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Commentaire biographique

Marie-Antoinette Josèphe Jeanne de Lorraine, archiduchesse d’Autriche est la plus jeune des filles et la onzième des douze enfants de François Ier (1708-1765), duc de Lorraine, empereur du Saint-Empire, et de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780). Née à Vienne le 2 novembre 1755, elle vit principalement au château de Schönbrunn avant d’épouser le dauphin de France, futur Louis XVI (1754-1793), dans la chapelle royale de Versailles, le 16 mai 1770. Devenue reine de France et de Navarre, le 10 mai 1774, elle prend à partir de 1781 une influence de plus en plus grande sur le roi. Sa conduite imprudente, ses prodigalités, son origine autrichienne et les calomnies répandues par ses ennemis la rendent extrêmement impopulaire auprès des courtisans et du peuple français. Elle quitte le château de Versailles avec la famille royale sous la contrainte en octobre 1789 pour les Tuileries à Paris. Après sa fuite ratée avec le roi et ses enfants pour rejoindre la frontière et l’arrestation à Varennes, Marie-Antoinette est emprisonnée au Temple le 13 août 1792, puis à la Conciergerie le 1er août 1793. Après un procès expéditif, elle est condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire le 15 octobre 1793 et guillotinée le lendemain sur la place de la Révolution. Elle eut quatre enfants : Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale (1778-1851), plus tard duchesse d’Angoulême ; le dauphin né en 1780, Louis-Joseph-Xavier de France, mort en 1789 ; Louis-Charles, dit Louis XVII (1785-1795) et Sophie-Hélène-Béatrix, morte à 1 an en 1787.

Les petits cabinets de Marie-Antoinette à Versailles

Pendant son enfance au château de Schönbrunn, Marie-Antoinette (1755-1793) a pu admirer les deux cabinets chinois que sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780), a fait aménager pour y présenter sa collection de laques et de porcelaines orientales. Devenue reine de France, Marie-Antoinette sélectionne avec un grand discernement des porcelaines de Chine et du Japon parmi les modèles les plus rares, et toutes sont soigneusement ornées d’une monture en bronze doré à la dernière mode.

C’est dans ses petits cabinets du château de Versailles que Marie-Antoinette présente sa collection de laques et de porcelaines orientales. En février 1781, l’architecte Richard Mique (1728-1794) remet au goût du jour le décor de son boudoir, également appelé cabinet de la Méridienne. De goût arabesque, les lambris sculptés par Jules-Hugues Rousseau dit Rousseau l’aîné (1743-1806) et Jean-Siméon Rousseau dit Rousseau de La Rottière (1747-1820) présentent des attributs de l’amour conjugal, allusion à la naissance imminente d’un héritier mâle : le dauphin. À la fin de l’année 1783, Richard Mique est chargé de faire entièrement lambrisser avec un décor sculpté antiquisant le Grand Cabinet intérieur de la reine, son Cabinet doré. La reine fait également installer une bibliothèque et un supplément de bibliothèque où figurent plusieurs ouvrages contenant des informations fondamentales sur la Chine, dont la Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l’empire de la Chine et de la Tartarie chinoise…, publiée par le jésuite Jean-Baptiste Du Halde (1674-1743). Cet exemplaire est emporté par la reine aux Tuileries (Paris, Bibliothèque nationale de France, réserve des livres rares, Rés. Fol. O2N39).

Lorsque les révolutionnaires envahissent le château les 5 et 6 octobre 1789, la famille royale doit quitter Versailles pour le château des Tuileries à Paris. Soucieuse de faire préserver ses collections personnelles, la reine confie au marchand mercier parisien Dominique Daguerre (c. 1725-1796) le soin de faire sécuriser les objets d’art ornant ses Cabinets intérieurs. Daguerre charge son collaborateur et futur associé Martin-Éloi Lignereux (1750-1809) d’en dresser un inventaire complet, de les emballer et de les transférer à Paris. La liste établie le 10 octobre 1789 détaille la disposition des effets placés dans le Cabinet doré et la Méridienne (L’Intermédiaire, 1908, col. 880-884). Ces derniers sont entreposés chez les marchands merciers, et Marie-Antoinette ne s’en soucie plus, même si elle songe probablement à les faire déposer aux Tuileries ou à Saint-Cloud. À l’automne 1793, ces marchandises sont devenues embarrassantes pour Daguerre et Lignereux, et, après un nouveau recensement, la Commission temporaire des Arts décide de leur transfert au Museum (Tuetey, 1916, p. 286-290).

L’inventaire de 1789 décrit plusieurs porcelaines orientales dans le Cabinet doré. Sur l’une des quatre tables à dessus en bois pétrifié sont disposés : « une fontaine de porcelaine bleu céleste, deux vases idem forme de bouteille, deux perroquets idem, un chat idem » (L’Intermédiaire, 1908, col. 881). Les six pièces envoyées au Museum en 1793 sont aujourd’hui exposées au musée du Louvre à l’exception du « chat couché, de même porcelaine, sur un coussin de bronze doré, porté sur un socle de marbre griotte d’Italie. Hauteur totale 6 pouces [16,24 cm] » qui disparaît après 1833. Le félin en porcelaine d’époque Kangxi (1662-1722) qui reçoit un coussin en bronze doré façonné par François Rémond (c. 1745-1812) et un socle en marbre griotte est livré à la reine par l’intermédiaire de l’orfèvre-joaillier Ange-Joseph Aubert (1736-1785) (Bastien, 2013, p. 44). En revanche, ce sont probablement les marchands merciers Dominique Daguerre ou Jean-Baptiste Pierre Le Brun (1748-1813) qui vendent à la souveraine la fontaine à parfum à glaçure turquoise (Paris, musée du Louvre, OA 7), les deux « vases forme de bouteille à six pans, même porcelaine, garnis d’anses en arabesque roulés et chaînettes en bronze doré d’or mat » (Paris, musée du Louvre, OA 5267), et les « deux perroquets, même porcelaine bleue, posés sur une manière de rocher violet, montés en bronze doré » (Paris, musée du Louvre, OA 9).

La Méridienne contient les porcelaines orientales les plus spectaculaires. Les « deux morceaux de porcelaine violet » décrits en 1789 (L’Intermédiaire, 1908, col. 884) désignaient en réalité la magnifique paire de grandes aiguières à couverte aubergine garnies de bronzes dorés attribués à Pierre Gouthière (1732-1813). Conservés dans une collection particulière, ces pots à eau sont révélés par la description donnée en 1793 : « Deux vases oblongs d’égale grosseur, avec un bec forme d’aiguière, d’ancienne porcelaine […] couleur violette, coupés dans le milieu par des cerceaux ornés en bronze doré d’or mat, avec des consoles à enroulement sur un des côtés où sont assis de petits satyres : lesdites consoles appuyées sur des têtes de béliers tenant dans leurs gueules des barnaches de vigne. Les becs ornés de têtes de singe [sic, singe pour cygne] ; au-devant, une tête de bacchante et ornements analogues ; la plinthe aussi garnie de bronzes, avec quatre pieds en griffes de lion et ornements en arabesques. Le tout très bien exécuté. Hauteur totale, 21 pouces ½ [58,20 cm] » (Tuetey, 1916, p. 303-304. Caisse 1-Art. 25). Objets d’une beauté insigne de l’époque Kangxi (1662-1722), très peu d’exemplaires de ces duomu en porcelaine de Chine apparaissent chez les amateurs du siècle des Lumières. Ceux de Marie-Antoinette possèdent un fond coloré intense rehaussé par la riche monture en bronze doré constituée d’arabesques, de fleurs, de perles, de trophées, de têtes de bacchantes et de protomés de bélier soutenant des consoles à enroulement qui servaient autrefois de supports aux petits satyres. Richement ornées de bronze doré, des jattes posées sur des plateaux en porcelaine du Japon à décor Kakiemon décoraient également la Méridienne (Bastien, 2013, p. 38-40).

Toutes ces superbes porcelaines superbement montées cohabitent avec de magnifiques meubles livrés par l’ébéniste Jean-Henri Riesener (1734-1806). En 1783, la reine commande un ensemble de meubles d’un luxe inouï pour son Cabinet doré. Il s’agit d’un secrétaire en armoire, d’une commode et d’une encoignure plaqués de panneaux en laque japonais décorés d’une magnifique garniture en bronze ciselé et doré à décor de fleurs et présentant le chiffre de la reine. Cette commande fut réalisée par Riesener, l’ébéniste attitré de la Couronne. Elle est bientôt complétée en 1784 par une table à écrire également couverte de trois panneaux en laque du Japon, qui porte l’estampille d’Adam Weisweiler (1744-1820), mais elle est exécutée sous la direction du marchand Dominique (vers 1740-1796). Ce mobilier extrêmement précieux quitte Versailles pour les appartements de la reine au château de Saint-Cloud, car la reine privilégie désormais cette nouvelle demeure, acquise pour elle par Louis XVI en 1785. De nos jours, la commode et le secrétaire sont conservés à New York (Metropolitan Museum of Art, 20.155.11 et 20.155.12) ; la table à écrire aliénée durant la Révolution est rachetée par l’impératrice Eugénie (1826-1920) (Paris, musée du Louvre, OA 5509).

Les murs de la chambre de la reine à Saint-Cloud sont tendus d’un pékin à fond blanc, peint de figures chinoises. Dans cette demeure, les porcelaines d’Extrême-Orient ont été mises en sécurité dans un placard de l’appartement de la Reine, comme le précise le procès-verbal de récolement rédigé à Saint-Cloud durant l’automne 1794. Sous le numéro 2032 sont décrits « deux pots-pourris d’ancienne porcelaine de la Chine montés en cuivre doré d’or moulu », sous le numéro 2034 : « deux petits magots de porcelaine de la Chine portant hôte et formant pots-pourris assis posés sur des socles et pieds dorés d’or moulu » et, sous le numéro 2035 « deux taureaux de porcelaine céladon supportant deux pagodes assises et posés sur des socles ornés de rosettes et quatre petits pieds en cuivre doré d’or moulu ». Ces derniers proviennent d’un achat effectué par l’intermédiaire du joaillier Aubert lors de la vente du comte de Merle (1723-1793) en 1784 (Bastien V., 2013, p. 36-38).

Les laques de la reine

L’exceptionnelle collection d’objets en laque du Japon de Marie-Antoinette est en partie constituée grâce au legs de sa mère l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780), qui a une prédilection pour l’art d’Extrême-Orient. Cet ensemble d’environ cinquante boîtes arrive au château de Versailles en mai 1781, et l’ébéniste Jean-Henri Riesener (1734-1806) livre deux encoignures à gradins et une vitrine plaquées de panneaux en laque pour présenter cet héritage dans le grand cabinet de la reine, son cabinet doré à Versailles. En réalité, le premier objet en laque de la souveraine pourrait bien être une boîte que sa mère lui envoie pour la naissance de Madame Royale (1778-1851).

Marie-Antoinette complète rapidement cette collection par plusieurs acquisitions effectuées par l’intermédiaire de marchands-merciers parisiens réputés, dont Julliot, Dominique Daguerre (vers 1740-1796) et le marchand et expert Jean-Baptiste Pierre Le Brun (1748-1813). Ainsi, ce dernier se porte acquéreur suivant l’ordre de la reine de plusieurs rares laques à l’occasion de la dispersion des collections de la duchesse de Mazarin (1735-1781), en particulier un kiosque et sa boîte à encens montés en argent posés sur un plateau en forme de fleur de prunier (Paris, musée du Louvre, MR 380-86, MR 380-87 et château de Versailles, MR 380-19). Toujours lors de la vente de la duchesse de Mazarin, Le Brun a aussi acquis pour la reine une boîte sur deux étages à six pans fond or et paysages (Paris, musée Guimet, MR 380-70), qui provient également des collections de Jean de Jullienne (1686-1766), puis de Pierre-Louis-Paul Randon de Boisset (1708-1776). En 1783, la dispersion de la collection de Barthélemy-Augustin Blondel d’Azincourt (1719-1783) permit à Marie-Antoinette d’acquérir par l’intermédiaire du marchand Claude-François Julliot (1727-1794), une nouvelle boîte rectangulaire en forme de jeu de go avec son dessus mosaïqué et sa prise en forme de chinois allongé ou karoko (château de Versailles, MR 380-78). L’expert Le Brun procure également à la souveraine en 1787, un rare petit chien en laque avec des yeux en émail, qui a figuré dans les collections Randon de Boisset, puis du chevalier Lambert (château de Versailles, MR 380-90). Le marchand Dominique Daguerre contribua aussi à enrichir cette collection. Il s’adresse en février 1785 au bronzier François Rémond (vers 1745 ou 1747-1812) pour faire orner d’une monture en bronze doré, une boîte carrée en laque formant écritoire décorée sur le couvercle d’une représentation de la grande poétesse Ono no Komachi (834-900) (Paris, musée du Louvre, MR 380-76). Les laques de Marie-Antoinette préservées au moment de la révolution française sont aujourd’hui conservées au musée Guimet, au musée du Louvre et au château de Versailles.