Croix processionnelle à la croisée en mandorle et aux empattements trilobés, fixée sur un socle à gradins en bronze. Tranche estampée d'un motif de quatre-feuilles à étamines.
À l'avers, au centre, figure d'applique manquante ; la silhouette en réserve permet de deviner le type du Christ autrefois appliqué, représenté mort ou souffrant, la tête penchée et entourée d'un nimbe polychrome. En haut, le titulus gravé et doré se dispose sur deux lignes sur un phylactère émaillé de bleu lavande, ton chromatique repris par le suppedaneum, aux pieds du Christ . Le fond bleu de la plaque centrale et cruciforme est constellé de deux types de décors : des rosettes ourlées polychromes, avec leurs boutons en réserve, et de nombreux petits disques, toujours en réserve, dorés et pointillés. L'extrémité inférieure est coupée, les trois restantes sont ornées de plaques émaillées avec figures d'applique en réserve, munies de têtes d'applique classicisantes : sur les côtés, la Vierge et saint Jean, et en haut, un ange aux ailes déployées. Sur trois des quatre fragments intermédiaires, dorés et gravés en réserve, se situent trois médaillons circulaires émaillés et décorés d'un disque avec quatre-feuilles. La hampe inférieure a perdu ses deux médaillons, dont il ne reste que les silhouettes en réserve.
Au revers, dans la mandorle centrale, Christ en majesté nimbé et tenant le livre, entouré de six rosettes polychromes. Aux extrémités, il ne subsiste que la plaque située à l'empattement supérieur, émaillée et ornée du lion de saint Marc, pourvu d'une tête d'applique. Les bras sont revêtus d'une platine de cuivre dorée et gravée de rinceaux (arrachée sur la hampe supérieure), sur laquelle se situent les silhouettes de quatre médaillons circulaires, aujourd'hui perdus.
La croix peut être identifiée selon toutes probabilités comme étant celle de l'ancienne collection Legrand à Lille, citée par Auguste Deschamps de Pas (1853, cf. biblio) et par Charles de Linas (1885, cf. biblio). Les dimensions et la description de l'objet indiquées par les deux auteurs correspondent en tous points aux caractéristiques de l'œuvre récemment passée en vente à Paris.
Cette identification est également étayée par l'historique de l'objet. En effet, la collection Legrand, à laquelle la croix appartenait au XIXe siècle, se trouvait à Lille. Or le catalogue de vente de 2018 précise que cette croix appartient aux héritiers de Charles-Joseph van der Helle, collectionneur lillois de la deuxième moitié du XIXe siècle.
Cette pièce appartient à une série de croix processionnelles datées de la première décennie du XIIIe siècle, relevant pleinement de la période dite de l'apogée (1190-1215), dont le haut niveau d’exécution de cette œuvre témoigne.
Plusieurs croix déjà répertoriées dans cette base en font partie, partageant avec l'exemplaire étudié ici le même modèle structurel et décoratif : Londres (Victoria & Albert Museum, inv. M. 575-1910, UK 89146), Baltimore (The Walters Art Museum, inv. 44-76, UK 89023), Münster (cathédrale Saint-Paul, UK 89193), Nuremberg (Germanisches Nationalmuseum, inv. KG 644, UK 89211) et Reykjavik (musée national, inv. pjms 7032, UK 89270).
Il faut souligner le parti original de cette croix, comme en témoignent certains détails : la bordure gravée en zigzag entourant les médaillons émaillés, les boutons dorés et pointillés au cœurs des rosettes, la palette chromatique variée, dosée avec une savante symétrie, notamment pour le Christ en majesté. En raison de ces considérations, cette œuvre peut être donc attribuée à un maître au talent confirmé œuvrant dans la première décennie du XIIIe siècle.

I H S / X P S

au XIXe siècle, dans la collection de Charles van der Helle (1794-1868?), puis par héritage aux successeurs ; vente du 5 décembre 2018, Gros & Delettrez (Paris), lot n° 165 (vendue 10000 euros)