Lampe romaine : Vénus au bouc
Lampe à huile en terre cuite, au corps circulaire avec bec arrondi et plat sur le dessus et anse. Dans le disque, Vénus à demi nue est montée sur un bouc, qu’elle tient par les cornes. Le pelage du bouc, ses cornes, et la chevelure de la déesse sont figurées par des hachures incisées, dont seule la tête du bouc est épargnée. Le drapé de la déesse couvre le bas des jambes, retombant depuis l’épaule gauche et cachant un sein. Son visage est schématiquement indiqué, avec un œil triangulaire. L’orifice d’alimentation de l’huile est pratiqué au centre du disque, l’évent en partie antérieure, aligné avec l’orifice d’allumage du bec. Le disque, très concave, est entouré d’un sillon circulaire et bordé de deux petites protubérances à base carrée disposées diamétralement sur le marli, légèrement convexe et plat sur le dessus. Des petits points incisés se trouvent à la base de celles-ci, ainsi qu’à la base de l’anse et au départ du bec. Deux sillons verticaux ont été pratiqués sur l’anse. Sur la paroi oblique, l’anse rencontre le corps par une forme triangulaire. Le fond est circulaire et très légèrement concave, séparé de la paroi par un sillon. Il porte l’inscription IVNIALEXI. L'argile orange claire bien dépurée plutôt propre porte quelques concrétions gris/brun sur la face arrière. Une fissure court depuis la rencontre du fond et de la panse à l’avant gauche, passe par le bec dont la structure est menacée, et court parallèlement au bord de la surface supérieure sur la droite de l’objet. Quelques traces de l’aménagement du trou dans l’anse sont toujours visibles. Une lacune a peut-être été comblée immédiatement à droite du bec, où à l’arête l’argile est plus rouge qu’ailleurs.
Les insolites petites protubérances carrées sur le diamètre du marli de cette lampe la placent dans le type Deneauve VII C (Deneauve 1969, p. 188-191). À Carthage, celles-ci portent des marques identiques à celles du type VII A, qui apparaît vers le début de la seconde moitié du 1e siècle et continue au 2e siècle. Les protubérances carrées sont, pour leur part, analogues à celles des « Firmalampen », lampes originaires de la vallée du Pô, et qui tirent leur nom des marques d’atelier apposées en relief sur leur base.
La forme développée du nom de potier sur le fond, IVNIALEXI, devait être C(aius) Junius Alexius, connu aussi par d’autres signatures (CIVNALE, CIVNALEX et CIVNALEXI) attestées en Italie, en Gaule méridionale et en Afrique du Nord (Tunisie et Maroc actuels). Sa production date de la première moitié ou des années centrales du 2e siècle, dans un atelier qui n’est pas localisé avec précision, mais qui était possiblement en Afrique du fait de la prédominance de sujets tels que des bustes d’Afrique, des antilopes, lions, autruches. Une lampe du musée de Carthage porte justement elle aussi une représentation de Vénus chevauchant un bouc (Musée de Carthage, 896.13.81 ; LIMC VIII, 1997, p. 218 n° 295), bien que dans celle-ci la déesse ne tienne pas l’animal par les cornes. De fait, sa position précise ici semble assez inhabituelle, et manque de parallèles, même si l’iconographie d’Aphrodite ou Vénus au bouc n’est pas rare par ailleurs.
En effet, Aphrodite a porté à Athènes l’épiclèse Epitragia (« sur le bouc »). Ce terme apparait dans une inscription du temple de Dionysos au 2e siècle (IG II², 5115, 5148), ainsi que dans un passage de Plutarque : Thésée, ayant reçu l’ordre d’un oracle de sacrifier une chèvre à Aphrodite avant de partir en mer, vit l’animal se transformer en bouc (Plutarque, Thésée, 18). Ce passage a souvent été convoqué pour commenter l’iconographie d’Aphrodite chevauchant une chèvre ou un bouc, mais V. Pirenne-Delforge, à la suite de H. Jeanmaire, rejette le rapprochement avec le texte plutarquien, argüant que l’épiclèse tardive qu’il explique a dû être conçue indépendamment de l’iconographie. Celle-ci existe dès l’époque archaïque, et pour sa part appartiendrait plus généralement au motif d’Aphrodite chevauchant un animal (cf. LIMC VIII, 1997, p.218-219, n° 292-306), souvent au-dessus de la mer ; elle renverrait plutôt aux « affinités de la déesse avec le ciel ».
Bibliographie : L. Carton, Les Fabriques de lampes dans l'ancienne Afrique, Oran, 1916, p. 24-25 ; J. Deneauve, Lampes de Carthage, Paris, 1969, p. 188-191 ; V. Pirenne-Delforge, L'Aphrodite grecque. Contribution à l'étude de ses cultes et de sa personnalité dans le panthéon archaïque et classique, Athènes et Liège, 1994, p. 35-40 ; Bussière, Jean. Lampes antiques d'Algérie. Montagac : M. Mergoil, 2000 (coll. "Monographies Instrumentum", 16) ; Bémont, Colette et Chew, Hélène. Lampes en terre cuite antiques. Musée d'archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. Paris : Editions de la Réunion des Musées nationaux, 2007 ; Musée Archéologique de la Lampe à Huile Antique et de la Céramique, en ligne [URL : www.malhac.fr], consulté le 6 décembre 2021.
Auteur : Euan Wall
C(aius) Junius Alexius
Collection Jean-Baptiste Muret, vendue après sa mort par son fils Ernest à Arnold Morel Fatio, qui la donne au musée en 1867.
Musée Archéologique de la Lampe à Huile Antique et de la Céramique