[1831, peinture, rapport Institut séance publique annuelle]Rapport imprimé sur les envois de peintur [...]

Messieurs, Les tributs annuels que doivent les pensionnaires de l'École de France à Rome sont arrivés cette année avec beaucoup d'exactitude à l'Institut. L'Académie des Beaux-arts a eu, dans la ponctualité de cet envoi, moins encore que dans le nombre et le mérite des morceaux qui le composent, une preuve de plus en plus flatteuse et du zèle de l'habile artiste auquel est confiée la direction de cet établissement et de l'influence du génie actif et fécond dont les seuls exemples // sont pour les élèves qu'il dirige tout à la fois la meilleure leçon et le plus actif de tous les encouragements. En soumettant, comme elle le fait tous les ans, cette intéressante et nombreuse revue d'études et d'ouvrages au public, l'Académie n'éprouve qu'un regret et un embarras, c'est d'être obligée de réduire dans des termes trop courts la part d'éloges mérités ou d'observations auxquels chaque ouvrage lui a paru donner lieu. // PEINTURE // M. BÉZARD (pour sa première année) nous a fait parvenir une figure de saint Sébastien dans laquelle l'Académie a eu le plaisir de reconnaître plus que d'heureuses espérances pour l'avenir. La figure d'un sentiment naïf et vrai, présente une belle expression dans la tête, un dessin naturel, une couleur vraie. Il y a de l'originalité dans la pose, qui toutefois donnerait lieu d'y reprocher quelque disparité de proportions, ou de perspective dans quelques unes des parties inférieures. / M. DUPRÉ (pour sa troisième année) s'est bien conformé au règlement en envoyant une figure peinte et une esquisse de sa composition. Néanmoins sa figure d'étude de cette année, soit dans l'ensemble du torse avec la partie inférieure du corps, soit dans la couleur jaunâtre et sans dégradation, soit dans l'accessoire de la draperie, n'a point paru répondre aux progrès qu'avait fait espérer son précédent envoi. / M. FÉRON (pour la quatrième année) devait une copie d'après quelque grand maître et une esquisse de sa composition. Il s'est borné à faire la copie d'un grand tableau de Paul Véronèse, dont il a fait le choix à Venise. Ce parti fait regretter ou qu'il n'ait point copié la totalité de cet ouvrage ou qu'il n'ait pas choisi, s'il l'avait pu, un autre tableau qu'il eut rendu tout entier. On ne peut que louer M. Féron d'avoir remplacé l'étude de l'esquisse par une grande composition présentant Le Passage des Alpes par Annibal. Sujet bien choisi, bonne disposition des groupes, soin bien appliqué par la pantomime, beau fond de tableau quelques critiques de détail n'affecteraient en rien la valeur générale de cet ouvrage. / M. NORBLIN (pour sa cinquième année) a exécuté un tableau représentant l'épisode du comte Ugolin et de ses fils. Cette bonne composition est satisfaisante et fort remarquable, surtout dans le groupe des deux plus jeunes, placés sur le devant de la scène. L'expression générale est dramatique et la couleur vigoureuse ainsi que l'effet contribuent à en renforcer l'expression. Nonobstant quelques observations de détails que comporteraient certaines formes auxquelles on désirerait plus de noblesse, on doit à M. Norblin le témoignage qu'il a fait, pendant son séjour à Rome, des progrès très marqués et dont ce dernier ouvrage offre la meilleure preuve. / M. GIBERT, peintre de paysage, a envoyé pour l'ouvrage de sa première année, une vue du Golfe de Pouzzol. Sans prétendre critiquer le choix de ce sujet dans un pays fécond en scènes si variées et si pittoresques, on aurait à désirer qu'il eût rendu avec plus d'harmonie et de vérité la couleur des différents objets qui composent son tableau, qu'il eût évité de trop découper ses fonds sur le ciel et qu'il eût donné plus de soin à l'exécution comme à la disposition de ses figures.