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Estampe d'Utamaro représentant une sauterelle posée sur un tuteur au milieu de fleurs roses et violettes.

POIRIER Simon Philippe (FR)

Commentaire biographique

Né vers 1720, Simon Philippe est le fils de Simon Poirier, marchand mercier, et d’Anne-Marguerite Levesque. Ses parents tiennent une boutique rue des Fossés-Saint-Germain-l’Auxerrois et la famille de sa mère appartient à une dynastie d’orfèvres. Concernant l’activité de son père, celui-ci participe en 1724 à l’évaluation des biens du défunt Philippe d’Orléans (1674-1723), régent du royaume de France (AN, Xia 9166). Son frère François Alexandre est également marchand mercier et la fratrie compte aussi deux sœurs, Anne Madeleine et Françoise Anne.

Son milieu familial est fortement ancré dans le commerce parisien et, plus particulièrement, celui des marchands merciers, comme en témoignent les signatures de ses parents et amis commerçants portées sur son contrat de mariage (AN, MC, ET/CXVII/756). Simon Philippe est encore mineur quand il se marie le 9 novembre 1742, il habite alors rue Saint-Honoré, paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois, chez son oncle, le marchand Thomas Joachim Hébert (1687-1773). Sa jeune épouse Marguerite Madeleine est la fille du marchand mercier Michel Hécéguère (vers 1723-1753). Simon Philippe Poirier s’associe à son beau-père, il entre alors dans la corporation des marchands merciers et il déménage pour s’installer chez sa belle-famille rue Saint-Honoré, « À la Couronne d’Or ». Au milieu du XVIIIe siècle, ce quartier, à proximité immédiate du Louvre, est un lieu incontournable pour le commerce des articles de grand luxe, et d’autres enseignes concurrentes de marchands importants y tiennent des boutiques : Lazare Duvaux (vers 1703-1758), Julliot, Dulac, Bazin.

Au décès de Michel Hécéguère, en juin 1753, Simon Philippe Poirier reprend seul l’activité de la Couronne d’Or. Cinq ans avant la cession de son commerce en avril 1777, il décide, au mois de mai, de s’associer avec son cousin par alliance Dominique Daguerre (vers 1740-1796). Simon Philippe Poirier décède, vraisemblablement sans descendance, le 29 août 1785 rue de l’Éperon, paroisse Saint-André-des-Arts (AN, MC, ET/CXVIII/627) ; son épouse lui survit quelques années.

Constitution de la collection

Suivant l’accord passé lors de son association avec son beau-père le marchand Michel Hécéguère, Simon Philippe Poirier partage pour moitié les bénéfices de l’affaire. Poirier est seul à diriger la boutique à partir de 1753 et il continue d’offrir un choix conséquent à ses clients parmi des meubles en bois de placage ou vernis, des bronzes d’ameublement, des laques de Chine et du Japon, des porcelaines de Saxe, de Chantilly, de Vincennes-Sèvres et d’Extrême-Orient. L’enseigne À la Couronne d’Or devient le plus important magasin de la capitale quant à la qualité et la préciosité des pièces vendues. Il est cité dans les Tablettes royales de renommée, en 1772 : « Poirier, rue St Honoré, vis-à-vis l’Hôtel d’Aligre, tient un des plus superbes magasins de porcelaine, glaces, bras, lustres, feux dorés, ébénisterie et curiosités. » Son renom lui permet de développer une clientèle considérable à Paris et à l’étranger.

Pour fabriquer du mobilier de grand luxe, il fait travailler les meilleurs ébénistes tels que Bernard II Van Risen Burgh (B.V.R.B.) (vers 1700-1766), Joseph Baumhauer (?-1772), Vandercruse dit La Croix père (1728-1799), Martin Carlin (vers 1730-1785). Devenu l’un des clients majeurs de la manufacture royale de porcelaine de Sèvres et son principal revendeur à Paris, il a eu l’idée de commander des porcelaines spécialement fabriquées pour être agrémentées de bronze doré et des plaques pour garnir certains meubles, dont il obtient un quasi-monopole à partir de 1758. De petites tables ou des chiffonnières munies d’un plateau en porcelaine cèdent rapidement la place à des meubles plus sophistiqués : commodes, secrétaires, bonheurs-du-jour, coffres à bijoux, et même écritoires et pendules. Poirier n’en néglige pas pour autant la vente d’importants meubles en laque, le plus souvent avec des panneaux japonais, comme en atteste la livraison, en 1766, d’une majestueuse commode destinée au marquis de Marigny (1727-1781) pour la somme de 4 000 livres (collection particulière).

Poirier a atteint une notoriété qui attire chez lui les plus grands acheteurs : la famille royale, dont le comte de Provence, le comte et la comtesse d’Artois, la duchesse de Villeroy, le prince de Condé, le maréchal de Soubise, la maréchale de Mirepoix, le comte de Cobenzl ou encore l’administration royale des Menus-Plaisirs à l’occasion de cérémonies particulières. En 1770, le colonel de Saint-Paul, un diplomate anglais en poste à Paris, note dans son carnet d’adresses : « Poirier, rue Saint-Honoré a toujours un très beau choix mais très cher », ce qui n’empêche pas certains Britanniques de se fournir directement chez lui, comme George William comte de Coventry (1722-1809) et Horace Walpole (1717-1797) dans les années 1760. Il joue également un rôle d’expert à l’occasion de la réalisation d’inventaires après décès et il contribue à la rédaction de plusieurs catalogues de ventes aux enchères, dont celui de la vente Louis Jean Gaignat (1697-1768) en 1769.

L’une des grandes clientes de Poirier fut Louise Jeanne Durfort de Duras, duchesse de Mazarin (1735-1781), qui se procure pour la décoration de son hôtel quantité de pièces en porcelaine de Sèvres, des objets montés en porcelaine orientale, des laques et divers meubles d’ébénisterie. Certains de ses achats sont aussi destinés à honorer d’un présent sa famille et ses amis proches.

La dernière favorite de Louis XV, Jeanne Bécu, comtesse du Barry (1743-1793) est aussi l’une des meilleures clientes de Poirier. Chez lui, entre 1768 et 1774, elle dépense près de 100 000 livres pour de superbes commodes en laque, dont celle réalisée avec la collaboration de l’ébéniste Martin Carlin conservée au Fine Arts Museums of San Francisco (Legion of Honor, 1931.145). Elle achète un grand nombre de pièces en porcelaine de Sèvres, des garnitures de vase, des lustres, différents bronzes d’ameublement qu’elle place à Versailles ou dans sa propriété de Louveciennes.

Alors qu’il a largement contribué à fournir les cabinets des grands amateurs de pièces chinoises ou japonaises, l’inventaire après décès de Simon Philippe Poirier, dressé en 1785 (AN, MC, ET/CXVIII/627), ne fait état d’aucune collection d’art asiatique, ni d’aucun stock de marchandises à son domicile. Il s’est retiré définitivement de son commerce en 1777, au profit d’un de ses parents, le marchand mercier Dominique Daguerre (vers 1740-1796).