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Estampe d'Utamaro représentant une sauterelle posée sur un tuteur au milieu de fleurs roses et violettes.

ALLARD Jean-Baptiste d' (FR)

21/03/2022 Collectionneurs, collecteurs et marchands d'art asiatique en France 1700-1939

Ce commentaire biographique s’appuie sur l’ouvrage Jean-Baptiste d’Allard 1769-1848 : une vie forézienne et son héritage de Benjamin Gurcel (Gurcel B., 2018), qui repose principalement sur le fonds des archives départementales de la Loire (AD 42, 26JDEM).

Naissance et jeunesse

Issu d’une riche famille de la petite noblesse forézienne, Jean-Baptiste d’Allard (1769-1848) voit ses parents disparaître au cours de sa petite enfance. Placé auprès d’une nourrice puis d’un prêtre et enfin au sein de collèges oratoriens du Forez et de Lyon, il grandit sous la protection rigide d’un tuteur désigné par la justice. Élève quelque peu subversif et médiocre, même s’il montre rapidement un attachement pour les livres, il rejoint l’armée dès l’âge de seize ans, au sein du régiment de cavalerie d’Orléans dragons. Il vit dans ce contexte, en Bretagne, les premiers soubresauts de la Révolution, à partir de la convocation des États de cette province à la toute fin de l’année 1788 et au cours des mois suivants.

Émancipation et Révolution

Obtenant, en décembre 1789, son émancipation et recouvrant ainsi la pleine propriété des domaines fonciers familiaux, il quitte l’armée et s’installe définitivement en Forez. Son engagement au début de la Révolution reste incertain, mais il prend progressivement position en faveur des royalistes, participant au siège de Lyon à l’automne 1793, puis cherchant à émigrer sous une fausse identité l’année suivante. Les dernières années du XVIIIe siècle semblent plus calmes. Il se marie en 1796 avec Marie Pierrette de Saint-Colombe (1771-1846), ancienne chanoinesse comtesse du couvent d’Alix en Beaujolais, avec qui il n’aura pas d’enfant. Le couple vit alors dans le château familial de la Pierre, dans les monts du Forez, puis rejoint progressivement la maison de la Grande-Rue de Montbrison au cours des premières années du XIXe siècle.

La vie d’un rentier

Après avoir acheté de nombreux terrains, au-delà des anciens remparts de Montbrison fraîchement abattus, Jean-Baptiste d’Allard fait édifier à partir de 1812 un hôtel particulier entre cour et jardin. Il déploie, dès lors, une passion sans limites pour son parc et plus encore pour son cabinet d’histoire naturelle et de curiosités, installé dans les combles mansardés de sa vaste demeure. La vie de Jean-Baptiste d’Allard est, dès lors, largement repliée sur la gestion de sa maison, de son parc et de son cabinet, ainsi que sur l’administration de ses domaines fonciers et le prêt ou le placement de son argent. Cependant, il occupe quelques fonctions politiques à l’échelle locale, étant notamment membre du Conseil Général du département de la Loire à la Restauration (1815-1830) et membre du conseil municipal de Montbrison sous la monarchie de Juillet (1830-1848). Mais, l’âge avançant, ce sont principalement ses œuvres de bienfaisance qui marquent son action dans la cité. Il donne ainsi en 1820 plusieurs de ses domaines agricoles aux hospices de Montbrison. Toutefois, son œuvre majeur en la matière demeure la fondation d’un établissement destiné à accueillir, héberger, nourrir et éduquer les jeunes filles pauvres de la ville et de sa région. Cette maison de la Providence est, avec sa propre demeure, son jardin et son cabinet, le legs le plus durable qu’ait réalisé Jean-Baptiste d’Allard à Montbrison puisque l’établissement, s’il a connu bien des évolutions, fonctionne toujours en ce début de XXIe siècle.

Agencement du cabinet

Au début du XIXe siècle, Jean-Baptiste d’Allard se consacre pleinement à la conception de son cabinet d’histoire naturelle et de curiosités. Riche de seize mille spécimens (musée d’Allard, registres d’inventaires), il est divisé en plusieurs galeries suivant les classements usuels de l’époque : le règne minéral et végétal, le règne animal (eau, air, terre) et le règne humain (Hedde P., Notice sur le cabinet d’histoire naturelle de M. d’Allard à Montbrison, 1835). Cette dernière partie rassemble les collections anatomiques (squelettes, momies, écorché, système de crânologie de Franz Joseph Gall [1758-1828] et de Johann Gaspar Spurzheim [1776-1832]) mais aussi les objets ethnographiques extra-européens et les produits de l’industrie de la Loire (exploitation minière, fabrication des armes, étoffes et rubans).

Nature des œuvres rassemblées

Si les objets extra-européens restent incontournables dans tout cabinet d’histoire naturelle dès le XVIIIe siècle (Lacour P.-Y., 2014, p. 161), Jean-Baptiste d’Allard ne semble pas développer activement cet aspect de sa collection. Contrairement aux naturalia, qui disposent de notices détaillées dans de grands registres d’inventaires, les objets ethnographiques n’apparaissent que dans un inventaire postérieur datant du début du XXe siècle (musée d’Allard, registres d’inventaires).La collection apparaît très hétéroclite : provenant des Amériques, de l’Afrique, de l’Océanie et de l’Asie, elle regroupe une large proportion d’armes et de vêtements, mais aussi d’objets usuels divers tels que des sacs, des boîtes, des éventails et des hameçons. La collection asiatique est estimée à soixante-six pièces (musée d’Allard, registres d’inventaires). On y compte une large proportion de textiles ou de vanneries (40 %) comprenant des chapeaux et des chaussures, ainsi que de nombreux objets en ivoire sculpté (23 %) : boîtes, lanternes, vaisseaux. Le reste de la collection comprend quelques parasols en feuilles de palmacées peintes (7), des armes (5), des objets en laque (3) et divers objets usuels et composites. Les provenances indiquées sont principalement la Chine, le Japon, la Malaisie et l’Inde, mais elles sont à relativiser compte tenu des nombreuses erreurs d’attributions.

Méthode de formation

Pour former sa collection, Jean-Baptiste d’Allard acquiert des cabinets plus anciens, tel que celui de son oncle et beau-frère le comte de Fautrières (1733-1813), réputé pour sa collection d’oiseaux et de poissons (Gurcel B., 2018). Il est en contact avec de nombreux scientifiques et naturalistes comme Jules Bourcier (1797-1873), Marie Jacques Philippe Mouton-Fontenille (1769-1837), Louis Dufresne (1752-1832) et Pierre Augustin Hauville, à qui il achète ou échange des spécimens naturalisés, des minéraux et des objets ethnographiques (AD 42, 26JDEM).

Dufresne et le pavillon chinois

Le naturaliste Louis Dufresne correspond durant plusieurs années avec Jean-Baptiste d’Allard. Il lui vend des pièces de sa propre collection (principalement des oiseaux naturalisés et des coquillages), lui achète des objets à Paris et négocie parfois des pièces du Muséum d’Histoire naturelle. Il va jusqu’à lui concevoir un « cabinet chinois » en le conseillant sur la décoration intérieure et en lui fournissant des plans détaillés d’architecture (AD 42, 26JDEM, correspondance entre Dufresne et d’Allard, 1817-1819). Ce cabinet prend la forme d’un pavillon (aujourd’hui détruit) que Jean-Baptiste d’Allard fait bâtir dans son jardin. En 1817, pour le décorer, Dufresne lui propose dix-neuf « objets chinois » (lanterne, vaisseaux, théières, éventail en ivoire ajouré, boîte en laque…) qu’il affirme avoir acheté lors de la vente de la collection du duc de Chaulnes. Il lui propose l’année suivante des « armes [et] des ornements des sauvages assez bon marché » et en 1819 des « tableaux en ivoire découpé en relief » (AD 42, 26JDEM, correspondance entre Dufresne et d’Allard, 1817-1819).

Les collections après d’Allard

À sa mort en 1848, Jean-Baptiste d’Allard lègue à la ville de Montbrison son cabinet, qu’il nomme « Musée de la ville » (AD 42, 26JDEM, 3898, testament de J.-B. d’Allard ; AC Montbrison, série 1D : 13). La mairie ne souhaitant pas mettre de locaux à sa disposition, il donne la jouissance du cabinet à sa domestique, Marie Perret, qui s’occupe de l’entretien et de l’ouverture au public des collections. La propriété de sa maison et de son jardin revient, quant à elle, à son héritier Ludovic de Neufbourg (1805-1881). Ce n’est qu’à la mort de sa domestique en 1880 que la mairie prend pleinement en charge le musée et la demeure, qu’elle rachète à Ludovic de Neufbourg. Lorsque Jean-Baptiste d’Allard lègue son cabinet d’histoire naturelle à la ville de Montbrison, les objets anciennement présentés dans le pavillon du jardin sont, semble-t-il, rapatriés et exposés dans le cabinet d’histoire naturelle au second étage de sa demeure (AC Montbrison, série 4W : 59). Dans les années 1970, le conservateur du musée, Daniel Pouget, entame des travaux sur le bâtiment et renouvelle les espaces d’exposition. Certaines pièces asiatiques en ivoire (éventail, vaisseaux…) trouvent leur place au sein de l’exposition permanente intitulée « Poupées du monde », démontée en 2007. En outre, de nombreux objets sont placés en dépôt au musée de Saint-Just-Saint-Rambert, dont le thème est dévolu aux objets extra-européens. Aujourd’hui, une partie des objets ethnographiques extra-européens sont présentés au sein du parcours permanent « Jean-Baptiste d’Allard, un chemin de curiosités » et la collection complète est actuellement en cours de récolement.