[1905, sculpture, rapport Institut à AFR]Rapport de l'Académie des beaux-arts sur les envois de Rome [...]

M. Piron (1ère année). Ce pensionnaire a envoyé un grand haut-relief représentant « Le Rapt ». Le Rapt est figuré par un cavalier lancé à fond de train. Il a saisi une jeune mère désespérée qu'il emporte loin de son enfant resté gisant à terre. La dimension de l'ouvrage et le nombre des personnages ne répondent pas au règlement qui ne demande que deux figures. L'Académie estime que le règlement eût ici servi plutôt qu'il n'eût nui à M. Piron, s'il l'avait suivi à la lettre. Nul doute qu'en restreignant son ambition il n'eût évité quelques critiques touchant la pauvreté de certaines parties du modelé, des maigreurs dans les silhouettes et l'insuffisance de construction du cheval. / Cependant, bien que le résultat ne soit pas aussi complet qu'on pourrait le désirer il y a là un grand effort. L'Académie se plaît à reconnaître dans plusieurs parties de cette oeuvre de début, de grandes qualités de vigueur et de sentiment dramatique aussi bien dans la forme que dans la composition. Cet envoi est plein de promesses. M. Piron s'est acquitté de ses devoirs de pensionnaire avec zèle et intelligence. Sa copie en marbre, dont l'exécution est irréprochable, le recommande encore à l'Académie et mérite des éloges pour le soin qu'il a mis à imiter scrupuleusement jusqu'à la patine de son modèle. // M. Terroir (2ème année). Statue en plâtre intitulée : « le blé ». M. Terroir a représenté le blé par une figure d'homme complètement nu et tenant une faux dans ses mains. Sans vouloir insister sur ce point, on peut néanmoins faire remarquer qu'en réalité la faux sert plutôt à couper le foin et que le blé éveille davantage l'idée de la faucille. / Aussi, dès l'abord, cette figure de faucheur déconcerte et rend le spectateur indécis sur l'action qu'il accomplit. Il en est de même du sentiment que l'auteur a voulu rendre. On ne sait si l'homme est las de son labeur ou découragé pour une autre cause. Il y a là un malentendu regrettable entre ce que l'auteur a voulu faire et ce que voit le spectateur. Il convient cependant de louer dans cette oeuvre une exécution soignée et consciencieuse tout en regrettant que M. Terroir ne se soit pas efforcé de mettre dans son personnage plus de caractère et se soit contenté de faire simplement une bonne figure d'étude. Ce sujet, pourtant, eût permis à l'auteur de nous synthétiser dans son oeuvre cette vaste et grave poésie de la terre qui donne au plus humble paysan une expression de grandeur simple et sereine. Mais les qualités de métier étant indiscutables, l'Académie les apprécie à leur valeur. / Sur chacune des quatre faces du socle se trouve un bas-relief dont le sujet se rapporte aux travaux des champs. Ce ne sont, à proprement parler, que des esquisses, mais des esquisses bien composées et qui expriment bien la poésie simple de la nature. L'Académie se montre très satisfaite de ces quatre bas-reliefs. // M. Landowski (4ème année). L'envoi de 4ème année de M. Landowski est une figure en bronze intitulée « Le Rhapsode ». / Le Rhapsode est représenté par un vieillard à longue barbe, debout, et penché en avant. Il tient dans sa main gauche, appuyé contre son ventre, un bucrâne dont il a fait une lyre. Il en joue. Une certaine beauté, mêlée d'étrangeté, impressionne d'abord dans cette figure. / Ce barde herculéen n'a rien de classique. Il n'est certainement pas de la famille des héros d'Homère. Il conduisait plutôt à la victoire les hordes farouches d'Attila. Sa forme tendancieusement rude lui donne un aspect de sauvage puissance, et, c'est par cela, surtout, que le spectateur est séduit. L'oeuvre révèle chez son auteur une personnalité pleine de promesses. L'Académie apprécie l'originalité que M. Landowski a mise dans son sujet et le félicite de cette manifestation artistique très intéressante. M. Landowski a ajouté à son envoi quelques bustes en bronze, d'une facture et d'une observation très personnelle. M. Landowski est digne de bénéficier de la pension de Madame la Comtesse De Caen.