BLONDEL D'AZINCOURT Barthélemy-Augustin (FR)
Origines familiales
Barthélémy Augustin Blondel d’Azincourt est né le 6 juin 1719 à Paris, et meurt dans cette même ville le 31 mai 1794 (Bailey C. B., 1987, p. 434). Il est le fils d’Augustin Blondel de Gagny (1695-1776), trésorier général des arrérages, intendant des Menus-Plaisirs, grand collectionneur, et d’Henriette Marguerite Barbier (morte en 1730). Le 3 décembre 1752, Barthélémy Augustin Blondel d’Azincourt épouse la nièce du fermier général Charles Marin Delahaye (1684 1753), Catherine Charlotte Edmée Delahaye des Fossés (1734-1808) [AN, MC/LVII/404]. De leur union naîtra Charlotte Marie Blondel d’Azincourt, mariée le 22 mai 1775 à Emmanuel Marie, marquis de Tragin, baron de Cohardon, mousquetaire de la 2e compagnie (AN, MC/LVII/523). Opulent financier, Blondel de Gagny dota généreusement son fils au moyen d’une dot de 300 000 livres (AN, MC/LVII/529), à laquelle il ajouta l’office d’intendant et contrôleur général de l’argenterie, évalué à 200 000 livres (AN, O1/98/f. 178).
Carrière et distinctions
Capitaine au régiment de Normandie en 1744, puis lieutenant-colonel d’infanterie (AN, MC/LVII/404), Blondel d’Azincourt se distingua lors de la guerre de Succession d’Autriche en 1745. De fait, il reçut la croix de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis (Bailey C. B., 1987, p. 434), que l’on peut admirer sur le portrait présumé du collectionneur peint par Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783) [collection particulière]. Le modèle, représenté en buste, est tourné de trois quarts dans une attitude naturelle. Sa physionomie est proche de la description qu’en donne l’avis de décès et de résidence du collectionneur, retrouvé aux archives nationales : « […] cinq pieds cinq pouces, yeux bruns, nez angulaire, bouche moyenne, menton rond, cheveux blancs, visage ovale, front découvert » (AN, F/7/5613, dossier 4).
En 1754, Blondel d’Azincourt succède à son père en qualité de conseiller intendant et contrôleur général de l’Argenterie, Menus-Plaisirs et Affaires de la chambre du roi (AN, V/1/380, pièce 9). Il était donc en charge de l’organisation des cérémonies et des spectacles de la Cour.
Formation artistique
Contrairement à certains de ses contemporains, tel Nicolas Beaujon (1718-1786), qui ont commencé leur carrière professionnelle en gravissant petit à petit les échelons de la hiérarchie sociale, Blondel d’Azincourt hérita d’un nom, d’une charge, d’un prestige et donc d’une notoriété, ce qui lui permit de s’adonner plus rapidement et avec davantage d’investissement à la pratique de la collection. Fils du riche collectionneur Augustin Blondel de Gagny (1695-1776), Blondel d’Azincourt a certainement été formé à l’art par son père, et cela dès son plus jeune âge. Il est en outre probable qu’il ait fréquenté les amis de son père, notamment son cercle artistique et professionnel, tels les financiers amateurs d’art comme Pierre-Paul Randon de Boisset (1708-1776). Il était aussi très impliqué dans l’arrangement des cabinets d’amateurs, si bien qu’il rédigea en 1749 un traité à l’usage de ces derniers, intitulé La Première Idée de la curiosité, où l’on trouve l’arrangement et la composition idéale d’un cabinet, les noms des meilleurs peintres flamands et leur activité (Bailey C. B. 1987, p. 431-437). Il fut associé libre dans les Académies royales de peinture et de sculpture de Paris et de Marseille, dès l’année 1767 (Bailey, C. B., 1987, p. 435), reconnu à la fois comme dessinateur et comme graveur. Ses productions ont pour la plupart étaient dispersées lors de la vente de son cabinet en 1783 (catalogue de la vente Blondel d’Azincourt, Paillet A.-J., Julliot, P.-F., Paris : Prault, 1783).
La collection de Blondel d’Azincourt
La collection de Blondel d’Azincourt, très abondante et hétéroclite, reflète le goût d’un amateur éclairé, qui a su compléter et enrichir la collection de peintures de son père, acquise lors de la vente après décès de ce dernier (Rémy P., Paris : Prault, 1776). Deux ventes du vivant de Blondel d’Azincourt nous permettent d’évaluer la richesse de son cabinet, et la variété des objets rassemblés (catalogues des ventes Blondel d’Azincourt, Rémy P., Paris, Musier père, 1770, et Paillet A.-J., Julliot, P.-F., Paris : Prault, 1783).
En avril 1770, Pierre Rémy (1715-1797) est chargé de passer en vente près de 500 lots, à la fois des peintures des écoles italienne, hollandaise et flamande, mais surtout française. On trouve aussi des dessins, des estampes, des curiosités, des porcelaines du Japon, de Chine et de France, et un nombre non négligeable de coquillages et de pierres gravées antiques, qui ont fait la réputation de curieux de Blondel d’Azincourt (catalogue de la vente Blondel d’Azincourt, Rémy P., Paris : Musier père, 1770). Dans son Dictionnaire pittoresque et historique, Hébert (actif au milieu du XVIIIe, dates de naissance et de décès inconnues) écrit à propos de cette collection : « Monsieur Blondel d’Azincourt […] a formé ce cabinet, qui est très intéressant par la variété et le choix des objets qui le composent. Il mérite toute l’attention des amateurs et des curieux. Ce cabinet est dans un genre différent de celui de M. Blondel de Gagny son père […]. C’est par cette raison que cet amateur s’est attaché de préférence à quelques beaux tableaux modernes, à de belles esquisses et à une très grande quantité de dessins, au nombre desquels on en doit surtout remarquer près de cinq cents de Boucher. On trouve aussi dans ce cabinet cent soixante pierres gravées en camée, tant égyptiennes qu’étrusques, grecques et romaines, dont presque toutes viennent des princes de Palavicini, et ont été substituées pendant des temps infinis dans cette illustre maison. M. Narcisse de Thoret, en fit l’acquisition en 1699 […]. Des bronzes bien choisis, des porcelaines anciennes également montées ; du lacq de la plus grande finesse et une multitude infinie d’objets séduisants pour les yeux, laissent aussi dans l’imagination une sensation qui prouve incontestablement qu’il faut que l’agrément soit d’accord avec l’art, et que la perfection consiste dans leur réunion. C’est dans la nature même que l’on peut chercher et que l’on découvre certainement ce principe. Il est facile de s’en convaincre sans sortir de ce cabinet, qui renferme des choses aussi rares que curieuses, qui sont une suite de minéraux, de cristallisations, d’agates, de pierres précieuses, de madrépores, de coraux et de coquilles […] » (Hébert, 1766, p. 81-83). Ce remarquable cabinet de minéralogie est aussi décrit par le marchand mercier Lazare Duvaux (1703-1758) : « Le beau cabinet de Blondel d’Azincourt […] est rassemblé avec tout le goût possible, par les morceaux précieux qui se voient dans les différentes classes de coquilles, rangées principalement sur une table placée au milieu de la salle destinée à l’histoire naturelle ; cette table est blanche et richement ornée en dorure, sa forme est octogone, elle s’élève en pyramide et tourne sur un pivot ; elle est entourée et couverte de glaces […]. Les autres salles contiennent une belle suite de soixante-dix pierres camées ou gravées, tant grecques que romaines ; un baguier de pierres fines, avec plusieurs vases de topaze et de jaspe. Des verres de cristal de roche, un autre taillé dans un morceau d’ambre » (Courajod L. [éd.], 1873, p. CCXXXI-CCXXXIII).
Ces descriptions confirment la variété des objets collectionnés par Blondel d’Azincourt, dont le cabinet était surtout admiré pour ses curiosités et ses collections de minéralogie. Soulignons que cet intérêt est plutôt singulier en ce milieu de siècle, où la majorité des collectionneurs appréciait davantage les trois écoles de peinture. Mais la collection Blondel d’Azincourt était aussi constituée de beaux ouvrages des maîtres anciens et modernes ; en témoigne la deuxième vente de l’amateur en février 1783, dirigée par Alexandre Joseph Paillet (1743-1814) et Philippe-François Julliot (1755-1836) [catalogue de la vente Blondel d’Azincourt, Paillet A.-J., Julliot P.-F., Paris : Prault, 1783]. La vente se déroula à l’hôtel de Louvois, rue de Richelieu. L’avertissement du catalogue précise qu’une grande partie des lots, notamment les peintures, proviennent de l’ancien cabinet Blondel de Gagny : « Nous devons en grande partie à la célèbre collection de feu M. Blondel de Gagny celle dont ce catalogue offre aujourd’hui les détails et annonce la vente. Les Amateurs la reconnaîtront notamment à la partie des Tableaux dont chaque morceau est ou le plus capital de chaque Maître, ou un échantillon parfait de ses productions les plus estimées. » Quelques tableaux aujourd’hui célèbres sont mentionnés : L’Enfant prodigue de David Teniers (1610-1690) [Paris, musée du Louvre, inv. 1878]), Le Marché aux herbes d’Amsterdam de Gabriel Metsu (1629-1667) [Paris, musée du Louvre, inv. 1460], ou encore Le Charlatan de Karel Dujardin (1626-1678) [Paris, musée du Louvre, inv. 1394]. Quelques figures en marbre complètent ce bel ensemble peint, notamment L’Amour tenant une flèche, appuyé sur un tronc d’arbre par Jacques François Saly (1717-1776), autrefois dans la collection de la marquise de Pompadour et actuellement conservé au Louvre (inv. RF 2016.2.1). L’accent est toutefois mis sur la remarquable collection de pierres gravées et de camées antiques, savamment décrits.
Nous retrouvons chez Blondel d’Azincourt, comme chez d’autres amateurs de la période, un intérêt particulier pour les porcelaines et les laques d’Extrême-Orient. La préférence des collectionneurs allait à la porcelaine du Japon, appelée « ancien Japon », « ancien blanc du Japon », « ancienne porcelaine du Japon de couleur », « ancien Japon de couleur de la première classe » ou encore « première qualité coloriée », qui, pour la finesse de sa pâte, l’emportait de beaucoup sur celle de la Chine (« ancien la Chine de couleur », « ancienne porcelaine de la Chine coloriée ») [Castelluccio S., 2013, p. 150-151]. Le décor plus léger et plus délicat des pièces japonaises était un critère de choix (Castelluccio S., 2013, p. 136). Lors de sa seconde vente, Blondel d’Azincourt proposa ainsi une centaine de porcelaines du Japon. Dans son traité sur l’arrangement des intérieurs, l’amateur recommande de mêler les porcelaines aux bronzes afin qu’elles rehaussent leur coloris (Bailey C. B., 1987, p. 149). On peut donc supposer que dans sa demeure, l’amateur avait disposé ses porcelaines, ses sculptures, et ses tableaux de manière harmonieuse, cherchant un effet esthétique.
En dehors des tableaux autrefois dans le cabinet Blondel de Gagny, la provenance des lots de la collection Blondel d’Azincourt est peu précisée. En revanche, il est plus facile de déterminer les nouveaux acquéreurs, annotés en marge des catalogues : on trouve ainsi les marchands Claude François Julliot (1727-1794), qui acquit notamment certaines porcelaines de l’amateur, Alexandre Joseph Paillet (1743-1814), Pierre François Basan (1723-1797), Jean Baptiste Pierre Le Brun (1748-1813), Vincent Donjeux (17?-1793), mais aussi les collectionneurs prestigieux du XVIIIe siècle : Nicolas Beaujon (1718-1786) ou encore Louis XVI.
Notices liées
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