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Commentaire biographique

Rien ne prédispose Marie Leszczyńska, née le 23 juin 1703 à Trzebnica (Pologne, région de Basse-Silésie), à devenir reine de France. Elle est la seconde fille de Catherine Opalińska (1680-1747) et de Stanislas Ier Leszczyński (1677-1766), roi déchu de Pologne (règne 1704-1709 et 1733-1736), contraint de céder son trône à l’électeur de Saxe Auguste II. Avec sa sœur Anne, née en 1699, Marie Leszczyńska et ses parents ont trouvé refuge à Wissembourg (Alsace) en 1719. Sa gloire passée autorise son père à envisager pour elle une union avec un grand personnage. Après avoir refusé le marquis de Courtenvaux, petit-fils du ministre Louvois et capitaine des Cent-Suisses, il envisage le fils de la margrave de Bade mais se voit éconduire. Humilié par cet affront, il a la surprise d’une proposition de mariage avec Louis-Henri de Bourbon (1692-1740), chef de la maison de Condé. En réalité, l’histoire prend un tout autre tour. C’est, non pas une alliance de sang royal, mais une union avec le roi de France, lui-même, qui attend la jeune Marie Leszczyńska. En 1723, la disparition de Philippe d’Orléans (1674-1723), régent du puissant royaume de France, fait craindre la consécration de la branche cadette. En effet, si Louis XV venait à disparaître sans descendance, l’héritier du trône de France serait le fils du défunt régent. Or, Louis XV, jeune roi âgé de 13 ans, est alors, par politique, fiancé à une enfant de 7 ans, l’infante d’Espagne Marie-Anne Victoire de Bourbon (1718-1781). Il faut d’abord rompre cette alliance au risque d’un incident diplomatique. Conseillé par le cardinal de Fleury (1653-1743), son ancien précepteur, et le duc de Bourbon (1692-1740), Premier ministre depuis la mort du régent, le jeune roi accepte sans mal qu’on renvoie la fille de Philippe V d’Espagne (1683-1746) dans son pays. Le duc de Bourbon, avec l’aide de sa maîtresse, Jeanne-Agnès Berthelot de Pléneuf marquise de Prie (1698-1727), se met alors en quête d’une princesse catholique, de sang royal et capable de mettre rapidement au monde un dauphin. Une seule princesse réunit tous ces critères, Marie Leszczyńska. Ainsi, fille d’un roi détrôné, celle-ci s’unit à Louis XV le 5 septembre 1725, dans la chapelle de la Trinité du château de Fontainebleau. Elle a 22 ans, sept de plus que le souverain. Devenue reine de France, elle se plie immédiatement aux impératifs du cérémonial de sa fonction royale. Entre 1727 et 1737, elle donne naissance à dix enfants. Dans le cadre privé, elle mène une existence simple, dénuée d’intrigues, avec sa famille et un cercle d’amis intimes qui partagent ses goûts pour les lettres, la musique, et les jeux. Chaque jour, la reine se retire plusieurs heures pour méditer, prier et effectuer des travaux d’aiguille. Elle perfectionne son éducation artistique et pratique la peinture avec l’aide d’Étienne Jeaurat (1699-1789), son « teinturier », peintre du Cabinet du roi, qui la conseille et l’aide à copier les tableaux de ses artistes préférés. La très chrétienne reine visite régulièrement le pensionnat pour jeunes filles issues de la noblesse pauvre de Saint-Cyr, créé par Louis XIV (1638-1715) et Mme de Maintenon (1635-1719). Elle protège les hospices, les dispensaires, les fondations charitables et s’intéresse particulièrement au carmel de Compiègne. Elle aide encore, sur sa cassette propre, le curé de Saint-Sulpice à créer la maison de l’Enfant-Jésus, où sont élevées des jeunes filles pauvres et où des femmes trouvent la ressource d’un travail. Elle soutient aussi les œuvres des filles de Saint-Vincent-de-Paul et la dévotion toute nouvelle au Sacré-Cœur de Jésus, par l’établissement d’une de ses confréries à la paroisse de Notre-Dame à Versailles. Enfin, elle finance, non loin du château, la construction du couvent de la reine (actuel lycée Hoche à Versailles). Jamais aucune reine de France ne s’attache autant à soulager la misère. Elle préfère le cadre de vie versaillais aux autres résidences royales. Elle passe près de quarante-trois ans au château de Versailles, et elle est ainsi la souveraine à avoir le plus longtemps partagé la vie de la cour. La reine décède à Versailles, le 24 juin 1768, son corps est inhumé à Saint-Denis et son cœur transporté à Nancy pour reposer auprès de ses parents.

Constitution de la collection

La reine Marie Leszczyńska éprouve une attirance profonde pour l’Asie, et plus particulièrement pour la Chine. Elle s’avère être une véritable collectionneuse et commanditaire de décors d’inspiration exotique pour ses appartements privés de Versailles. À l’occasion d’une nouvelle campagne de travaux, en 1747-1748, elle fait aménager un cabinet oriental tapissé de papier peint « des Indes », c’est-à-dire à décor chinois. Quelques années plus tard, en 1761, elle s’adresse aux Bâtiments du Roi et décide de le faire remplacer par des lambris neufs ornés par un ensemble de toiles peintes exécutées par cinq peintres du Cabinet du roi (Coqueret, Frédou, de La Roche, Prévost et Jeaurat), ainsi que par elle-même, peintre à ses heures. Le témoignage de Mme Campan, lectrice des filles de la reine, minimise toutefois l’implication de la royale artiste : « [La Reine] ne s’était réservé que les draperies et les petits accessoires. » Les toiles de ce nouveau Cabinet des Chinois révèlent le goût extrême-oriental de la souveraine. Elles montrent une Chine pittoresque, inspirée des recueils de voyageurs. On y découvre, notamment, la préparation du thé, on y évoque l’évangélisation des Chinois par les jésuites, on y montre une foire à Nankin. Architectures, costumes et paysages y sont décrits avec minutie ; la perspective à vue d’oiseau s’inspire de la peinture chinoise. Par testament, la souveraine lègue ces toiles à sa dame d’honneur, la comtesse de Noailles (1729-1794), la priant de les conserver « par amour d’elle ». L’acceptation du legs entraîne de fortes dépenses, et les Noailles demandent en dédommagement les boiseries et les miroirs de la pièce. La dame d’honneur rétablit ainsi le Cabinet dans son état originel, dans un pavillon du parc de l’hôtel de Noailles-Mouchy, à Paris. Le Cabinet des Chinois demeure chez les descendants de Mme de Noailles jusqu’à son acquisition par le château de Versailles en 2018. En matière d’arts décoratifs, au sein de la famille royale, la reine est la première à bénéficier d’une commode plaquée de panneaux en laque du Japon à fond noir. Livrée le 26 septembre 1737 pour son cabinet de retraite au château de Fontainebleau, cette commode aujourd’hui conservée au musée du Louvre (OA 11193) a été fournie par le marchand mercier Thomas Joachim Hébert (1687-1773), avec la collaboration de l’ébéniste Bernard II Van Risen Burgh (AN, O1 3312, fol. 92 v°-93, n° 1115). Le 22 juin 1748, Hébert livre pour la chambre de la reine dans son appartement des Carmélites de Compiègne, une commode « de bois vernis des Indes fond noir à fleurs et branchages d’or, dans un compartiment fond d’argent » (AN, O1 3314, fol. 90, n° 1461). Pour accompagner cette commode, le marchand Lazare Duvaux (vers 1703-1758) vend deux encoignures « à jour de laque rouge à filets » et une « tablette à livres, à jour sur les côtés, de laque rouge et filets noirs » (AN, O1 3314, fol. 90 v° et 91). L’ébéniste du Garde-Meuble de la Couronne, Gilles Joubert (1689-1775), procure pour la chambre de la reine à Fontainebleau en 1755 deux commodes en « laque de la Chine fond noir à figures et fleurs du pays » (AN, O1 3316, fol. 77 v°, n° 2017). À Versailles, aucun meuble en laque important ne semble avoir orné ses appartements, sauf dans son Cabinet des Chinois, où sont décrits, lors de son inventaire après décès, un « guéridon à deux étages façon de laque travaillé à la grecque » et une « chiffonnière de laque […] dont tous les bords sont dorés ». Le goût raffiné de Marie Leszczyńska pour les objets en laque l’incite à collectionner les pièces importées du Japon, renommées pour leur grande qualité, dont certaines qui sont acquises auprès du marchand Lazare Duvaux. Le 19 novembre 1749, elle se procure « une boête de lacq que l’on a faite de deux caisses, doublées de lacq aventurine en dedans, garnie de ferrure en cuivre doré d’or moulu » à 144 livres (Courajod L., 1873, n° 347). Elle dépense 1 512 livres, le 28 décembre 1758, pour « une très belle cassette de lacq garnie en or » et 600 livres pour « deux pots-pourris de lacq montés sur des oiseaux » (Courajod L., 1873, n° 3305). Louis XV sait que la reine apprécierait pour les étrennes du Nouvel an son cadeau constitué d’une « Tablette d’un très beau laque […] contenant une chiffonnière à quatre compartiments, deux petits tiroirs et un magot du plus beau laque » trouvée en 1768 dans le cabinet intérieur de la reine. L’inventaire après décès de la reine fait état d’une quinzaine de pièces en laque, parmi lesquelles figurent plusieurs plateaux : « un plateau en feuille de vigne, portant un gobelet du Japon doublé d’or avec une cuillère d’or », un autre supportant une « petite coupe de cornaline montée en or », un « de lacq rouge sur lequel il y a tasse, soucoupe, couvercle et sucrier de porcelaine blanche ». Les marchands merciers lui ont fourni plusieurs pots-pourris en laque, dont un reposant sur un plateau de porcelaine, et « un assez beau pot-pourri d’ancien laque à grille ». Elle possède aussi plusieurs coffrets et boîtes, dont la plus précieuse consistait en « une boîte du plus beau laque à quatre pans arrondis, contenant cinq petites boîtes de justesse aussi du plus beau laque ». Comme les autres grands amateurs de son temps, Marie Leszczyńska collectionne des porcelaines d’Extrême-Orient proposées par les marchands parisiens qui les faisaient agrémenter de montures en bronze doré. Dans sa chambre à coucher de Versailles, sont exposés « huit vases bleu turc et or, deux grands rouleaux de porcelaine du Japon, deux chats montés sur des pieds d’or moulu, deux aiguières du Japon montées en or moulu ». Son inventaire après décès énumère aussi, dans ses cabinets privés, deux « vases Japon pots-pourris fonds vert, montés en or moulu », « un grand pot-pourri Japon vert à fleurs en relief », ou ces « deux pots-pourris à anse en grille en or moulu à six pans du plus beau Japon en rocaille ». On y trouvait aussi des pagodes, comme ces « deux pots-pourris en mappemonde, ancien Japon, magot chinois » ou ce « petit groupe de 4 figures blanches du Japon antique », en réalité sans doute issu des fours chinois de Dehua. Dans son boudoir, la reine possède la « figure d’un chinois tenant un coq » et de quelques félins : tigre et chat. D’un goût plus ancien, les « deux grands chandeliers du Japon montés en argent », comme la « petite pendule en Japon montée en or et argent » correspondent probablement aux toutes premières pièces acquises par la reine. Parmi les présents faits par le roi à son épouse, figure un nécessaire destiné à la consommation du thé et du chocolat préservé dans un coffret marqueté de palissandre. Offert à l’occasion de la naissance du dauphin, quatrième enfant et premier fils du couple royal, né le 4 septembre 1729, Marie Leszczyńska dispose ce nécessaire dans ses cabinets intérieurs. Prisées en Occident depuis la fin du XVIIe siècle, les boissons exotiques, thé et chocolat, se dégustent après une minutieuse préparation. Cet ensemble comprend plusieurs pièces d’orfèvrerie en argent doré marquées du poinçon de l’orfèvre Henri-Nicolas Cousinet (?-v. 1768), reçu maître en 1724, et six pièces en porcelaine de Chine et du Japon à décor « Kakiemon ». Il s’agit d’un parfait exemple des créations réalisées sous la direction des marchands merciers parisiens qui aiment associer des matériaux divers et sont à l’origine des inventions les plus raffinées du XVIIIe siècle. Les armes gravées de France et de Pologne partiellement effacées accompagnent l’ornementation ciselée des montures de goût rocaille, avec des roseaux, coquillages et dauphins qui évoquent le monde marin. Lorsque Marie Leszczyńska s’éteint à Versailles en 1768, le nécessaire figure dans son Grand Cabinet. Ce service est légué à la comtesse de Noailles, duchesse de Mouchy, l’une des dames d’honneur de la reine. Ce précieux ensemble entre au musée du Louvre en 1958 (OA 9598).