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Commentaire biographique

Jean-Baptiste Thomas Médée Cécille est un amiral français né le 16 octobre 1787 à Rouen (Seine-Maritime) et mort le 9 novembre 1873 à Saint-Servan (Saint-Malo, Ille-et-Vilaine). Il est inhumé au cimetière monumental de Rouen.

Officier dans la Marine qui obtient le grade de vice-amiral en 1847, Jean-Baptiste Cécille est notamment chargé, en tant que responsable de la flotte française en mer de Chine, de préparer, avec Adolphe-Philibert Dubois de Jancigny (1795-1860), la mission Lagrené (1843-1846) qu’il accompagne en Chine et en Asie du Sud-Est lors des négociations du traité de Whampoa (24 octobre 1844). En 1846, il est le premier Français à aborder aux îles Ryūkyū et tente sans succès de débarquer dans la baie de Nagasaki. Il est nommé grand officier de la Légion d’honneur le 3 mai 1849 (AN, LH//460/19) et, dès cette époque, se reconvertit dans la politique. Il fait deux mandats de député sous la Deuxième République, entre 1848 et 1852 (Robert A., 1889-1891). Soutien de Louis-Napoléon Bonaparte, il devient sénateur en 1852.

Constitution de la collection

Lors de ses voyages dans le Pacifique, en 1839 et 1844, l’amiral Cécille effectue divers envois à destination des musées français. En 1839, le Museum d’histoire naturelle de Rouen reçoit notamment la superbe proue d’une pirogue sculptée prise à un chef des îles Chatham (Nouvelle-Zélande) après un incident violent entre indigènes et baleiniers français, puis en 1844, plusieurs autres objets (Boulay R., 2012, p. 25-27). Le 9 septembre 1844, des caisses envoyées par Cécille de Macao arrivent au Havre. Elles contiennent des objets destinés au roi, au musée de Sèvres et au musée naval (trois caisses contenant des modèles de bateaux sont actuellement non localisées) ainsi que des livres pour la Bibliothèque royale (AN, Z8, 9 septembre 1944). Le musée national de la Marine conserve,en outre – envoyés par l’amiral Cécille et reçus le 27 décembre 1845 –, deux fauconneaux montés sur pivot, longs de 116 cm, armes de guerre prises à Maluzo (île Basilian, archipel de Soulou, Malaisie) dans la demeure d’un chef de pirates, à la suite de l’expédition de la corvette La Victorieuse pour venger la mort d’un officier et d’un matelot français.

À sa mort, il lègue au musée des Beaux-Arts de Rouen, où ils entrent en 1875, un paysage au fusain de Mme Lalanne et six peintures : Glaneuse et Rigolette de Joseph-Désiré Court (1797-1865) ; Soleil couchant (île de Wight) et Après l’orage (près d’Hastings) de Friedrich Fritz Hildebrandt (1819-1885) ; Attaque de pirates malais (disparu en 1964) et La Frégate L’Érigone d’Auguste Mayer (1805-1890), ces deux tableaux, liés à la carrière de l’amiral Cécille, étant sans doute des commandes.

La collection constituée lors de son séjour en Chine au moment de la mission Lagrené, riche en objets proches de ceux rapportés par les délégués commerciaux de cette mission, reste dans sa famille et est léguée au musée des Beaux-Arts de Brest par son gendre François-Auguste Danguillecourt (1819-1913) qui a effectué la majeure partie de sa carrière de commissaire de marine à Paris. Elle est inventoriée à Brest en 1914 (s. c., legs Danguillecourt, collection du vice-amiral Cécille, 1914) et contient plus de cinq cents objets. Évacuée pendant la Seconde Guerre mondiale, elle échappe à la destruction de ce musée et n’est remise en valeur que lors de l’exposition « Brest-Asie » en 2004 (Brest-Asie. Regards sur une collection, 2004). Elle contient aussi des objets et livres japonais, pour la plupart acquis en Europe, soit par Cécille, soit par son gendre, notamment de nombreux volumes de la Manga de Hokusai 葛飾 北斎 (1760-1849) ou des livres illustrés de Kyosai 河鍋 暁斎 (1831-1889).

Dans la collection réunie en Chine au moment de la mission Lagrené, se trouve une tabatière à quatre tiroirs en laque noire, décorée, en nacre de couleur, de paysages avec des maisons japonaises à l’extérieur et de fleurs à l’intérieur (L’Or du Japon, 2010, n° 10, repr. ; À l’aube du japonisme, 2017, n° 22, repr. ; Lacambre G., 2018, p. 85, fig. 23, repr.), dont on sait, par une note manuscrite, qu’elle lui a été offerte à Canton par San-tsé-tchen, un des collaborateurs de Qi-ying (1790-1858), le négociateur chinois du traité de Whampoa en 1844.Par comparaison avec une tabatière de même style rapportée par la mission Lagrené, classée parmi les laques du Japon lors de son entrée en 1849 au musée de la Marine au Louvre et conservée au musée du quai Branly-Jacques Chirac (À l’aube du japonisme, 2017, n° 21, 22, repr.) il s’agit de l’un de ces objets japonais disponibles sur le marché de Canton. Il en est de même d’une pipe et son étui (Brest-Asie, 2004, p. 4, repr.), d’un bol à couvercle en laque rouge à l’intérieur et vert foncé à décor doré à l’extérieur ; un bol japonais semblable, déposé à La Rochelle, a pu être identifié par comparaison comme venant de la mission Lagrené (À l’aube du japonisme, n° 19, 20, repr.).

L’exposition « Brest-Asie » présentait aussi de nombreux objets chinois provenant de l’amiral Cécille : un éventail et son étui (Brest-Asie, 2004, p. 45, repr.), une boite à jeux en laque noir et or, une boite à thé de même style, un coffret rond laqué de noir à l’intérieur et en laque rouge de Pékin à l’extérieur (Brest-Asie, 2004, p. 46, repr), des porcelaines (Brest-Asie, 2004, p. 49-51, repr.), une théière en boccaro (Brest-Asie, 2004, p. 51, repr.), des noyaux de pêche sculptés dans un coffret, une boîte cylindrique sculptée contenant une médaille en argent (Brest-Asie, 2004, p. 52, repr.), une boussole de géomancie (Brest-Asie, 2004, p. 53, repr.), une statuette en stéatite polychrome représentant un mandarin (Brest-Asie, 2004, p. 56, repr.), un sceau en stéatite rouge et jaune (Brest-Asie, 2004, p. 59, repr.), un bâton d’encre de Chine dans sa boîte de carton et tissu (Brest-Asie, 2004, p. 61, repr.). Pendant ce voyage, il commande par l’intermédiaire de Mgr Pierre-André Retord (1803-1858), des Missions étrangères, une luxueuse boîte à ouvrage, en bois, décorée de nacre et d’ivoire : de facture tonkinoise, représentant des martyrs chrétiens, il prévoyait de l’offrir à la reine Marie-Amélie de Bourbon-Siciles (1782-1866), mais le bateau qui l’apportait étant arrivé trop tard, il la garda (Brest-Asie, 2004, p. 47, repr.).

Il convient aussi de signaler des objets restés alors en réserve. Citons une peinture à l’huile sur toile de coton, encadrée de bois sombre, portant l’étiquette de l’atelier de « Youqua Old Street N° 34 » à Canton et représentant « un Chinois et deux Chinoises jouant aux cartes dans un pavillon dont les baies donnent sur un jardin ». Elle est exactement du même type que celles rapportées par la mission Lagrené et se trouvant désormais dans les collections des musées d’Art et d’Histoire de La Rochelle. Citons encore un encrier portatif au manche décoré de nacre, sans doute japonais, une boite à cartes de visite en filigrane d’argent dans sa petite boite recouverte de soie brochée chinoise portant l’étiquette, en anglais, d’un orfèvre de Canton, ainsi qu’une théière, un pot à lait et un sucrier en argent, pour l’usage européen, à décor chinois, portant la marque « KHC » : il s’agit de la marque de l’orfèvre Khecheong, de Canton. Dans l’ouvrage Étude pratique du commerce d’exportation de la Chine de 1849, la délégation commerciale signale, pour l’argent, les boutiques d’Old China Street à Canton et donne le prix de 400 piastres pour un service à thé de ce type.