts décoratifs, cabinet des Estampes, musée de l’Œuvre Notre-Dame et musée d’Art moderne et contemporain). L’ensemble est caractérisé par un éclectisme à tous les niveaux, depuis la typologie des objets collectionnés, leurs usages et leurs matériaux de fabrication jusqu’à leur aire géographique d’origine et leur période chronologique de création. Elle comprend aussi bien des peintures sur toile, sur bois, sur papier ou sur soie, des dessins et des estampes, que des céramiques (faïence, porcelaine, grès, terre cuite), de la verrerie, de la sculpture en marbre, bronze ou plâtre, du mobilier archéologique fait de bois, d’os, de verre, de vannerie ou de calebasses, des éléments de costumes en tissus et même des restes humains. Comme une collection autour du monde, elle fait autant de cas de l’art populaire régional alsacien que d’objets aux provenances aussi diverses que la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre, l’Espagne, la Grèce, la Syrie, la Palestine, le Chili, la Perse et la Chine. Quant à son amplitude chronologique, elle couvre une période allant de l’Antiquité au XXe siècle (Weinling M., 2015, vol. 2, p. 68-123).

Les momies de Chiu-Chiu et leur trousseau

Bien que la chronologie de la constitution de la collection demeure lacunaire, son caractère très personnel permet de relier un certain nombre d’objets à des évènements ou des périodes spécifiques de la vie du baron. En premier lieu, les artefacts chiliens semblent avoir constitué une collection de jeunesse à part. Rassemblée entre 1888 et 1891 ou 1892, elle a été donnée dès 1894 au musée d’Ethnographie du Trocadéro. Les objets qui la composent, exhumés des sables du désert d’Atacama « sous [s]es yeux » (MQB D002860/40710), proviennent, selon les dires du baron, de deux tombes situées à proximité du village de Chiu-Chiu. Elles contenaient deux momies, l’une d’homme, l’autre de femme, entourées d’objets de la vie quotidienne tels que des vêtements, des sandales, des poteries remplies de maïs, des paniers, des cuillères, des arcs avec leurs carquois et leurs flèches et des éléments de métier à tisser ou d’attelage, formant un ensemble d’environ 54 numéros conservés actuellement au musée du Quai Branly (inv. 71.1897.9.1 à 71.1897.9.54).

Souvenirs de famille

Dans un deuxième temps viennent les souvenirs familiaux, transmis à Albert Louis Eugène par sa famille. Ils appartiennent souvent au XVIIIe siècle, âge d’or des de Dietrich, qui voit Jean III Dietrich (1719-1795) être anobli par le roi Louis XV et obtenir de l’empereur François Ier le diplôme de baron du Saint-Empire (Hau M., 2005, p. 21) et Philippe Frédéric de Dietrich accéder à la fonction de maire de Strasbourg en 1790 et participer à la création de la Marseillaise (Hau, 2007, p. 67). Ce dernier personnage est souvent évoqué parmi ces reliques de famille, à l’instar du portrait en miniature de son épouse, Louise Sybille de Dietrich née Ochs, daté de 1778 (musée historique de Strasbourg, inv. MH 2976) ou d’une gravure de Jean-Henri Eberts (1726-1793) d’après François Boucher (1703-1770) intitulée Le tribut de la reconnaissance et dédiée « à M. le Baron de Dietrich » (cabinet des Estampes de Strasbourg, inv. LIX.43). Le réticule franc-maçonnique remis à Strasbourg, en 1805, par la baronne de Dietrich à l’Impératrice Joséphine, à l’occasion de son admission à la Loge de la Vertu (musée Historique de Strasbourg, inv. MH 2978) se trouve également au nombre des objets confiés au musée. Ils sont vraisemblablement arrivés dans la collection relativement au début de sa constitution, mais sont aussi inversement parmi les derniers à intégrer les collections publiques, probablement pour des raisons sentimentales, lors du legs consenti par le baron en faveur des musées de Strasbourg remis par Lucie de Dietrich en 1959 et des donations que celle-ci continua après la mort de son époux. Albert Louis Eugène de Dietrich s’inscrit lui aussi dans l’histoire de sa famille en donnant des artefacts qui lui sont liés personnellement, à l’exemple de médailles éditées à l’occasion de l’érection du monument de la Marseillaise représentant Rouget de Lisle (Musée Historique de Strasbourg, inv. 1413 à 1415) ou de son costume militaire porté durant la Première Guerre mondiale (Musée Historique de Strasbourg, inv. CFK 1484 et 2199) ainsi que ses décorations qu’il confia au collectionneur Fritz Kieffer (1854-1933) pour son « musée du Souvenir national », réunissant des uniformes portés par des Alsaciens du XVIIIe siècle à la période contemporaine, légué au musée Historique de Strasbourg à sa mort en 1933 (Schnitzler B., 2009, p. 192).

Albert de Dietrich et Florine Langweil : la passion commune de deux patriotes pour l’art asiatique

Une troisième catégorie dominante au sein de la collection concerne l’art extrême-oriental, presque exclusivement chinois, qui représente 20 % des objets donnés aux musées par le baron de Dietrich. Son goût pour ce type d’œuvres est à rapprocher de sa rencontre avec la marchande Florine Langweil (1861-1958) chez qui il se fournit en grande partie, comme l’attestent les inventaires des musées de Strasbourg mentionnant régulièrement cette provenance pour des achats réalisés aux alentours de 1910. Les deux protagonistes ont en commun, outre leur âge, leur origine alsacienne et leur résidence à Paris, leurs fortes convictions profrançaises issues d’un héritage familial et leur engagement personnel pour la refrancisation de l’Alsace. Dans leurs actions en tant que collectionneurs, ils effectuent des dons d’objets similaires, aux mêmes institutions, parfois à quelques mois d’intervalle seulement, comme mus par un sentiment d’émulation. Ainsi, les premières libéralités consenties par Albert de Dietrich aux musées alsaciens redevenus français concernant, en 1924, un ensemble de vingt-six miniatures persanes (voir à ce propos Panozzo L., 2019), adviennent à la suite de la donation de trois œuvres équivalentes par Florine Langweil peu de temps auparavant (AM Strasbourg 5MW233). Les goûts des deux collectionneurs, s’ils ne suivent pas toujours les mêmes inclinations, présentent plusieurs points communs comme une nette préférence pour les objets chinois et un intérêt partagé pour la peinture sur soie et la céramique. Cette dernière est particulièrement présente au sein de la collection de Dietrich sous la forme de tuiles faîtières et de statuettes, et notamment un mingqi figurant un cavalier, de l’époque Fang au VIIIe siècle (musée des arts décoratifs de Strasbourg, inv. XXIX/115). Les peintures sur soie, figurant des paysages animés, des portraits et des scènes bouddhistes, s’y trouvent également nombreuses. Le matériau bronze est en revanche très peu présent avec seulement deux objets, dont un brûle-parfum en forme d’animal fabuleux rappelant un chien ou un lion de Fo, daté de l’époque Ming au XVIe siècle. Le baron ne semble pas cependant avoir partagé le goût de sa compatriote pour les objets en laque.

Moins exclusif que Florine Langweil, Albert de Dietrich n’hésite pas à mêler l’art asiatique à d’autres objets, notamment du XVIIIe siècle européen, et recherche davantage un effet décoratif, n’excluant pas les copies. Si le lieu d’exposition de ces objets est difficilement identifiable entre les différentes demeures du couple de Dietrich, certains d’entre eux sont reconnaissables sur des cartes postales et photos représentant la Léonardsau et ses intérieurs (Archives familiales Spindler, s.c.), mentionnée également comme provenance de certaines œuvres comprises dans la donation de 1950, au moment de la vente du domaine. Les travaux qui y sont effectués dans les années 1920 font également supposer que l’ensemble abandonné aux musées à cette période est aussi issu de sa décoration. Art du XVIIIe siècle et arts orientaux et extrême-orientaux de toutes les époques ont vraisemblablement cohabité dans cette demeure, servant de décor à des fêtes, à l’exemple de cette soirée de 1925 où se mêle une « élégante variété de costumes orientaux à côté de marquis et marquises poudrés dans les habits de cour de l’ancien régime » (« Les Mondanités », 1925, p. 2). Cet évènement laisse entrevoir également la part de rêve que représente l’Orient en général pour le baron, comme en témoigne à leur manière, toujours dans le domaine du travestissement, un ensemble de dessins de Léon Bakst (musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg, inv. 1206 à 1208 et 1212 à 1214), souvenirs d’une soirée mémorable de 1913 passée en compagnie des Ballets Russes dans un jardin parisien éclairé par des ampoules électriques multicolores (Vignaud, Bertrand du, 2003, p. 10).