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[1815-1816, peinture, rapport Institut séance publique annuelle]Rapport imprimé de l'Institut sur le [...]

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15/03/2022 09:31 (il y a plus de 2 ans)
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Description
[1815-1816, peinture, rapport Institut séance publique annuelle]
Rapport imprimé de l'Institut sur les envois de 1815 examinés en 1816, peinture
TYPE : rapport de la séance publique annuelle de l'Académie des beaux-arts
AUTEUR : Anonyme
TITRE : Rapport sur les ouvrages de peinture, architecture et gravure en pierres et en médailles, lu à la séance publique de l'Académie royale des beaux-arts, du 5 octobre 1816, par M. Girodet-Trioson
LIEU DE REDACTION : Paris
DATE : 05/10/1816
COMMENTAIRE : il s'agit des envois exécutés pour l'année 1815 mais jugés en 1816 car les œuvres ne sont arrivées à Paris qu'après la tenue de la séance publique annuelle de 1815. Le registre 2 E 6 conservé aux archives de l'Institut (Séance Publique du Samedi 5 octobre 1816, p. 137) ne présentent pas de transcription du rapport sur les envois de Rome examinés en 1816.
Descriptions
Transcription : 
[p. 11] Messieurs, / L’Académie royale des beaux-arts dont je m’honore d’être en ce moment l’organe, s’est fait rendre compte cette année, suivant son usage, des travaux de messieurs les artistes pensionnaires du roi qui, précédemment couronnés aux concours des grands prix de Paris, ont obtenu de Sa Majesté la faveur d’aller achever leurs études et perfectionner leurs talents sous le beau ciel de l’Italie. C’est le résumé des jugements de ces commissions que je vais avoir l’honneur de vous exposer. Je les ferai précéder de quelques considérations sur l’état actuel de l’École française de [p. 12] Rome et sur les principes d’études qui doivent diriger les élèves qui y sont admis ; considérations pour lesquelles, au nom de l’Académie, je sollicite également votre attention et votre indulgence. / Destinée par la munificence de Louis XIV à former une pépinière de grands artistes, l’École de France à Rome a vu se mûrir dans son sein la plupart de nos plus célèbres talents depuis sa fondation jusqu’à nos jours. La Révolution, qui n’a rien épargné, avait pu seule lui porter atteinte, mais le mal est réparé et désormais, à l’abri de ses funestes influences, cette utile institution a repris sa stabilité qu’avaient ébranlée nos convulsions politiques. L’Académie a dû être satisfaite non seulement des travaux de MM. les pensionnaires et de l’activité de leur zèle mais, ce qui est encore plus honorable pour eux, de la sagesse de leur conduite dans ces circonstances difficiles. Ils ont continué de mériter cette année les mêmes éloges et, si leurs progrès ont pu par intervalles paraître quelques stationnaires, c’est que le génie nécessairement inégal dans sa marche a d’ailleurs, ainsi que toutes nos autres facultés, ses moments de langueur et de sommeil et que la fortune a sa part dans tous les genres de succès comme dans tout ce qui tient à l’humanité. Cependant et malgré les jugements sévères que le devoir de l’Académie et surtout le vif intérêt que lui inspirent MM. les pensionnaires lui ont fait porter sur quelques-uns de leurs derniers ouvrages, il se trouvera encore une assez grande part aux éloges pour qu’elle ose espérer que l’analyse succincte de leurs travaux, pendant l’année qui vient de s’écouler, serait favorablement accueillie de l’auditoire éclairé que l’amour des beaux-arts réunit aujourd’hui dans leur sanctuaire. La marche obligée des études nécessite, messieurs, la connaissance parfaite et l’application judicieuse des principes. C’est le fil qui doit guider l’artiste dans le labyrinthe. Sans eux, sans [p. 13] les règles qui en dérivent, le génie, tel qu’un vaisseau sans boussole, s’égare dans sa route. Semblable au téméraire Icare, plus il veut s’élever, plus sa chute est inévitable. / Mais les règles seules seraient insuffisantes et s’il est constant que le but des arts est de plaire et de toucher, le sentiment sera toujours le seul principe vivifiant de toutes leurs productions. Prométhée avait formé l’homme avec de l’argile, ses proportions étaient parfaites, sa beauté régulière, cependant ce n’était que de l’argile avant que Minerve lui eût donné une âme. / C’est cette âme, ce feu sacré qui guide même à son insu l’artiste dans le choix, dans la composition de son sujet et dans l’expression de ses figures. C’est elle qui dirige sa main lorsqu’elle trace les caractères sublimes et variés de la beauté, toujours en harmonie avec des pendants déterminés et par conséquent intimement liée à des idées morales. C’est par elle que la grâce, ce don divin et indéfinissable, s’exhale comme un suave parfum de ses moindres conceptions. Heureux l’artiste doué de ce magique présent du ciel ! Lui seul fera parler la toile, soupirer le marbre ou l’airain ; lui seul sous ses doigts émus, dans les vibrations de la corde sonore fera gémir la douleur, tressaillir l’allégresse et palpiter l’amour…La sévère architecture même, qui pour l’œil vulgaire n’opère que l’équerre et le compas à la main, éprouve comme ses nobles sœurs, de hautes et célestes inspirations. N’étaient-ils guidés que par de froids calculs, ces artistes sublimes, qui dans la Grèce antique élevèrent à ses dieux des temples dignes de l’Olympe même, où l’homme n’entrait jamais sans être atterré de l’idée de son néant et de l’immensité de la puissance divine ? N’obéissaient-ils qu’aux lois mécaniques de la construction, ces artistes graves et mélancoliques qui, sur ces mers de sable que le Nil féconde, dédaignant d’appliquer leurs travaux aux habitations [p. 14] éphémères des générations contemporaines, n’ont consacré les fortes conceptions de leur génie qu’aux tombeaux des rois, aux dieux et à l’éternité ? / N’exigeons point, messieurs, du génie encore adolescent, des chefs-d’œuvre que le génie dans sa maturité ne produit même encore que rarement. Toutefois si la censure sévère peut être utile, c’est sans doute pour l’élève qui, libre du frein de ses premiers maîtres, essaie son jeune essor dans l’immense et périlleuse carrière dont son audace inexpérimentée n’a calculé ni l’étendue ni les dangers. C’est dans ce moment surtout qu’une tutelle officieuse doit veiller de loin sur lui et réprimer les écarts où son enthousiasme même peut l’entraîner. Et tel est le devoir de l’Académie envers MM. les pensionnaires comme envers le gouvernement qui l’a honoré de sa confiance. / Au moment où l’élève couronné obtient par son triomphe la faveur d’être admis à l’École de Rome, l’Académie n’avait presque exigé de lui que la pratique exercée des parties techniques, parce que ces qualités fondamentales constituent essentiellement le langage propre des beaux-arts. Mais elle lui prescrit bientôt l’obligation de perfectionner ses ouvrages par l’emploi de celles qui dérivent de la faculté de réfléchir plus exercée et du don de sentir. Elle veut qu’en présence de l’antique, des grandes écoles d’Italie et de la nature si belle sous cet heureux climat, entouré de jeunes et ambitieux rivaux comme lui dans la puberté du talent, l’élève, plein d’ardeur lorsqu’il prélude à ses chefs-d’œuvre lointains, lorsqu’il rêve sa renommée future, ne fasse pas, triste jouet de funestes illusions, un vain songe de talent et de gloire. Loin donc, lui dit-elle, loin les méditations oisives, loin les serviles imitations, loin surtout les systèmes novateurs ! Mais elle sait distinguer l’enthousiasme du délire, elle sait que les génies d’une certaine trempe ont la conscience de leurs forces même non encore éprouvées, elle sait enfin qu’un instinct sûr, rapide et qui précède [p. 15] leur volonté même, leur fait ou s’approprier des larcins heureux, ou atteindre du premier bond à des hauteurs inaccessibles aux talents vulgaires. Tel Raphaël dérobait à l’antique des beautés auxquelles son génie imprimait le charme de sa grâce divine, tel le Corrège simple artisan dont la science se bornait à préparer les couleurs et l’enduit des murs qui devaient le recevoir, conduit par son heureuse destinée devant un chef-d’œuvre de Raphaël, s’écriait d’une inspiration soudaine : Anch’io son pittore, « et moi aussi je suis peintre » / Ces considérations importantes, appliquons les, messieurs, aux derniers travaux de MM. les artistes pensionnaires à Rome, et nous pourrons nous former une juste idée des espérances qu’ils donnent pour l’avenir. L’analyse très brève de ces ouvrages va vous être présentement soumise. / MM. les pensionnaires peintres ont tous manifesté par l’importance de leurs morceaux d’études et le soin qu’ils ont mis à les exécuter, combien ils étaient jaloux de remplir l’attente de l’Académie. Et déjà sous ce rapport ils méritent des éloges dont elle se plaît à récompenser ici leur zèle. Car si leurs derniers efforts ne sont pas tous également heureux, tous néanmoins sont très dignes d’encouragement. On voit que ces habiles élèves s’appliquent constamment, mais trop exclusivement peut-être à se perfectionner dans les parties techniques de leur art. L’Académie, satisfaite de ces louables intentions, les invite cependant d’après les principes sévères qui la dirigent, à se rendre plus difficiles sur les impressions morales qui doivent résulter de leurs productions ; et c’est ici le moment de leur faire remarquer surtout que, sans le jugement qui fixe le terme aux licences de l’imagination et le sentiment qui ne vivifie les conceptions, il n’existe point et il ne peut exister d’ouvrages de génie. / L'Académie aurait donc bien voulu, dans la jeune et agréable [p. 16] nymphe à laquelle M. Picot a donné le nom de Psyché, pouvoir retrouver l'idée approximative de cet être aérien, sylphique, dont les Anciens avaient fait le symbole de l'âme. N'aurait-elle pas dû, pour se dévoiler à nos yeux mortels, apparaître au génie de l'artiste et naître de ses pinceaux resplendissante de cette beauté ineffable, de cette fleur d'adolescence, de grâce et de naïveté virginales dont le charme avait enflammé l'Amour même et excité les jalouses fureurs de Vénus. // C'est une tâche sans doute bien difficile, sans doute, que les jeunes élèves et les maîtres eux-mêmes s'imposent lorsqu'ils abordent des sujets auxquels la puissance illimitée de l'imagination ne peut assigner de bornes quant à la perfection qu'ils exigent. Le Mercure et le Prométhée de M. Pallière en sont une nouvelle preuve. Les traits d'un simple berger, même jeune et beau, sont encore éloignés de cette noble et svelte élégance de contours, de ces regards fins, pénétrants et animés, sans lesquels on ne saurait concevoir ni l'agile messager des dieux ni l'ingénieux inventeur de la lyre ni enfin, le divin fils de Jupiter et la stature athlétique du héros de qui le bras puissant séparait les montagnes peut difficilement se superposer à l'homme supérieur dont le génie audacieux déroba le feu du ciel. // M. de Forestier a-t-il été plus heureux dans l'expression et le caractère de son Anacréon ? Nous voudrions le penser. L'auteur de ce tableau s'est sans doute élevé au grand style, mais cette élévation n'est pas incompatible avec les riantes inspirations qui devaient naître abondamment d'un sujet aussi gracieux. Le tendre, le voluptueux Anacréon devrait se reconnaître bien moins aux couronnes de myrtes et de roses dont il aimait à ombrager son front, qu'à cette physionomie douce, spirituelle, enjouée qui décelait, dans le plus facile et le plus aimable des poètes, le chantre léger des grâces et des amours. Il semble [p. 17] enfin que M. de Forestier a tracé d'un pinceau trop raisonnable le favori du dieu qui fait perdre la raison. // Mais dans son tableau de La Mort d'Abel, M. Drölling a parfaitement observé les convenances et senti l'expression de son sujet : disposition hardie, pittoresque ; action vraie, pathétique. Les plus nobles qualités de l'art s'y font presque toutes remarquer et y reçoivent un nouveau prix de la belle exécution qui les accompagne. Le lieu de la scène, sauvage ; le coloris, sombre ; l'effet, décidé. Tout est en harmonie de sentiment avec les figures. Le féroce Caïn, l’œil rempli du trouble et de la terreur du crime, à la voix du ciel qui prononce son anathème, fuit et cherche en vain, à se dérober aux remords qui l'oppressent ; tandis qu'étendue à ses pieds, d'un regard qui s'éteint, d'une bouche expirante, la première victime de la mort implore de ce ciel en courroux le pardon du premier meurtrier qui ait ensanglanté la terre. . . L'impression de ce bel ouvrage sur le spectateur est complète et assure à l'école française, après quelques nouveaux efforts, un habile maître de plus.
Localisations
Cote / numéro : 
Paris, Bibliothèque de l'Institut, 4° AA 34 (usuel), 1816-1817, tome 1, p. 11-22 (1816)
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Commentaire interne
Base Envois de Rome FMP, fichier Documents.fp7, notice : £Rapport envois, procès-verbal, 1816, peinture£ Notice créée le 25/06/2002. Notice modifiée le : 04/07/2018. Rédacteur : Isabelle Loddé.
Rédacteur
Isabelle Loddé