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[1815-1816, peinture, rapport Institut primitif]Rapport primitif de l'Institut sur les envois de 181 [...]

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02/12/2021 10:46 (il y a environ 3 ans)
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Description
[1815-1816, peinture, rapport Institut primitif]
Rapport primitif de l'Institut sur les envois de 1815 examinés en 1816, peinture
TYPE : rapport de l'Institut de France - primitif
AUTEUR : Guérin, Pierre Narcisse ; Gros, Antoine Jean
PAGE DE TITRE : 7bre 1816. Rapport fait à l'Académie Royale des beaux-arts de l'Institut, dans les séances du 28 septembre et 12 octobre, par la commission chargée de l'examen des ouvrages de peinture envoyés dans la dite année par les pensionnaires de l'école de Rome
LIEU DE REDACTION : Paris
DATE : 09/1816
COMMENTAIRE : il s'agit des envois exécutés pour l'année 1815 mais jugés en 1816 car les envois ne sont arrivés à Paris qu'après la tenue de la séance publique annuelle de 1815. Le rapport conservé dans le carton de pièces annexes 5 E 8 ne présente pas de ratures et est conservé sous forme de feuillets reliés.
Descriptions
Transcription : 
[f°5, v°] Psyché, par M. Picot // M. Picot ne jouissant à Rome que d'une légère partie des avantages accordés aux pensionnaires n'était tenu, à ce qu'il paraît d'après une note de M. le Directeur de fournir l'étude exigée par les règlements. On voit avec plaisir sa reconnaissance de faire un devoir de ce dont il aurait pu s'affranchir. La figure d'étude qu'il présente et dans laquelle nous avons cru voir une jeune nymphe, porte le nom de Psyché, nous devons donc la juger comme telle et sous ce rapport elle est moins satisfaisante. Nous appuierons sur ce reproche parce que notre examen doit se faire selon l'ordre et l'importance des qualités constitutives des bons ouvrages : et quoi de plus important que l'expression du sujet ? M. Picot, de qui nous pouvons exiger beaucoup semble avoir cédé à cette répréhensible habitude des élèves qui peignent indifféremment une figure d'après un modèle et lui cherchent ensuite un nom. S'ils voulaient réfléchir sur le règlement qui leur prescrit des figures d'études historiées ils y verraient la sage indication d'un double but, trop inaperçu sans doute, et qui demande pour être atteint l'essai de leurs facultés morales et intellectuelles soutenues des moyens d'exécution qu'ils doivent avoir acquis. C'est avec cette utile nécessité de l'emploi de toutes les forces que l'Académie ne doit pas leur permettre de transiger. Il faut donc que le sujet choisi par l'élève se retrouve dans son tableau et, nous le répétons nous ne reconnaissons pas dans celui de M. Picot [f°6, r°] l'être symbolique essentiellement pur et presque divin sous les traits duquel les anciens avaient coutume de représenter l'âme pour nous montrer la beauté la grâce naïve de cette jeune et intéressante victime de la colère de Vénus, pour nous peindre en même temps sa touchante tristesse et son inquiète curiosité il ne fallait rien moins que l'accent de tous ses traits et le développement possible de toutes ses formes. Au reste, cette figure, en ne la considérant que comme une nymphe, porte un caractère de délicatesse fort satisfaisant. L'exécution [est] gracieuse ; le dessin élégant. Le fond de paysage est heureusement trouvé et d'une richesse de plans qu'un jeu et une distribution de lumière mieux entendue auraient plus développé. Le coloris, assez harmonieux en général, manque de vérité, particulièrement dans les bras et la main droite, la tête est agréable le modelé se fait remarquer par la finesse de son étude surtout dans la partie inférieure du torse. Les épaules ne sont point aussi bien rendues et paraissent trop rondes ; les draperies d'un jet heureux et d'une exécution soignée, ajoutent au charme de cette figure sur laquelle les convenances du sujet si l'artiste les eut mieux observées eussent répandu un intérêt bien autrement attachant. // Mercure, par M. Pallière. Nous pourrions répéter ici avec plus de force les reproches qui viennent de nous suggérer les convenances du sujet. Cette figure, absolument nulle d'intérêt, ne peut convenir qu'à un jeune pâtre et ne saurait représenter un Dieu. M. Pallière, décorant trop [f°6, v°] légèrement son étude du nom d'une divinité n'a pas pensé qu'il compromettait son jugement et son gout [sic] en voulant qu'on y reconnut l'élégante beauté du fils de Maya. Il y a beaucoup de talent sans doute dans cette figure, mais combien n'en a-t-on pas perdu depuis qu'on fait de la peinture, et combien n'en perdra-t-on encore en négligeant les qualités qui ont le pouvoir de nous intéresser en se privant surtout d'un ressort puissant, l'expression, cette muette éloquence à qui seule appartient le droit de remuer notre âme ! Tous, sans doute, ne sont point appelés à réussir dans ces facultés d'un ordre supérieur, mais tous doivent au moins le tenter. [rayé : gardons nous surtout] Gardons nous surtout qu'une trop facile admiration pour des mains habiles ne contribue à multiplier le nombre des productions indifférentes. Ce jeune pâtre, nous ne saurions autrement l'appeler, décèle la nature commune et incorrecte qui lui a servi de modèle. Des qualités recommandables cependant s'y font remarquer. Le coloris en est vrai, brillant ; l'effet vigoureux. La draperie et le terrain en participant de la vive clarté répandue sur la figure montrent très heureusement que l'on peut obtenir autant et plus d'effet par une lumière habilement distribuée que par cet artifice fréquent et trop facile qui consiste à en priver totalement les fonds ou les accessoires. Le modelé, qui révèle un sentiment d'imitation fort louable, a beaucoup de ressort, mais le dessin manque de délicatesse et de choix. On aurait pu, en restant dans le même caractère de nature, éviter des lourdeurs remarquables surtout dans les pieds ; le torse, d'une belle pâte, laisse beaucoup à [f°7, r°] désirer sous le rapport du dessin : forcé de mouvement, trop resserré vers les hanches, il ne paraît pas bien ensemble. Prométhée, par le même / Il est plus d'un écueil, nous l'avons dit, M. Pallière, dans cette seconde figure plus considérable et plus importante, a évité le reproche de nullité de sujet que nous avons adressé à la première. Il a cherché à nous intéresser par une situation dont la force dut porter la terreur dans notre âme. Il s'est imposé une tâche louable mais difficile : voyons comment il l'a remplie. Ici viennent s'appliquer quelques unes de nos réflexions préliminaires sur la nécessité du naturel ; et nous ajouterons que plus le sujet a de la force et se trouve par son action hors des limites ordinaires de la nature plus il a besoin d'y être ramené par une grande justesse de pantomime, par une extrême vérité d'accent dans l'exécution de toutes ses parties, ainsi qu'un habile acteur nous fait croire au langage de la tragédie par la vérité et le naturel des inflexions de sa voix, de même le peintre doit reproduire avec une imitation plus rigoureuse les vérités d'accent et de détails afin d'avérer d'avantage la fiction qu'il nous représente ; car, nous le répétons, il faut croire pour être touché. La figure de M. Pallière n'a point atteint ce double but : l'attitude n'est ni heureuse ni vraie, plus tourmentée que forte, son geste et son expression sont plus exagérés qu'énergiques. Ce n'est point ainsi qu'on voudrait voir Promethée aux prises de son redoutable ennemi ou il fallait rendre visiblement impossible l'action de ses mains, ou il fallait qu'il s'en servit pour écarter ce terrible vautour. Ce manque de justesse dans la pantomime et une raideur générale [f°7, v°] répandue dans toute la figure lui donnent un air d'immobilité fatiguant à voir. Cette roideur est certainement l'effet du manque de vérité des formes qui dans beaucoup de parties sont de convention et non de choix. L'ensemble est irrégulier, les bras sont petits et les cuisses trop fortes la tête appliquée contre le bras ne présente pas dans la situation que demanderait le mouvement du corps, au reste, le caractère trop herculesque [sic] ne nous paraît pas convenir au personnage représenté. Ce n'est point un athlète qu'il fallait peindre mais un homme supérieur dont le génie rivalisait avec la nature et les Dieux ; les formes les plus nobles ne l'eussent point été trop pour lui. / La couleur de ce tableau forte mais un peu dure sombre et crue, surtout dans le fond, paraît une imitation de certains maîtres plus que celle de la nature et rappelle ce que nous avons dit du danger de faire des tableaux avec des tableaux ; nous engageons M. Pallière à ne copier que la nature, et nous terminerons ces reproches très sévères, nous l'avouons avec regret, par la recommandation de deux qualités sans lesquelles il n'est point de bons ouvrages dans le haut style : le choix et la vérité. / Nous n'achèverons point l'examen de cette figure sans reconnaître la somme de talens [sic] qui s'y trouve répandue et sans louer quelques belles parties telles que le torse à l'endroit des côtes surtout et les extrémités ainsi que les accessoires qui sont également bien exécutés et d'un beau ton. // Anacréon réchauffant l'Amour par M. Deforestier [sic]. L'auteur de ce tableau cherche visiblement l'élévation du style, la noblesse, la simplicité de la forme, qualités [f°8, r°] de la dignité de l'art et qu'on ne saurait trop recommander ; mais certainement il y a erreur dans la manière de les envisager ou dans ses moyens de les reproduire et cette erreur détruit en partie les avantages qui pourraient résulter d'une aussi louable direction de talent. Nous nous hâterons d'avertir M. de Forestier d'une déviation qu'il est encore facile de ramener à la nature, mais qui, prolongée serait la perte du plus heureux talent. L'intérêt que méritent les jeunes auteurs des ouvrages que nous examinons nous a soutenu dans la pénible nécessité de leur dire des vérités quelques fois dures : nous conserverons cette rigidité envers M. de Forestier, car, plus nous espérons de son talent, plus nous devons être exigeant à son égard. Le premier sentiment qu'éveille dans la pensée le nom d'Anacréon est certainement celui d'une vive et franche gaieté son souvenir est inséparable des idées de l'amour, de joie, d'ivresse. Sans jeunesse comme Nestor, nous ne reconnaissons le vieillard de Théos qu'à ses cheveux blancs couronnés des roses de l'amour ou des pampres de Bacchus. Pourquoi donc toutes ces idées qui devaient déterminer la phisionomie [sic] de la composition de M. Deforestier [sic] ne l'ont-elles pas frappé ? Ou plutôt car il est impossible qu'elles ne se soient point offertes les premières à son esprit, pourquoi ne les a-t-il pas prises naturellement pour guide ? Faut-il le dire ? Il a voulu être original plus hardi en cela que les anciens qui cherchaient moins à faire autrement qu'à mieux faire, il a voulu s'écarter des routes connues et s'est aventuré dans un sentier qui l'a passagèrement égaré, mais où d'autres, avec moins de jugement et plus d'orgueil [f°8, v°] se sont perdus. Éclairé par ces exemples et ramené par de sages conseils, M. de Forestier rentrera bientôt sous les lois d'une saine doctrine. Sa composition, quoique simple, manque cependant de naturel par le système dans lequel est conçu le personnage d'Anacréon, dont la pose froide et roide ne représente nullement l'accueil tendre et affectueux du plus enjoué et du plus amoureux des poëtes. L'expression mélancolique de cette tête où devait briller la joie est attristée encore par une chevelure noire qui s'attache au fond et choque toutes les idées admises pour la physionomie du chantre de Bacchus, nous y reconnaîtrions plutôt Isocrate ou Platon. Toute la figure est courte, les pieds sont d'une grosseur démesurée la draperie quoique embarrassée et peu convenable peut être, est cependant d'un beau parti d'ajustement. / La pose de l'amour est plus heureuse, d'un dessin et d'un pinceau plus satisfaisant, surtout dans la partie inférieure. Il est à regretter que l'ombre de la tête soit si noire, l'expression s'y perd et ne soutient pas la grâce du reste de la figure. Nous pourrions y rechercher d'autres deffauts [sic] de détail ; mais cette recherche serait très surbordonnée [sic] d'intérêt aux réflexions générales que nous croyons devoir faire à M. de Forestier. Les derniers regardent l'effet du tableau qui nous a paru, ainsi que la composition, manquer de vérité et déceler encore l'esprit de système. Pourquoi, par exemple, la vive lumière qui frappe les personnages ne se répand-elle pas autour d'eux sur les accessoires, sur le fond qui les environne ? Pourquoi le paysage en est-il entièrement privé ? pourquoi les reflets, ce moyen naturel d'adoucir l'effet, de rendre sensible le voisinage [f°9, r°] des objets et de donner l'intelligence de leurs plans respectifs, pourquoi ces reflets sont-ils nuls ? Quelle que soit la nature du rayon qui éclaire la scène, la réfraction doit être en raison directe de l'intensité de sa lumière. En se privant de ce moyen qu'indiquait la nature, l'artiste a donné à l'effet de son tableau une dureté qui devient un contre-sens par rapport au sujet doux et gracieux que ce tableau représente. / Malgré les nombreux reproches que nous venons d'adresser à M. de Forestier, nous pourrions trouver dans son ouvrage assez de parties dignes d'éloges pour en former une compensation que nous nous hâterions de lui offrir ; mais il la dédaignerait justement. La véritable compensation il doit la trouver dans la conscience de son talent qui, ramené à la nature, peut lui promettre les plus honorables succès, il faut seulement qu'il soit convaincu que cette fois il s'est trompé. Pour nous, et ce n'est point une vaine consolation que nous voulons lui donner, nous lui devons la justice de dire qu'il est appelé aux plus nobles résultats de l'art, mais que le seul guide qui puisse l'y conduire, c'est la vérité. // La mort d'Abel, par M. Drolling. Ici, Messieurs, cesse la pénible rigueur des fonctions que vous nous avez confiées. La sévérité dont nous sommes armés s'évanouit devant les qualités d'un ordre supérieur et la critique fera presque exclusivement place à l'éloge. Nous ne craindrons point de louer M. Drolling parce que le talent de ce jeune artiste prenant sa source dans la chaleur de l'âme et dans l'étude sincère de la nature, ne sauroit [sic] s'égarer. Chaque [f°9, v°] année de ses études fut marquée par des progrès. L'ouvrage qu'il nous présente aujourd'hui et que nous pouvons regarder comme une des meilleures productions sorties de notre école de Rome est le présage certain des plus grands succès et l'assurance que l'école française pourra compter un maître de plus. / La composition de ce tableau fortement concüe [sic], pleine d'âme et de vérité, également heureuse par sa pantomime et ses lignes pittoresques, est enrichie d'un fond dont l'arrangement et l'effet ajoutent encore à la terreur de la scène. Les expressions des têtes sont aussi convenables que fortement rendües [sic] ; celle d'Abel est noble et touchante ; son œil se tourne encore avec tendresse vers son frère dont le regard plein d'épouvante semble voir déjà la main de Dieu s'appesantir sur lui. La terreur de ce regard, l'effroi répandu dans les traits et la pantomime de toute cette figure portent dans l'âme une impression profonde et font réellement frissonner : tant a de force sur nous l'accent de la vérité ! Il est difficile en effet de réunir plus d'originalité et de naturel, plus d'énergie et de véritable simplicité, qualités toutes prises dans la nature et devenues trop rares aujourd'hui. / L'exécution de ce tableau, sans être exempte de reproches est franche, vraie, accentuée ; le dessin ferme et souple ; le coloris naturel, mais un peu terne. Les accessoires sont heureusement imaginés surtout la peau jetée en désordre sur les épaules et autour des bras de Caïn. En général, toutes les parties de ce tableau d'une heureuse hardiesse d'effet et de composition et également éloignées d'affectation ou [f°10, r°] d'esprit de système, sont fort satisfaisantes et font honneur au jugement de l'artiste. Nous ne devons pas lui taire cependant les critiques qui dans quelques endroits peuvent se mêler aux éloges. On aurait voulu par exemple que la stature de Caïn fut plus forte, que celle de son frère ; et que toutes les deux fussent d'une forme plus noble, d'une nature mieux choisie, dans la figure de Caïn une ombre portée à l'endroit des hanches semble rétrécir le corps d'une manière désagréable et celle prolongée sur l'épine du dos est aussi trop noire. La tête d'Abel, d'un beau caractère et bien peinte est cependant un peu forte. Les jambes ont paru trop grêles quoique bien exprimées de raccourci. Enfin le parti d'effet à la fois neuf et convenable, aurait demandé quelques variétés dans le terrain dont la couleur monotone et trop également éclairée ôte de la valeur au coloris de la figure d'Abel. / Malgré ces légères taches, cet ouvrage nous paraît une des bonnes productions de l'école actuelle ; nous pensons qu'il mérite d'être acquis par le Gouvernement et désigné un des premiers parmi ceux qui devront être reproduits par la gravure. / Tel est, Messieurs, le résultat de l'examen que vous avez bien voulu nous confier et que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation ; quoique la louange et le blâme y soient très inégalement répartis le même esprit de justice nous a guidé pour tous, et cette justice a été d'autant plus rigoureuse que nous attachons plus d'importance aux productions sur lesquelles elle devait se prononcer. Jeunes encore, mais appelés à remplacer un jour leurs maîtres, ces élèves [f°9, v°] doivent s’exercer d'avance à mériter cet honneur, à le soutenir dignement. Peut-être nos conseils ne leur auront-ils rien appris, cependant nous croirons avoir beaucoup fait en les forçant à ne point oublier des principes consacrés par l'expérience à se rappeler sans cesse le but élevé de leur noble profession, et à témoigner par de constants efforts la reconnaissance qu'ils doivent au Gouvernement qui les encourage. Signé Gros et Guérin rapporteurs.
Localisations
Cote / numéro : 
Académie des beaux-arts, 5 E 8
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Commentaire interne
Base Envois de Rome FMP, fichier Documents.fp7, notice : £Rapport envois, primitif, 1816, peinture£ Notice créée le 15/07/2002. Notice modifiée le : 23/07/2018. Rédacteur : Isabelle Loddé.
Rédacteur
Isabelle Loddé