[1839, peinture, rapport Institut à AFR]Rapport sur les envois de peinture de 1839TYPE : rapport de [...]
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Description
[1839, peinture, rapport Institut à AFR]
Rapport sur les envois de peinture de 1839
TYPE : rapport de l'Institut de France à Académie de France à Rome
AUTEUR : Anonyme
PAGE DE TITRE : Institut Royal de France // Académie des Beaux-Arts // Rapport sur les ouvrages envoyés de Rome par les Pensionnaires de l’Académie Royale de France pour l’année 1839
LIEU DE REDACTION : Paris
DATE : 1839
Rapport sur les envois de peinture de 1839
TYPE : rapport de l'Institut de France à Académie de France à Rome
AUTEUR : Anonyme
PAGE DE TITRE : Institut Royal de France // Académie des Beaux-Arts // Rapport sur les ouvrages envoyés de Rome par les Pensionnaires de l’Académie Royale de France pour l’année 1839
LIEU DE REDACTION : Paris
DATE : 1839
Descriptions
Transcription :
[f°531] L'Académie a toujours placé au premier rang de ses devoirs celui de rendre compte des travaux des pensionnaires de l'École de Rome, en y joignant le jugement qu'elle en porte. Tant de causes, qui agissent sur le goût général d'un pays ou d'une époque, et qui se réfléchissent dans cette École, peuvent produire dans la marche de l'art des déviations plus ou moins graves, qu'il importe à l'honneur de cette belle institution, comme à l'intérêt même des jeunes talents sur qui reposent tant d'espérances, que la voix de l'autorité, cette voix, qui n'est que celle de l'expérience, se fasse constamment entendre pour diriger les efforts, ou pour prévenir les écarts. C'est ainsi que l'Académie, tout en secondant le zèle de M. le Directeur de l’École de Rome, et en s'associant à toute sa sollicitude, s'efforce de remplir la haute mission qu'elle a reçue de maintenir l'art dans [f°531bis] une sage direction, de le prémunir à la fois contre le goût de l'innovation et contre la manie de l'imitation, ces deux écueils, entre lesquels il doit toujours marcher d'un pas ferme et sûr, sans jamais dévier vers l'un ou l'autre ; et c'est ainsi que l'École de Rome, condite ou ramenée, grâce à cet heureux accord des soins de son directeur et des conseils de l'Académie, dans la droite voie, qui estu celle de la nature et de la vérité, peut devenir, pour tout un art qui tendrait à s'égarer, une leçon utile et un exemple salutaire. // Peinture // Quatre tableaux d'étude, une Esquisse et un paysage, composent l'envoi de cette année en peinture. / L’Académie a regretté qu’une figure dessinée n’accompagnât ces peintures, quand les règlements en font une obligation et quand l’accomplissement de ce travail, négligé depuis plusieurs années, devient d’année en année d’une utilité plus sensible. Elle exprime, en conséquence, le vœu que les pensionnaires soient ramenés à l’observation de cette partie des règlements. / Ce qui frappe au premier aspect dans les peintures qui forment l’envoi de cette [f°532] année, c'est une certaine couleur générale, qui semble trahir une de ces tendances systématiques, contre lesquelles l’Académie a toujours cru de son devoir de prémunir les pensionnaires de Rome. Déjà l'année dernière, elle avait signalé, dans l’ensemble de leurs travaux, une marche qu’elle jugeait contraire au développement naturel de leurs talents. En voyant, par l’envoi de cette année, que ce qui n’était encore qu’une tendance chez quelques-uns, devient presque une manière commune à tous, c’est pour l’Académie un devoir plus impérieux de renouveler ses avis avec plus de force, et de mettre, à son regret, plus de sévérité encore dans ses jugements. / A l’exception du tableau de M. Jourdy qui est une copie d’après Raphaël, les autres morceaux d’étude, aussi bien que le paysage même et l’esquisse, offrent tous à un degré plus ou moins prononcé, cette manière de convention, qui ne peut que fausser le talent naturel des artistes, et entraîner l’art lui-même dans une direction vicieuse. / Le tableau de M. Roger, qui est le morceau le plus considérable de cet envoi, est malheureusement aussi celui où le défaut qu’on [f°532bis] vient de reprendre, se montre de la manière la plus sensible. Ce pensionnaire parvenu au terme de ses études, devait un tableau d'histoire de sa composition, de plusieurs figures de grandeur naturelle. Le sujet qu’il s’est donné est la Prédication de saint Jean. Le sujet, certainement bien choisi, prêtait à de beaux mouvements ; mais on regrette d'avoir à dire que, dans la manière dont il est rendu par l’artiste, il n'est pas suffisamment senti. Sans doute envisagée sous le point de vue purement pittoresque, la composition ne manque pas de mérite. Les figures sont généralement bien placées et groupées avec intelligence ; plusieurs de ces figures sont ajustées avec goût et, dans le nombre, on se plaît à signaler la femme assise, au-devant du Précurseur, l’autre femme, jeune, assise en face, vêtue d’une tunique rose, et le personnage debout enveloppé d’un manteau rouge ; on aime aussi à reconnaître que la figure de saint Jean-Baptiste est bien conçue ; sa pose est naturelle, son action, juste et vraie, et sa tête, d’un caractère bien approprié au sujet. Mais c’est sous un rapport plus important, sous celui de l'effet moral, que cette composition donne lieu à de justes reproches. Il y règne une [f°533] froideur qui peut tenir en grande partie à l’exécution. On ne trouve pas ici l'émotion qu’on voudrait voir sur le visage et dans l'attitude des personnages, qui sont simplement placés à côté l’un de l’autre ; en sorte que si l’on retranchait la figure de saint Jean, qui, seule, exprime bien le sujet, on ne saurait dire à quel spectacle assistent ces hommes, ces femmes, ces enfants, si tranquillement assis ou debout. Dans le nombre de ces figures, il en est une qui offre une image tout à fait inconvenante pour la gravité d’un pareil sujet, c’est celle du personnage nu, étendu par terre sur le devant du tableau, dans une attitude où l’on ne peut s’empêcher de reprendre, à la fois, la nonchalance de la pose, qui contraste avec le sujet, et la nudité, qui choque d’autant plus que c’est la seule figure nue du tableau. Quant à l’exécution, on regrette d’avoir à dire qu’elle ne rachète pas ce que l’on trouve à reprendre dans la composition. La couleur des chairs, celle des draperies et celle du terrain, tout est d’une égalité de ton, [rayé : une phrase ill. ; mis à la place : en même temps l’exécution est d’une mollesse et d’une monotonie qui] nuisent beaucoup à l’effet. Ces défauts doivent tenir en partie à l’inexpérience de l’artiste qui se montre surtout dans la disposition du fond, dont le ton est de la même valeur que les ombres du reste du tableau, ce qui contribue encore à en diminuer l’effet. [f°533bis] En insistant sur ces défauts, dont quelques-uns peuvent aisément se corriger par une harmonie de couleurs mieux entendue, l'Académie remplit un devoir qui lui coûte infiniment, en présence des souvenirs qu’elle a conservé des précédents ouvrages de M. Roger ; la plupart marqués au coin d’un talent naturel et exempt de manières. L’heureux début de cet artiste avait fait concevoir des espérances qui restent encore entières, grâce au noble sentiment qui le porte à profiter de conseils sévères, au lieu de s’en laisser décourager. On en voit l’effet dans ce tableau même, si sévèrement jugé, et qui, comparé à celui de l’année dernière, offre un dessin plus grand, plus empreint de caractère historique. C’est ce que l’Académie aime à reconnaître, et ce qui doit justifier aux yeux de M. Roger lui-même, l’intérêt qu’elle lui porte, et qui éclate jusque dans la sévérité qu’elle lui témoigne. / M. Jourdy pour sa quatrième année, devait la copie d'un tableau ou de fragments peints d'après un grand maître. Il envoyé celle d'un groupe de quatre figures, tiré des fresques de la Farnésine. L’Académie n’a rien à dire de ce travail, considéré en lui-même, si ce n’est qu’il est aussi exact et aussi satisfaisant [f°534] sous le rapport de l’exécution, qu’on peut le désirer pour une peinture à l’huile faite d’après une fresque. Mais quant au choix du modèle, qui devrait toujours être fait dans l’intérêt des études de l’artiste, on ne peut s’empêcher de regretter qu’il ait pris pour sujet de sa copie, un de ces ouvrages de Raphaël, qui, formant un vaste ensemble de décoration, perdent quelquefois à être détachés de la composition dont ils font partie. / Les règlements imposaient encore à M. Jourdy l’obligation d’une composition ou esquisse peinte de deux pieds au moins et ne comprenant pas moins de douze figures. L’esquisse qu’a envoyée ce pensionnaire, et qui a pour sujet Le Christ retirant des limbes les âmes des justes morts sans baptême, se trouve bien matériellement dans les conditions prescrites. Mais, en ne satisfaisant qu’à cette partie du règlement, on peut dire que la dette de M. Jourdy reste encore entière. Son travail est tellement faible, sous le rapport de l’exécution et de la couleur, comme sous celui de la composition, que l’on s’abstient d’en porter un jugement détaillé. En présence d’une pareille esquisse, ce que l’Académie se doit à elle-même et ce qu’elle doit aux pensionnaires placés sous sa direction, c’est de leur déclarer que [f°534bis] des travaux où il entre si peu de pensée et d’étude, ne remplissent en aucune façon les obligations qui leurs sont prescrites et ne répondent point au but de l’institution. Une esquisse est la pensée d’un tableau ; c’est là qu’un artiste doit montrer tout ce qu’il a d’invention, d’âme et de goût, en même temps que ce qu’il a déjà acquis d’habileté et de pratique. En mettant ce travail presque au terme des études du pensionnaire à Rome, on a voulu qu’il y fit preuve du résultat de ses études suivies durant quatre années, au milieu de tous les chefs-d’œuvre de l’art, et qu’enfin son esquisse de la quatrième année préludât dignement à son tableau de la cinquième. Que M. Jourdy se juge lui-même d’après ce principe et qu’il dise si c’est là ce qu’on devait attendre de lui en fait d’esquisse et ce qu’on doit s’en promettre en fait de tableau. /
M. Papéty a envoyé, pour son travail de seconde année, une figure de femme couchée dans un appartement décoré à la manière antique. La figure est bien modelée et bien dessinée ; le torse est peint avec talent, et il règne, dans toute cette figure, une souplesse de dessin et une grâce d'exécution qui ont droit à beaucoup d'éloges. Mais, en même temps, on regrette qu'il [f°535] y ait de la monotonie dans la couleur ; qu'en particulier, les extrémités de la figure se montrent privées de chaleur et de vie et que l'effet général soit détruit par le ton noir et lourd du fond, où l'on trouve encore à reprendre la petite figure qui semble plutôt peinte sur ce fond, qu'elle n'apparaît comme une figure réelle et qui n’offre d’ailleurs qu’une réminiscence de trop peu de mérite. Du reste, l’Académie se plaît à reconnaître dans cet ouvrage de M. Papety un progrès réel et une amélioration marquée sur son précédent envoi ; et elle ne l’en exhorte qu’avec plus de confiance à redoubler d’efforts pour achever de se dégager de cette manière systématique dont son travail porte encore l’empreinte. / M. Blanchard, qui avait à remplir les mêmes obligations pour sa deuxième année, n'a malheureusement pas droit aux mêmes éloges. Le sujet de sa figure est Hercule reprenant les bœufs que Cacus lui avait dérobés. Le principal défaut de ce tableau, c'est que la composition, évidemment empruntée d'un bas-relief antique, s'applique mal à la peinture. La figure [rayé : n’est point ; mis à la place : sans être] mal modelée [rayé : mais elle], n’est pas bien dessinée dans son mouvement. La couleur est froide, et le ton lourd. Il y a pourtant dans [f°535bis] l'exécution de cette figure, comparée à celle de l'année dernière, des progrès qui donnent lieu d'en espérer de plus sensibles. On ne saurait nier non plus qu’il y ait quelque chose de large dans l’effet de ce tableau. / M. Murat a envoyé pour sa première année un tableau de deux figures, dont le sujet est pris de l'histoire de Tobie. C'est surtout à ce point de leur carrière, lorsqu'ils en sont aux premiers fruits de leur séjour à Rome, qu'on doit à ces jeunes artistes des avertissements sévères. On dira donc sans ménagement à M. Murat que sa composition pèche doublement, en ce que le caractère du récit biblique n'y est pas rendu, et que, sous le rapport pittoresque, elle est maladroite. Les deux figures s’agencent mal ; le groupe manque de naïveté dans l'exécution ; le mouvement de Tobie est faux, et la figure n'est pas étudiée. À côté de ces défauts, l'Académie aime à reconnaître qu’il y a, dans le tableau de M. Murat, du large dans la lumière, avec une certaine franchise d’effet. / M. Buttura qui se trouve dans le même cas que le précédent, c’est-à-dire [f°536] à sa première année, ne sera pas surpris de recevoir, au même titre, des conseils empreints d’une égale sévérité. L’envoi de ce pensionnaire se compose d’une Vue du Val d’Enfer, lieu de retraite de saint Benoît près de Subiaco. On ne saurait dire que l’aspect général de ce paysage ne soit pas, jusqu’à un certain point, satisfaisant par un air de vérité locale. Mais [rayé : d’abord le site n’est pas d’un bon choix, ni sous le rapport des formes du terrain, ni sous celui des arbres, et] la représentation [rayé : trois mots ill. ; mis à la place : du site n’est] pas suffisamment exacte. Les premiers plans manquent de ton et d’effet, aussi bien que de force et d’ampleur ; on y désirerait plus de vigueur et de variété. Les arbres, surtout ceux qui sont dans le fond du vallon, sont mal étudiés. En général, ce tableau manque d’air et l’on n’y reconnaît aucune des combinaisons qui tendent à mettre chaque objet à sa place. Ce n’est donc point là une de ces études de paysages choisies avec toute l’intelligence et exécutées avec tout le soin qu’on est en droit d’attendre du talent de M. Buttura.
M. Papéty a envoyé, pour son travail de seconde année, une figure de femme couchée dans un appartement décoré à la manière antique. La figure est bien modelée et bien dessinée ; le torse est peint avec talent, et il règne, dans toute cette figure, une souplesse de dessin et une grâce d'exécution qui ont droit à beaucoup d'éloges. Mais, en même temps, on regrette qu'il [f°535] y ait de la monotonie dans la couleur ; qu'en particulier, les extrémités de la figure se montrent privées de chaleur et de vie et que l'effet général soit détruit par le ton noir et lourd du fond, où l'on trouve encore à reprendre la petite figure qui semble plutôt peinte sur ce fond, qu'elle n'apparaît comme une figure réelle et qui n’offre d’ailleurs qu’une réminiscence de trop peu de mérite. Du reste, l’Académie se plaît à reconnaître dans cet ouvrage de M. Papety un progrès réel et une amélioration marquée sur son précédent envoi ; et elle ne l’en exhorte qu’avec plus de confiance à redoubler d’efforts pour achever de se dégager de cette manière systématique dont son travail porte encore l’empreinte. / M. Blanchard, qui avait à remplir les mêmes obligations pour sa deuxième année, n'a malheureusement pas droit aux mêmes éloges. Le sujet de sa figure est Hercule reprenant les bœufs que Cacus lui avait dérobés. Le principal défaut de ce tableau, c'est que la composition, évidemment empruntée d'un bas-relief antique, s'applique mal à la peinture. La figure [rayé : n’est point ; mis à la place : sans être] mal modelée [rayé : mais elle], n’est pas bien dessinée dans son mouvement. La couleur est froide, et le ton lourd. Il y a pourtant dans [f°535bis] l'exécution de cette figure, comparée à celle de l'année dernière, des progrès qui donnent lieu d'en espérer de plus sensibles. On ne saurait nier non plus qu’il y ait quelque chose de large dans l’effet de ce tableau. / M. Murat a envoyé pour sa première année un tableau de deux figures, dont le sujet est pris de l'histoire de Tobie. C'est surtout à ce point de leur carrière, lorsqu'ils en sont aux premiers fruits de leur séjour à Rome, qu'on doit à ces jeunes artistes des avertissements sévères. On dira donc sans ménagement à M. Murat que sa composition pèche doublement, en ce que le caractère du récit biblique n'y est pas rendu, et que, sous le rapport pittoresque, elle est maladroite. Les deux figures s’agencent mal ; le groupe manque de naïveté dans l'exécution ; le mouvement de Tobie est faux, et la figure n'est pas étudiée. À côté de ces défauts, l'Académie aime à reconnaître qu’il y a, dans le tableau de M. Murat, du large dans la lumière, avec une certaine franchise d’effet. / M. Buttura qui se trouve dans le même cas que le précédent, c’est-à-dire [f°536] à sa première année, ne sera pas surpris de recevoir, au même titre, des conseils empreints d’une égale sévérité. L’envoi de ce pensionnaire se compose d’une Vue du Val d’Enfer, lieu de retraite de saint Benoît près de Subiaco. On ne saurait dire que l’aspect général de ce paysage ne soit pas, jusqu’à un certain point, satisfaisant par un air de vérité locale. Mais [rayé : d’abord le site n’est pas d’un bon choix, ni sous le rapport des formes du terrain, ni sous celui des arbres, et] la représentation [rayé : trois mots ill. ; mis à la place : du site n’est] pas suffisamment exacte. Les premiers plans manquent de ton et d’effet, aussi bien que de force et d’ampleur ; on y désirerait plus de vigueur et de variété. Les arbres, surtout ceux qui sont dans le fond du vallon, sont mal étudiés. En général, ce tableau manque d’air et l’on n’y reconnaît aucune des combinaisons qui tendent à mettre chaque objet à sa place. Ce n’est donc point là une de ces études de paysages choisies avec toute l’intelligence et exécutées avec tout le soin qu’on est en droit d’attendre du talent de M. Buttura.
Localisations
Institution :
Cote / numéro :
20180612/1-248, fol. 530-545
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Rédacteur
France Lechleiter