Skip to main content
Lien copié
Le lien a été copié dans votre presse-papier
Estampe d'Utamaro représentant une sauterelle posée sur un tuteur au milieu de fleurs roses et violettes.

SAINT-GENYS Étienne de (FR)

Le goût pour le Japon à travers la figure du diplomate, le compte Étienne Saint-Genys, collectionneur d’arts d’Extrême-Orient

Originaire de Bretagne, la famille de Saint-Genys s’installe en Anjou au début du XIXe siècle pour le mariage d’Albert de Saint-Genys avec Eulalie Turpin de Crissé, nièce du célèbre peintre Lancelot Turpin de Crissé. Étienne Marie de Saint-Genys, issu d’une famille du Haut-Anjou, petit neveu de Turpin de Crissé, embrassa une carrière diplomatique, d’abord en tant qu’attaché aux archives diplomatiques en 1877, puis en tant qu’attaché surnuméraires à Saint- Pétersbourg en 1880, à Tokyo, Lima (1883-1885), Londres (1886) et Vienne (1898). Après diverses missions, dont celle d’attaché d’ambassade à Londres en 1886, il devient ministre plénipotentiaire en 1900. Angevin, diplomate et globetrotteur, il est principalement pour la postérité un grand collectionneur et un mécène admiré. Dans ce courant de la mode du japonisme et de ses fréquents déplacements, mais surtout de son attrait envers un certain exotisme, il confirme ses goûts par son extraordinaire recherche d’estampes et d’art de l’Extrême-Orient. Il collectionne, par exemple, des estampes de La Route du Tokaido d’Hiroshige (inv. 0-9 : MTC 5197 (1) ; MTC 5334 (2) ; MTC 5305 (3) ; MTC 5328 (4) ; MTC 5201 et MTC 5202 (5) ; MTC 5327 (6) ; MTC 5325 (7) ; MTC 5199 (8). 10-19 : MTC 5335 (11) ; MTC 5342 (12) ; MTC 5462(13) ; MTC 5306 (15) ; MTC 519 (18) ; MTC 5194 (19). 20-29 : MTC 5319 (20) ; MTC 5318 (24) ; MTC 5304 (28) ; MTC 5312 (29). 30-39 : MTC 5320(30) ; MTC 5196 (32) ; MTC 5321 (34) ; MTC 5176 (39). 40-49 : MTC 5340 (40) ; MTC 5192 et MTC 5192 bis (42) ; MTC 5195 (43) ; MTC 5333(45) ; MTC 5186 (48) ; MTC 5303 et MTC 5303 bis (49). 50-53 : MTC 5322 (50) ; MTC 5317 (51) ; MTC 5200 (52) ; MTC 5329 (53).), quelques Vues du Mont Fuji d’Hokusai (inv. MTC 5130 à 5135 et MTC 5138 ; 5138 bis ; MTC 5139), ainsi que des estampes d’Utamaro (inv. MTC 5158 à MTC 5172), de Toyokuni (inv. MTC 5106 à 5125 ; MTC 5357 à 5360 ; MTC 5444 à 5445 ; MTC 5456 à 5461 ; MTC 5516 ; 7698 ; 7699) ou de Gakutei (nos inv. MTC 5377 à 5383 ; MTC 5415 ; 5418 ; 5422 ; 5427 ; 5487 ; 5488). On y retrouve des thèmes très variés tel que le monde du théâtre, le costume féminin, des jeux de transparence, la nature.

Malgré ses éloignements réguliers, Étienne de Saint-Genys reste attaché au château de La Gemmeraie où il séjourne régulièrement et où le 9 août 1915, il rédige un testament longuement mûri et soigneusement détaillé, par lequel il lègue à la ville d’Angers toutes ses œuvres d’art (Angers, AM, 21243, carton 26). L’exécution de ses dernières dispositions testamentaires ne tardera pas à être révélée, puisqu’il meurt à La Gemmeraie le 18 septembre 1915. Sont remises à la Ville d’Angers sa bibliothèque d’érudit et la totalité de ses collections, à l’unique condition que ces dernières rejoignent celles léguées par son oncle, Turpin de Crissé, au musée Pincé (ancien Hôtel Turpin). Ainsi, sont intégrées aux collections du musée, entre autres, plus de 250 estampes japonaises, mais aussi des dessins anciens et modernes, des objets précolombiens ainsi que divers objets d’art. C’est au total 740 œuvres qui furent léguées à la ville. Pour l’aménagement des salles de l’Hôtel Pincé qui abrite ses collections, le comte de Saint-Genys ajoute à son legs une somme de 25 0000 francs.

Étienne de Saint-Genys, comme il le souhaitait, fut modestement enterré dans le cimetière de la Chapelle-sur-Oudon.

Constitution de la collection

La Chine et le Japon sont bien représentés au sein de la collection : masques, armes, laques, céramiques, tissus, bronzes et notamment une exceptionnelle série d’estampes japonaises, en particulier La Route du Tokaido, d’Hiroshige. Cette série, publiée en 1833-1834, fit de Hiroshige l’un des artistes les plus en vogue de son époque et remporta un immense succès. Les retirages furent également nombreux (David, 1991). Le Tôkaidô — « la voie de l’océan vers l’Est » — joint Edo, la capitale shogunale, à Kyôto, la capitale impériale, siège du gouvernement. Cette voie très ancienne longue de 500 km et ouverte sur l’océan Pacifique, était jalonnée de relais, situés dans des paysages pittoresques ou des lieux historiques, mais également près de sanctuaires bouddhistes ou shinto. Toutes sortes de voyageurs font la route : pèlerins, bonzes, touristes, messagers, aventuriers, rônin (samouraïs sans maître), daimyô (noble japonais), seigneurs féodaux et leur suite, à pied, à cheval ou en palanquin selon leur rang. Chaque relais est l’occasion de se rencontrer ou se distraire. Hiroshige est le premier à avoir représenté chacun des 53 relais. Il fit un premier voyage pour accompagner les chevaux que le shogun offrait à l’empereur, pendant lequel il fit de nombreux croquis, impressionné par les paysages traversés. Son art, empreint d’un sens aigu de la nature, les variations de ses compositions ainsi que le sens poétique et parfois humoristiques de ses œuvres l’ont rendu célèbre. Comme nombre de ses contemporains, artistes, écrivains et collectionneurs, le comte de Saint-Genys fut un grand japoniste et acheta de nombreuses estampes japonaises. Il posséda 33 vues sur les 53 de La Route du Tokaido, qu’il a léguée au musée. Toutes ne viennent pas de la même édition : certaines portent le cachet Hoeido, d’autres le cachet Takeuchi, d’autres ne sont pas encore identifiées. Elles témoignent de l’attrait important que cet art de l’ukiyo-e, les « images du monde flottant », a exercé à la fin du XIXe siècle sur l’Occident et particulièrement la France. Il faut également évoquer dans ce domaine, un autre artiste, Hokusai. La personnalité d’Hokusai, le « vieillard fou de peinture » et son œuvre ont très vite fasciné les critiques occidentaux. Ses estampes sont d’une diversité impressionnante : théâtre, estampes de vœux, paysages, sujets mythologiques, poésies... Sa série des Trente-six vues du mont Fuji, publiée en 1830-1832, suscita très vite l’admiration et il la compléta en 1834 par les Cent vues du mont Fuji. Cette montagne volcanique, la plus haute du Japon, est vénérée comme le symbole de la « montagne sacrée » par les shintoïstes comme par les bouddhistes. Hokusai multiplie les points de vue et les paysages, ainsi que les atmosphères, le Fuji étant parfois le prétexte lointain à une avant-scène très détaillée, comme pour La Grande vague par exemple. Saint-Genys possédait dans sa collection neuf vues de la série des trente-six, dont la célèbre Vague.