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[1853, peinture, rapport Institut à AFR]Rapport sur les envois de 1853, peintureTYPE : rapport de l' [...]

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Dernière modification
01/12/2021 04:00 (il y a presque 3 ans)
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Description
[1853, peinture, rapport Institut à AFR]
Rapport sur les envois de 1853, peinture
TYPE : rapport de l'Institut de France à Académie de France à Rome
LIEU DE RÉDACTION : Paris
DATE : 1853
Descriptions
Transcription : 
La section de Peinture, avant de se livrer à l'examen approfondi et individuel des travaux obligatoires des pensionnaires peintres de Rome, a été tout d'abord frappée de leur espèce de similitude sous le rapport de la couleur, et d'un tel relâchement dans les études, qu'elle croit de son devoir de porter à la connaissance de l'Académie tout entière la pénible impression qu'elle a éprouvé, particulièrement devant la copie de M. Boulanger, représentant le repas des Dieux d'après Raphaël. En cet état de choses, elle a pensé qu'il conviendrait que l'Académie, par un rappel aux grands principes de l'art, dont elle est la conservatrice, vînt arrêter l'École sur une pente funeste qui la conduirait bientôt à une décadence complète. La section vient donc lui demander la non acceptation du travail obligatoire de M. Boulanger, et comme sanction de sa décision, que cette copie ne soit pas exposée au public, et elle ajoute que ce travail, fait contrairement au règlement, peut être renvoyé à Rome, afin que son auteur le revoie entièrement. Cette peinture décorative de Raphaël a été, il est vrai, défigurée par de cruelles mutilations, qui la déshonorent ; mais il lui reste toujours les traces indélébiles du génie qui l'a créée : M. Boulanger ne paraît pas s'être, jusqu'ici, préoccupé de les faire ressortir. La section, après les observations générales qui précèdent, passe à l'appréciation particulière des divers ouvrages composant les envois, selon l'ordre fixé par les règlements des travaux exigés de MM. les Pensionnaires. // M. Lenepveu / cinquième année / Sainte Dorothée / La section a trouvé que ce tableau de cinquième année manquait essentiellement d'élévation dans le style et dans le dessin, et que la couleur était uniforme et sans énergie, dans certaines parties l'exécution est molle et très lâchée, la perspective linéaire est défectueuse tant pour les monuments que pour le plan des figures qui portent sur le sol, la projection des ombres portées est soumise à des fantaisies en dehors de toute règle, pour arriver à un effet de convention. Sous le rapport de la poésie religieuse et de la compréhension du sujet, M. Lenepveu n'a pas été plus heureux. La tête de la sainte n'exprime rien de cette joie céleste que, d'après le programme, elle devrait éprouver, d'être unie par le martyre à son divin époux, joie qui excite les railleries de Théophile qui, lui-même, est subitement frappé par la grâce à la vue des fleurs qui lui sont envoyées miraculeusement par la victime. Les témoignages de sympathie des personnages qui environnent la scène, énervent l'intérêt que doit inspirer cette jeune chrétienne marchant à la mort, entraînée par le bourreau sur le lieu du supplice. Néanmoins la section ne renonce pas à l'espoir que lui avait fait concevoir le talent de M. Lenepveu ; elle a retrouvé dans différentes parties de son œuvre les qualités qui lui ont fait obtenir le grand prix. La draperie de la sainte est bien ajustée et ne manque pas d'une certaine nouveauté d'invention, elle est peinte avec souplesse et laisse voir adroitement le mouvement du corps ; quelques extrémités, prouvent que M. Lenepveu en sait plus qu'il n'en a montré : c'est à lui de prouver par la suite qu'il a profité du bon avertissement que l'Académie s'est fait un devoir de lui donner. // M. Bouguereau / deuxième année / Combat des Centaures et des Lapithes / M. Bouguereau, en choisissant un sujet puisé dans la mythologie, aurait dû d'abord se pénétrer de cette pensée, que pour traiter une composition des temps héroïques, il fallait avant tout s'inspirer des chefs-d’œuvre de l'antiquité, choisir ensuite dans la nature, ce qu'elle présente de plus élevé comme forme et comme caractère, et ne pas se borner à copier le modèle tel qu'il se présente dans un atelier. La section se plaît à lui faire remarquer qu'il semble se donner à lui-même cet avis dans un groupe accessoire du troisième plan, où se trouvent réunies une partie des qualités dont elle lui reproche l'absence dans le reste du tableau. La section croit que si M. Bouguereau veut se laisser conduire par son sentiment, que s'il renonce à cette couleur de convention qui confond ensemble le ciel et la terre, il peut espérer prendre rang parmi les meilleurs élèves de l'École de Rome. La section est d'autant plus autorisée à émettre cette opinion, que la copie d'après la Galatée de Raphaël que M. Bouguereau a joint à sa composition, donne une idée juste de cette belle fresque, dont les ravages du temps rendent la reproduction encore plus difficile. L'esquisse d'un sujet tiré de l'évangile de saint Luc, la parabole de Lazare et du mauvais riche, est peu satisfaisante, en ce qu'elle n'explique rien. Les deux interlocuteurs ne se regardent pas : Lazare semble plutôt être l'enfant prodigue qu'un bienheureux dans le sein d'Israël, et le mauvais riche se traînant à terre, n'exprime pas du tout les tortures que lui font endurer les flammes de l'enfer. Ce sujet, extrêmement complexe de sa nature, demandait à être mûrement approfondi : à en juger par l'exécution, M. Bouguereau paraît l'avoir traité trop légèrement. // M. Baudry / deuxième année / Lutte de Jacob et de l'Ange / M. Baudry, qui n'était tenu qu'à une figure d'étude, grande comme nature, pour sa deuxième année, l'a introduite dans une composition biblique ; son zèle eut été digne d'un meilleur succès ; mais malheureusement il n'aura abouti qu'à lui attirer, de la part de la section, une double appréciation de son talent. Comme étude prise isolément, la figure de Jacob, car c'est sans doute cette académie qui est l'objet principal de son envoi, cette figure, disons-nous, est d'une couleur harmonieuse, mais cette harmonie n'est obtenue qu'aux dépens de la vérité. Pour une étude, la tête n'a pas assez d'importance et n'est point éclairée ; l'absence des mains est une combinaison fâcheuse, et à ce propos, la section fait surtout cette observation à M. Baudry, pour rappeler aux pensionnaires en général, que le but principal de l'étude exigée d'eux à leur deuxième année, est de leur donner l'occasion de montrer jusqu'à quel point ils ont connaissance de la forme humaine dans tous ses détails. La section se trouve conduite maintenant à examiner le sujet que M. Baudry a introduit en superfétation à ses obligations. D'abord il eut fallu que les conditions qu'imposait le sujet qu'il a choisi, se trouvassent en rapport avec son étude. L'action qu'il représente se passe la nuit avant l'aube du jour. Jacob ne voyage pas comme un simple pâtre, un bâton à la main, ainsi que l'indique M. Baudry : Jacob, c'est un patriarche, c'est le chef d'une nombreuse famille, le possesseur d'immenses troupeaux ; ce n'est que précédé de ses serviteurs et de ses femmes, qu'il marche à la rencontre de son frère Ésaü : rien, dans le tableau de M. Baudry, n'est, sur ce point, en rapport avec la Genèse. Ensuite, l'ange qui lutte avec Jacob et qui aurait dû être représenté sous la forme d'un homme, au lieu de sembler l'étrangler, devrait seulement lui toucher la hanche, qu'il lui déboîte. Mais puisque M. Baudry a élargi de son plein gré le cadre sur lequel devait porter l'examen de l'Académie, il faut qu'il en subisse toutes les conséquences, car alors, le jugement qu'elle a à rendre, doit embrasser l'art dans toutes ses questions les plus élevées. Nous dirons donc encore à M. Baudry que l'entente générale de son tableau est dans ce déplorable système d'imitation de vieux tableaux et d'une école dont le style abâtardi a exercé la plus funeste influence sur la marche de la peinture. Toutefois, malgré ces appréciations sévères, que M. Baudry ne se décourage pas, la section n'a pas été sans remarquer, au milieu de ses défauts, des qualités instinctives assez développées pour qu'il soit permis de croire que lorsqu'il le voudra sérieusement, M. Baudry pourra éviter les autres défauts qu'on remarque dans la partie supérieure de la même figure. Quant au dessin d'après Raphaël, que M. Baudry a joint à son envoi, ce n'est point un dessin très étudié, ce n'est qu'un croquis négligemment fait, qui ne peut donner qu'une idée incomplète des grandes qualités et des perfections de l'original. // M. Chifflard [sic] / première année / Figure d'étude / La figure de M. Chifflard [sic], première année, est dans les conditions voulues par les règlements : elle offre un développement convenable, son contour est bien suivi d'un bout jusqu'à l'autre ; certaines portions accusent l'étude consciencieuse du modèle, notamment la poitrine, les jambes où le raccourci de l'une d'elles est senti avec intelligence. Il n'est pas de même de la tête, qui est trop petite et dont l'expression est forcée. Le bras droit est mal dessiné, et par sa raideur, il coupe désagréablement le torse. M. Chifflard [sic], doit aussi se tenir en garde contre l'abus des accessoires, défaut qu'il n'a pas su éviter dans son étude de première année, ce qui donnerait à craindre qu'il ne tombât dans le même écueil que M. Baudry. Ce ciel, cette terre rembrunis, privés de lumière, ces groupes indécis du second plan, ce cadavre incorrect de dessin et faible de couleur, sur lequel la figure se penche, tout concourt à porter préjudice à l'objet essentiel par des contrastes qui rendent les contours d'une grande dureté. Malgré la sévérité de ces observations, la section ne peut qu'engager M. Chifflard [sic] à persévérer dans la route des études sérieuses : l'Académie l'y suivra avec intérêt, surtout si, obéissant à sa propre nature, et cherchant à n'être que lui, il sait se défendre de cet entraînement de banalité qui finit par jeter dans un moule uniforme tous les arts et tous les artistes. Les dessins d'après l'antique sont faits avec soin, mais n'ont rien de remarquable. // M. Lecointe / troisième année / Vue du Théâtre de Tusculum / Le ciel et les fonds sont lumineux et représentent assez bien l'horizon des environs de Rome, par un jour d'été, mais tout à coup l'air cesse de circuler dans les différents plans du paysage, les ombres s'alourdissent, et une demi-teinte roussâtre arrive graduellement jusque sur les devants, sans motif, sans vérité, sans richesse de lumière, sur les terrains comme sur les plantes, et le tout est d'une exécution cotonneuse, sans énergie ni étude. La figure du berger est dans les mêmes conditions que le reste du tableau, puis, il est trop grand, en raison des détails qui l'entourent, comme les chèvres du second plan, si on les compare aux marches du théâtre. Les figures peintes n'ont pas été envoyées ce qui est une négligence très blâmable et une grave infraction au règlement. Un dernier mot avant de terminer. L'Académie aura pu remarquer dans notre rapport la fréquente répétition du terme convention : ce n'est pas sans intention que nous l'avons employé si souvent, car il caractérisait une similitude de défauts qui se retrouve chez tous les pensionnaires, et qui accuse, en quelque sorte, une espèce de mode, un parti pris commun à tous. La section est convaincue que cette absence d'originalité individuelle qui a fait invasion dans l'école moderne, comme ne l'attestent malheureusement que trop nos dernières expositions publiques, serait la tendance la plus fâcheuse dans laquelle pût s'engager l'École de Rome.
Localisations
Cote / numéro : 
Directorat Victor Schnetz, carton 63, fol. 10-14 (1853-1857)
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Commentaire interne
Base Envois de Rome FMP, fichier Documents.fp7, notice : £Rapport envois, Institut à AFR, 1853, peinture£ Notice créée le 26/10/2002. Notice modifiée le : 25/10/2017. Rédacteur : Pierre Serié.
Rédacteur
Pierre Serié