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[1820, peinture, rapport Institut séance publique annuelle]Rapport imprimé sur les envois de Rome, p [...]

Statut
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flechlei
Dernière modification
15/03/2022 09:30 (il y a environ 2 ans)
Type de document
Description
[1820, peinture, rapport Institut séance publique annuelle]
Rapport imprimé sur les envois de Rome, peinture, 1820
TYPE : rapport de la séance publique annuelle de l'Académie des beaux-arts
AUTEUR : Anonyme
TITRE : Institut Royal de France // Séance publique de l'Académie royale des beaux-arts // Du 7 octobre 1820 // Présidée par M. le baron Gérard
PAGE DE TITRE : Rapport de l'Académie royale des beaux-arts sur les ouvrages envoyés par MM. les pensionnaires du Roi à l'Académie Royale de France à Rome
LIEU DE REDACTION : Paris
DATE : 07/10/1820
SOURCE : Leniaud, 2002, p. 546-549
COMMENTAIRE : En 1820, un seul envoi de sculpture a été expédié à Paris.
Descriptions
Transcription : 
Messieurs, // L'Académie met au nombre de ses devoirs les plus chers et de ses travaux les plus utiles, de surveiller dans la direction de leurs études ceux qui, après avoir obtenu la pension du Roi à Rome, livrés désormais à eux-mêmes dans des travaux indépendants, doivent justifier chaque année, par leurs progrès, de l'emploi qu'ils font des faveurs du gouvernement. / Ce n'est pas sans raison que, dans cette solennité où se décernent les couronnes aux nouveaux athlètes sortis vainqueur du concours des écoles [p. 546] elle se plaît à faire reparaître ceux qui les ont précédemment remportées. C'est en quelque sorte un nouveau concours d'émulation réciproque qui montre aux uns les rivaux qu'ils auront à égaler, rappelle aux autres l'obligation de ne pas se laisser devancer et annonce à tous qu'ils sont toujours sous les yeux de leurs juges. / Cette surveillance sévère à la fois et paternelle n'a rien dont la liberté que le génie réclame puisse s'effrayer. La critique qu'exerce l'Académie n'a ni la rigueur souvent minutieuse de celle des Écoles, ni l'incertitude trop souvent trompeuse de l'opinion publique. La critique de l'Académie est la voix d'un ami, le langage d'un conseil éclairé sans passion comme sans intérêt ; et à quel âge de la vie n'a-t-on pas besoin de semblables conseils ? Mais c'est surtout dans le cours de leurs études à Rome, qu'ils sont nécessaires. C'est à ce point où le talent jouit encore de cette flexibilité qui se prête au changement et où les meilleures qualités peuvent prendre une direction vicieuse qu'un franc et salutaire avis peut décider pour toujours de la vocation dans le bien, ou ramener dans de meilleures voies, l'artiste que trop de confiance en lui-même pourrait égarer. / L'envoi des ouvrages de MM. les Pensionnaires de l'Académie de Rome peu considérable cette année parce qu'il promet un double envoi pour l'année prochaine, nous offre l'occasion d'appliquer à quelques-uns une partie de ces considérations. / L'Académie a vu avec un vif intérêt que M. Alaux a fait depuis l'an passé des progrès remarquables. Il fut, sur sa figure de fleuve, loué et critiqué à peu près également. Cette année, la part de l'éloge s'est accrue et l'emporte de beaucoup sur celle de la critique. Disons aussi que l'ouvrage est d'une bien plus grande importance. C'est un groupe de Thésée colossal combattant le Centaure. La composition a quelque chose de nouveau et d'original. Le héros monté sur la partie du monstre qui est celle d'un cheval, s'est assuré de la victoire, que la fuite de son ennemi ne saurait lui dérober. Il n'a plus à combattre que l'autre moitié, et tout, dans l'action, présage la défaite de son rival. / Peut-être eût-il été à désirer que pour éviter l'idée d'enlèvement, qui semble résulter de sa position, le héros eût été moins à cheval sur le Centaure ; que placé plus en arrière, il y eût plus de distance entre les deux corps, ce qui eût donné des développements plus heureux aux bras, plus de clarté à l'action, plus de variété aux mouvements. / Du reste, toutes les parties qui constituent l'art, marchent dans cet ouvrage d'un pas à peu près égal. Sauf quelques embarras d'attitudes, la composition est satisfaisante, la couleur est bonne, le dessin est correct, l'exécution est à la fois ferme et facile, la vérité et le choix dans les formes se trouvent dans un juste milieu et l'aspect général satisfait à la fois la raison et les yeux. / [p. 547] Le tableau d'Ulysse reconnu par son chien, est le premier ouvrage de M. Hesse à Rome et, s'il ne nous donne pas encore la mesure de ce qu'il pourra faire, il nous donne déjà de bonnes garanties de son zèle. Il faut regarder son Ulysse comme de ces figures que l'auteur destine, sous un titre d'emprunt, à montrer le besoin qu'il a d'ennoblir une étude d'après nature et d'en agrandir le caractère et les formes. De là peut-être cette prétention à une simplicité de pose, à une certaine uniformité de lignes, et à une sorte de roideur, genre d'excès, où le manque d'expérience fait tomber ceux qui veulent éviter ce qu'on appelle la manière. Ce peu de mots suffira pour faire comprendre à l'auteur, que l'antique sur lequel il a voulu se régler, ne manque jamais de variété dans l'unité d'action ni de justes oppositions dans les attitudes les plus simples. Un peu trop de monotonie dans la couleur contribue encore à donner au tableau un aspect pesant et triste. La jeunesse de l'artiste peut déjà lui servir d'excuse ; mais pourquoi ne dirions-nous pas que cette tâche annuelle, commandée par le devoir, a été commencée sous les plus tristes auspices ? Absorbé par le chagrin d'avoir perdu dans une même semaine son père et sa mère, M. Hesse ne chercha de consolation que dans son art ; un sentiment pénible n'a-t-il pas dû influer sur ses facultés et répandre une sorte de nuage sombre sur son imagination ? / Un tableau de M. Cogniet qui représente une Jeune chasseresse aurait mérité tous les suffrages de l'Académie si cette charmante composition ne semblait être sous l’influence d’un ciel un peu trop privé de soleil. Elle aurait pu supporter toute espèce de lumière et de clarté. Plus on la regarde, plus on y découvre de qualités et de mérites qui la recommandent. Grâce et sentiment dans la pensée, exécution facile et spirituelle, dessin vrai, agréable et fin ; tout a de l'intérêt. Pourquoi un parti d'ombre un peu trop ressenti prive-t-il de son effet le caractère charmant de la tête, et laisse-t-il le spectateur dans le doute du plaisir qu'il éprouve ? On ne saurait quitter ce tableau, sans y relever le mérite accessoire du paysage et de la manière dont il est touché. / Nous avons cette année, de M. Michallon, un grand paysage composé dans le genre historique. Le sujet est Oedipe à Colone se réfugiant près du temple des Euménides. Il y avait dans ce sujet un beau motif d'histoire et de paysage. C'est Athènes qui doit servir de fond. C'est le temple des Euménides et son bois sacré qui feront le devant du tableau. Oedipe et Antigone seront les figures principales, et d'autres personnages établiront une liaison entre elles et les citoyens d'Athènes. Serait-il possible que la double scène qui se peint à l'imagination dans ce sujet, et que le théâtre sait rendre par ses changements de décorations ait induit l'artiste en erreur sur ce mérite d'unité si nécessaire dans tous les arts, mais principalement en peinture ? On serait porté à le croire, en voyant [p. 548] avec quelle égalité il a partagé son tableau en deux, sous le rapport de la composition et de l'effet. Toutefois, M. Michallon a fait preuve dans cet ouvrage comme dans les précédents d'une exécution très facile. Il lui faut désormais apprendre à se rendre difficile sur sa facilité. L'étude attentive de la nature lui donnera cette dernière leçon. Il a déjà trop bien réalisé les espérances qu'on a conçues de son talent, pour qu'on puisse douter qu'il doive les remplir entièrement. [...] [p. 549] Nous ne retarderons pas davantage le moment attendu avec impatience par les concurrents qui nous écoutent ; ce moment où leurs noms enfin proclamés, vont être inscrits au nombre de ceux, sur qui l'École française va fonder de nouvelles espérances. / Oui, jeunes artistes, vos maîtres ont d'autant d'empressement à vous décerner ces couronnes que vous en avez eu à les obtenir. Vos triomphes sont aussi les leurs ; vos joies font leurs plaisirs, et ils ont une part dans vos récompenses. A la veille de vous séparer d'eux, entendez encore leur voix. Considérez ces couronnes qui brillent à vos yeux, moins comme le prix de vos succès, que comme un gage des succès nouveaux auxquels vous êtes appelés. Songez que dans la nouvelle carrière où vous entrez, de plus grandes difficultés vous attendent ; que plus vous avancerez plus la route sera pénible, et que c'est au bout de la course que l'athlète doit redoubler d'efforts. Comptez que les yeux de l'Académie ne cesseront point de veiller sur vous. / Allez et portez au-delà des Alpes cette ardeur qui vous anime et qu'exigeront de plus importantes études. Allez puiser à la source des beaux exemples et des grandes leçons. Perpétuez à Rome l'honneur de cet établissement qui fut une des grandes pensées du grand roi, dont les projets embrassant le présent et l'avenir, sont devenus des institutions durables. Que vos progrès soient la meilleure expression de votre reconnaissance envers le Monarque qui nous gouverne et qui ne cesse d'ajouter par ses bienfaits aux bienfaits de ses prédécesseurs. / Que l'époque d'espérance et de bonheur à laquelle s'attache le jour de cette solennité, vous rappelle sans cesse ce qu'a fait pour les beaux-arts cette longue suite de Princes qui en furent les plus zélés protecteurs. Dites à ceux que vous allez rejoindre ce que la France espère de l'événement miraculeux qui lui promet un nouvel Henri IV. / Et, si le ciel veut qu'avec le cours des années, l'ordre de la nature appelle à porter la couronne cet héritier de tant de rois, faites qu'une nouvelle génération de talents succède aussi à celle qui auront illustré les règnes de ses ancêtres ; faites qu'il vous voit un jour assis aux places qu'auront occupé vos maîtres ; faites qu'il trouve en vous de dignes soutiens de la gloire du nom français, de nouveaux ornements d'un trône qui reçut toujours des beaux-arts une partie de son lustre, et auquel les arts seront toujours fiers de devoir leur éclat et leur prospérité.
Localisations
Cote / numéro : 
Paris, Bibliothèque de l'Institut, 4° AA 34 (usuel), 1820-1821, tome 3, p. 2-5 (1820)
Bibliographies / archives
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Rédacteur
France Lechleiter