Lampe africaine : cheval ailé
Lampe à huile à bec arrondie et à anse. Le disque, délimité par un cercle incisé, est légèrement concave. Il porte l'image d'un cheval ailé mangeant à droite aux feuilles d'un palmier, la patte antérieure gauche levée, reposant sur une pierre sous l'arbre. Un marli entoure le médaillon, puis le bord est fuyant jusqu'à l’épaule. L’orifice d’alimentation d’huile est décentré, placé entre les pattes de l'animal. Un fond circulaire plat est légèrement surélevé par rapport à la paroi angulaire.
La facture de la lampe est plutôt grossière, avec une argile rouge foncé/brune, les différences pouvant être dues tantôt à des problèmes de cuisson, tantôt à des repeints. Un éclat sur le bec en partie supérieure laisse apparaître une pâte beaucoup plus claire à l'intérieur. Concrétions à l'avant gauche, près du bec.
Cette lampe, dont la pâte suggère une origine nord-africaine, appartient au type Bonifay 1.1, sous-type 4, daté de la première moitié du 3e siècle. Le cheval ailé représenté sur son disque est peut-être Pégase, qui est souvent représenté buvant à une source. Il est en effet particulièrement associé aux sources : d’après le mythe, il aurait ouvert d’un coup de sabot la source Hippocrène, sur les pentes du mont Hélicon (Ovide, Métamorphoses, V, 255-256 ; Properce, Elégies, III, 3). Bellérophon, son cavalier le plus célèbre, vint aussi à la rencontre de Pégase auprès de la fontaine de Pirène à Corinthe, où le cheval ailé avait ses habitudes. Le nom même de Pégase est, d’après Hésiode, issu du grec ancien πηγή : source ou fontaine (Hésiode, Théogonie, 281-282). Si cette étymologie n’a pas de valeur pour la linguistique moderne, elle montre à quel point les Grecs associaient étroitement Pégase aux sources et à l’eau, au point d’y voir l’origine de son nom.
Arion, un autre cheval ailé de la tradition grecque, est aussi associé aux sources : il serait né de l’union de Poséidon et Déméter devant la source Tilphôssa en Béotie (Pausanias, Description de la Grèce IX, 33). D’après M. Milićević-Bradač, le lien des chevaux avec l’eau serait en lien avec le rôle psychopompe de ces animaux : l’onde symboliserait la frontière entre le monde des vivants et celui des morts. Cette lampe pourrait bien avoir eu à l’origine un contexte funéraire : les lampes de ce type ont généralement été mis au jour dans des tombes.
Bibliographie : M. Milićević-Bradač, "Greek mythological horses and the world's boundary", Opuscula Archaeologica Radovi Arheološkog zavoda, 2003, 27, 1, p. 379-392.
Auteur : Euan Wall
Collection Jean-Baptiste Muret, vendue après sa mort par son fils Ernest à Arnold Morel Fatio, qui la donne au musée en 1867.
Don de la collection Muret en 1867.