Croix composée à croisée en mandorle et empattements trilobés.
Sur l'avers, au centre, figure du Christ crucifié, souffrant, non couronné, avec un nimbe crucifère. Il est fixé par quatre clous au bois de la croix, émaillé de vert et orné de rinceaux, évoquant l'Arbre de Vie. Au-dessus, titulus abrégé sur deux lignes ; en bas, sur des monticules imbriqués, Adam sortant du tombeau (avec tête d'applique rapportée). Aux extrémités, figures gravés avec têtes classicisantes rapportées, sauf celle du bas : sur les côtés, Vierge et saint Jean ; en haut, ange et en bas, un personnage ailé en bas relief. Fond parsemé de disques et de rosettes inscrits dans des disques émaillés. Entre la plaque centrale et celles des extrémités, segments intermédiaires gravés de rinceaux et ornés de cabochons. Décor pointillé en réserve.
Au revers, au centre, plaque en mandorle avec le Christ en Majesté, couronné d'un nimbe crucifère et entouré de l' α et de l' ω. Fond parsemé de disques et rosettes émaillés. Aux extrémités, trois plaques avec les symboles des évangélistes (celle du bas manquante) : sur les côtés, le bœuf de saint Luc et le lion de saint Marc tenant le livre ; en haut, l'aigle de saint Jean tenant un grand rouleau. Sur les bras, le revêtement d'origine a disparu. Subsistent quatre plaquettes rondes émaillées (dont deux avec croisette, une avec une croix et une avec une rosette dentelée) et une plaquette carrée avec ange, placée sur la partie inférieure de la hampe.
Marie-Madeleine Gauthier a regroupé la croix de Tungufell avec cinq autres (cathédrale Saint-Paul de Münster, UK 89193 ; Saint Quentin, musée Lecuyer, inv. L358, UK 89278;Baltimore, Walters Art Gallery, inv. 44.76, UK 89023 ; Londres, Victoria & Albert Museum, inv. 575.1910, UK 89146; Hanovre, Kestner Museum, inv. 1890.48) comme formant un groupe homogène (1965, p. 97-105). Pour elle, les six croix sont si proches qu'elles proviennent certainement du même atelier et ont probablement été émaillées par la même personne dans un laps de temps assez court. Ce groupe possède des caractéristiques communes, comme la plaque en mandorle du revers, et le type iconographique du Christ d'applique de l'avers, tête nue et yeux clos. Ce type iconographique est emprunté à des modèles byzantins du XIIe siècle : la tête est légèrement inclinée, les bras sont quasiment droits, la chevelure descend jusqu'aux épaules et le périzonium jusqu'aux genoux ; les jambes sont à peine pliées et la gauche disparaît presque sous celle de droite. Ce groupe se distingue aussi par l'agencement très régulier des disques et des rosettes sur le fond bleu. La forme de la Vierge et du saint Jean de la croix de Münster est très proche de celle des figures de la croix de Tungufell. La qualité de cette dernière transparaît notamment dans la figure du Christ, mais aussi dans le travail des autres figures et de l'émail. Les détails présents sur les six croix amènent une datation dans la première décennie du XIIIe siècle. Ce point de vue est également soutenu par Thoby (1953, p. 43-48) et Geneviève François (1993, p. 85-120). Le personnage sur la partie inférieure de la hampe, sur l'avers, était originairement placé au revers, là où manque l'homme ailé, symbole de saint Matthieu évangéliste. La plaque est en bas relief ; sa tête présente un nimbe vert entouré d'un contour jaune, comme les trois autres évangélistes. Le symbole de saint Matthieu est aussi placé sur la partie inférieure de la hampe sur les croix de Münster, Hanovre, Baltimore et Londres. Le mauvais emplacement de la plaque est dû à l'histoire mouvementée de la croix. Le fait que le personnage était mal placé a été omis par M.M-. Gauthier (1965, 102), mais plus tard remarqué par Solhaug (2008, p. 215-216 ; 2011, p. 57, fig. 2, note 11).

IHS / XPS

α ω

D'après Hördur Ágústsson, la croix aurait été conservée à la cathédrale de Skálholt (Magnússon, 1990, p. 273f.). Les plaques, démontées en 1831, furent clouées à un panneau de bois noir formant la partie centrale d'un retable exécuté par Ófeigur Jónsson ; le panneau fut acheté par le musée le 4 octobre 1915. Mattías Þjorðarson détacha dix-huit plaques de ce panneau pour les remonter sur une nouvelle âme de bois en 1918 (cf. Ísl.árb. 1918, p. 33-35).

Photos CEM-CNRS : Corpus 7045 ; 7090, 7391, 7392