[1834, peinture, rapport Institut à AFR]Rapport sur les envois de peinture de 1834TYPE : rapport de [...]

[f°84] Peinture / Quelques fois, l'Académie, pour remplir le devoir que lui impose la haute surveillance qu'elle [f°84bis] est appelée à exercer sur les travaux des élèves de l'École de France à Rome, a vu avec peine les écarts et les mauvaises voies dans lesquelles se jetaient plusieurs des élèves de cet établissement ; c'est donc avec une véritable satisfaction qu'elle déclare n'avoir point de reproches semblables à adresser aux élèves peintres sur leurs travaux de cette année. Les études, à quelques exceptions près, sont plus consciencieuses et dirigées vers un but plus utile : elle voit donc avec plaisir, de jeunes athlètes de formes pour combattre l'opinion, trop répandue depuis quelques années, à savoir que la hardiesse du pinceau et des conceptions bizarres, font les grands artistes ; souvent, à la vérité, elles ont fait des artistes à la mode ; mais l'étude assidue de la nature et de profondes méditations, font seules l'artiste dont les ouvrages iront à la postérité, et dont la célébrité sera de tous les temps et de toutes les époques. // M Bézard / (4e année) / Copie d'après les fresques du Dominiquin, peinte à Grotta Ferrata, le Possédé // On doit féliciter M. Bézard du choix qu'il a fait pour sa copie, d'une fresque aussi célèbre du Dominiquin, l'aspect est bien [f°85] celui de la fresque ; les caractères et les expressions des têtes sont bien rendues ; il serait à désirer que l'exécution, surtout dans les jambes du Possédé, fut aussi soignée qu'elle l'est dans l'ouvrage du grand maître. / Esquisse / Les crimes de hommes chassent la justice divine // L'esquisse envoyée par M. Bézard, et à laquelle il a donné le titre ci-dessus rapporté, est une vaste composition, qui offre des groupes bien disposés et d'un bon ajustement. On pourrait regretter voir un beau talent se livrer à la poursuite d'une idée incomplète et trop vague. Combien il eut pu obtenir de succès, s'il se fut exercé sur un sujet historique, faisant autorité ! Cette composition, comme esquisse, est fort supérieure à ce que l'on entend ordinairement par ce mot. Elle est traitée, dans bien des parties, comme un tableau : on y voudrait un effet plus déterminé. // M. Signol / (4e année) / Un tableau représentant le Christ au Tombeau // L'Académie a vu avec plaisir que M. Signol [f°85bis] a mis à profit les avis que l'Académie lui a adressés ; ce jeune artiste, après s'être laissé aller à tout ce que son pinceau aurait de facilité, a senti qu'il devait donner une autre direction à ses études ; son tableau du Christ au Tombeau est d'une exécution très suave et très fine ; le caractère du dessin a de l'élévation et de la délicatesse ; les draperies sont peintes avec beaucoup de soin, surtout les linges du Christ. Il y a quelques afféteries dans les vêtements de la charmante figure de l'ange, qui sembleraient plutôt appartenir à un ajustement de femme. On trouve un peu trop de rapport entre la lumière intérieure du tombeau, et la lumière extérieure. M. Signol doit aussi se méfier des réminiscences prises dans l'enfance de l'art. Mais, malgré ces observations, cet ouvrage est très remarquable et l'Académie ne doute point que cet élève en continuant la marche qu'il a suivie dans ses dernières études, ne doive produire pour sa cinquième année, un tableau propre à faire honneur à l'École de France à Rome. // M. Schopin / (2e année) / Un jeune faune jouant avec une chèvre // Cette figure envoyée par M. Schopin est [f°86] agréablement composée, l'exécution en est large et ferme ; il y a quelques incorrections dans le dessin, et l'effet est trop poussé au noir, surtout dans une scène en plein air. / Cet ouvrage est d'un meilleur goût et bien préférable à l'envoi précédent de cet élève. / Le tableau de Charles IX, envoyé aussi par M. Schopin, n'étant point dans les travaux d'obligation des élèves de l'École de Rome, l'Académie fera observer, cependant que ce sujet n'est point de ceux dont il peut être le plus utile à un jeune artiste de s'occuper pendant son séjour à Rome ; que d'ailleurs, une scène prise dans l'histoire moderne, doit représenter avec plus d'exactitude, les costumes et les portraits des personnages qui y sont reproduit. / Le choix de ce sujet ainsi que celui de quelques uns qui ont été traités les années précédentes, par des élèves de l'École de Rome, pourrait engager l'Académie à faire observer à ses élèves qu'ils ne doivent pas perdre de vue que le but de leurs travaux en Italie est d'y étudier la nature, si belle, si forte et si variée dans ce pays ; qu'il doivent s'y affranchir de l'influence de la mode et n'en reconnaître d'autre que celle qui ne change pas plus que [f°86bis] la nature, dont ils sont et doivent tendre constamment à être de fidèles imitateurs. // M. Flandrin / (1ère année) / Polytès, fils de Priam, observe les mouvements des Grecs // M. Flandrin a parfaitement compris ce que peut offrir d'intéressant une figure nue prise dans le haut style. Celle de ce jeune Grec présente de belles parties, bien peintes, bien modelées, d'un bon goût de dessin, et d'une finesse puisée dans l'imitation naïve de la nature. Cependant, il y a quelques incorrections, dans le col et dans les parties supérieures du dos. Cet ouvrage manque, en général de lumière, et le fond est trop également bleu. Généralement, l'Académie s'est plu à y reconnaître un charme de composition naïve, propre à faire concevoir une heureuse idée du talent de l'auteur, s'il persiste dans la route où il paraît être entré. // M. Gibert / (4e année) / Pierre de Morena élu Pape. Paysage historique. // L’Académie a vu avec peine que M. Gibert après [f°87] quatre années de séjour en Italie, ait si peu appris ce que c’est que le haut style dans le paysage. Le tableau qu’il a envoyé pour travail de sa dernière année, ne présente aucune étude, ni aucune imitation de la nature ; les figures rendent mal le sujet ; elles sont mal composées et mal exécutées. Il y a de la facilité dans la touche : mais c’est un charme trompeur qui séduit, et qui a souvent rendu nulles les plus heureuses dispositions. / Le second tableau de M. Gibert n’étant point dans ses travaux de pensionnaire, on n’en fait ici mention que pour lui appliquer les mêmes observations que celles qui ont été faites sur le premier ; d’ailleurs dans ces deux ouvrages, rien ne donne l’idée de l’aspect de l’Italie, et il serait à craindre que cet artiste n’eut à se repentir d’avoir mal employé ce temps qu’il a passé dans ce beau pays. Certifié conforme / Le Secrétaire Perpétuel de l'Académie / Officier de l'ordre de la Légion d'Honneur / Quatremère de Quincy