Plaque centrale provenant de l'avers d'une croix processionnelle. Croisée en mandorle, 16 trous de fixation.
Au centre, figure d'applique fixée par quatre clous au bois de la croix, émaillé de vert et de jaune et parcouru de rinceaux.
Le Christ est représenté vivant, les yeux en perles de verre, et glorieux, portant une couronne gravée. Sa tête est entourée d'un nimbe crucifère polychrome, tandis que ses pieds reposent sur un suppedaneum bleu clair ponctué de rouge. L'image reflète une iconographie de tradition romane : l'expression figée et hiératique du crucifié est associée au corps très marqué, notamment l'abdomen et la cage thoracique. La ligne ondulée gravée au-dessous du cou est très probablement une reminiscence - évoquée en abrégé - des croix pectorales qui décoraient certains Christ limousins du début du XIIIe siècle, comme ceux de la galerie Brimo de Laroussilhe, Paris.
La plaque est délimitée par un filet en cuivre gravé, autrefois doré, et d'une triple bordure polychrome aux tons dégradés bleu foncé, bleu clair et blanc. Le fond bleu est parsemé de rosettes et disques polychromes. En haut, la dextera domini sortant d'une nuée est accompagnée du titulus (IHS), dont les lettres en réserve sur un bandeau turquoise sont pointillées. Aux pieds du Christ, figure d'Adam sortant du tombeau.
La plaque est d'une belle qualité : les tonalités variées des émaux - dont il faut souligner l'exécution soignée - sont associées avec originalité aux formes décoratives. Dans ses notes manuscrites, M. -M. Gauthier proposait des comparaisons probantes avec les plaques de la vente Pincot, Paris, 25 novembre 1946, n° 54 et de la Société Archéologique et Historique de Charente, inv. 2009.0.435, ainsi qu'avec les croix 'entières' du V&A Museum, inv. 748-1891 et du British Museum, inv. 1925-691 . Le Christ, quant à lui, est proche stylistiquement de celui de la croix de Lausanne, musée cantonal d'Art et d'Archéologie, inv. 23032, de structure massive mais à usage processionnel par ses dimensions.
Si les émaux de la plaque de Bruxelles sont conformes à la production limousine des années 1200, l'iconographie du Christ glorieux suggère de dater cette pièce légèrement plus tard, dans la deuxième décennie du XIIIe siècle, quand l'iconographie du Christus triumphans commence à l'emporter sur celle du Christus patiens, sur les croix tout comme sur d'autres objets liturgiques (châsses, plats de reliures, etc.). En raison de ces observations, l'oeuvre est datable des années 1215-1220, même datation proposée pour la croix du musée d'Art religieux et d'Art mosan de Liège, inv. J 150, très proche dans l'iconographie et le décor émaillé.
lacunes de l'émail, notamment aux extrémités de la plaque ; perte presque totale de la dorure de l'applique
885
marqué en rouge
Faisant partie du lot d'environ 1500 objets acquis par les Musées Royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles à Gustave Hagemans en 1861.
Gustave Hagemans (Bruxelles, 1830 - Waterloo, 1908), homme d'affaire, collectionneur et mécène. Passionné d'égyptologie, il amassa une impressionnante collection d'objets divers, dans un 'cabinet de curiosité', qu'il vendit en 1861 à l'État belge. Les 1500 pièces (dont la plaque présentée ici) furent données au musée de la Porte de Hal, ancêtre des Musées Royaux d'Art et d'Histoire.
p. 309
n° 22
p. 108
Cl. ACL/Bruxelles, n° 10426 A = Corpus 1542.
Photo CEM : corpus 1542
TOME CEM II