Figure d'applique : Christ couronné
Paris, Hôtel Drouot, vente 11 octobre 2022
Détaché d’une croix processionnelle, le Christ d’applique est représenté victorieux, vivant et couronné. Vêtu d’un colobium, il se tient debout, dans une posture légèrement hanchée. Le relief présente de nombreux trous circulaires, autrefois probablement agrémentés de pierreries ou des perles d’émail (couronne, yeux, pectoral, orfroi du colobium).
Dans ses notes, M.-M. Gauthier soulignait le style « frontal » de l'applique et son « attitude immobile ». Par ailleurs, elle observait des traits stylistiques peu communs dans l'orfèvrerie limousine (visage « court, large et épais » et chevelure « longue et plate »), s'interrogeant aussi sur l'aspect étrange de certains détails, tels les moustaches ou les plis de la tunique.
L’examen du Christ de l'ancienne collection Salavin, passé en vente le 11 octobre 2022 à l’Hôtel Drouot (collection Michel Rullier), a accentué ces perplexités. Tout d’abord, l’objet est en fonte de fer et non en cuivre. Dépourvue de toute trace d’émaillage, la platine de métal n’est pas creusée selon la technique habituelle du champlevé. L’exécution sommaire du visage du Christ n’est pas comparable à celle d’autres figures d’appliques limousines et les trous de fixation, dans des formes circulaires très régulières, semblent avoir été réalisés à l’aide d’outils modernes.
L'intérêt majeur de cette applique à l’exécution peu soignée réside dans son iconographie rare. Le Christ à la tunique, dit aussi au colobium, réunit en une image le double rôle du Christ, à la fois « rex » et « sacerdos » (M. Bramer Solhaug, « Christ as King and Priest on Limoges crucifixes : Reflexions of Liturgy and Materiality », dans Image and Altar 800-1300, Papers from an International Conference in Copenhagen, 24-27 October 2007, Studies in Archaeology et History, National Museum Copenhagen, vol. 23, 2014, p. 207-228). Seuls seize Christ limousins à la tunique étaient jusque-là connus (cf. à ce propos H. Swarzenski, N. Netzer, Medieval Objects in the Museum of fine Arts, Boston.Medieval Enamels and Glass, Boston : Museum of Fine Arts, 1986, p. 80-81 ; Bramer Solhaug, 2014, p. 212-214, note 13 ; É. Antoine-König, « Le corpus des 'Christ à la tunique" revisité », dans Bulletin monumental, t. 178-2, 2020, p. 299-300). Le présent catalogue de croix, complément au CEM II (1190-1215) paru en 2011, a permis d'ajouter deux numéros à ce groupe : l'œuvre ici étudiée et l'applique de l'ancienne collection du rév. Walter Sneyd (1809-1888, Keele Hall, Staffordshire ; UK 89478).
Le Christ décrit ici semble avoir été réalisé dans le style limousin, à partir d’un exemple de très haut niveau, probablement celui de l’ancienne collection Martin Le Roy, musée du Louvre, inv. OA 8102. L’œuvre pourrait relever d’un foyer artistique médiéval non français (Catalogne ?) ou, plus vraisemblablement, être une création moderne d’inspiration médiévale.
Surface très usée et abimée par la corrosion. Aucune trace d’émail. Main droite manquante. A l’avers, à l’extrémité inférieure du colobium, trace de peinture rouge. Au revers, inscription illisible en rouge.
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Coll. Léon Salavin, Paris, en 1963. Paris, hôtel Drouot, vente du 14 novembre 1973, n° 74. Paris, Hôtel Drouot, vente de la collection Michel Rullier, 11 octobre 2022, n° 185. Localisation actuelle inconnue.
Léon Salavin (1896-1976), héritier de la célèbre chocolaterie familiale fondée en 1873, et son épouse Jeanne Fournier (✝1992) ont été des collectionneurs, notamment d'art médiéval, et de généreux philanthropes. Trois autres émaux limousins provenant de leur collection sont catalogués dans le CEM II. La plaque avec applique d'un saint (II C, n° 27) et la plaque de reliure (V B, n° 43) ont été vendus en 1972, tandis que le plat de reliure (V C, n° 48) a été volé en décembre 1980 (Gazette de l'hôtel Drouot, n° 16, 16 avril 1982, p. 24).
Coll. part. S. [confidentiel = collection Salavin (L.)] - Paris ; TOME CEM II