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[1828, peinture, rapport Institut séance publique annuelle]Rapport imprimé sur les envois de peintur [...]

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flechlei
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15/03/2022 09:30 (il y a plus de 2 ans)
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Description
[1828, peinture, rapport Institut séance publique annuelle]
Rapport imprimé sur les envois de peinture de 1828
TYPE : rapport de la séance publique annuelle de l'Académie des beaux-arts
AUTEUR : Garnier, M.
PAGE DE TITRE : Institut Royal de France / Académie Royale des beaux-arts / Séance publique annuelle du samedi 4 octobre 1828, présidée par M. Thévenin // Rapport sur les ouvrages envoyés de Rome par MM. les pensionnaires de l’École royale de France lu à la séance publique annuelle de l’Académie royale des beaux-arts / Le samedi 4 octobre 1828
LIEU DE REDACTION : Paris
DATE : 04/10/1828
Descriptions
Transcription : 
[p. 15] Messieurs, / Dans cette séance annuelle où l’Académie des beaux-arts de l’Institut vient, au nom de Sa Majesté, distribuer les couronnes aux jeunes élèves qui ont obtenu les grands prix proposés à l’émulation des peintres, des sculpteurs, des architectes, des graveurs et des musiciens, elle remplit aussi un devoir non moins important, celui de présenter un rapport sur les ouvrages envoyés de Rome par les pensionnaires qui ont remporté les premiers grands prix dans les années précédentes. [p. 16] Il serait superflu d’insister sur les avantages infinis que procure à ces jeunes artistes l’établissement royal de l’Académie de France à Rome, où tout ce qui peut favoriser leurs progrès se trouve réuni, où ils peuvent sans inquiétude et sans réserve se livrer à la recherche du beau, à l’étude de la nature, en consultant librement les excellents modèles en tout genre, suivant l’impulsion de leur génie. Cette noble institution atteste, non seulement la bienveillante munificence du monarque qui l’a fondée, mais encore la haute prévoyance de ses desseins, pour assurer à l’avenir la gloire des beaux-arts en France. / Après l’invasion et la ruine de l’empire d’Orient, les savants et les artistes de la Grèce, obligés de fuir leur patrie, trouvèrent dans l’Italie asile et protection. Ils vinrent y déposer les trésors de leurs précieuses connaissances, et le feu sacré des sciences et des arts fut conservé. Rome redevint une seconde fois la capitale du monde et le centre des lumières. Les hommes studieux de tous les pays s’empressèrent d’y venir puiser, comme à une source vive, les immuables principes des hautes études auxquelles ils désiraient se consacrer. Ce concours, sans cesse renouvelé, d’hommes avides de connaissances, s’augmentait de plus en plus, et formait un vaste foyer dont l’éclat se réfléchissait sur toutes les nations. / C’était une sorte de pèlerinage que des hommes voués au culte des Muses entreprenaient avec une sainte ardeur. Combien n’en voyait-on pas se mettre en route avec de faibles ressources, soutenus seulement par cette forte volonté qui compte pour rien les fatigues, pourvu qu’elle parvienne au but désiré ; ne calculant ni la longueur du voyage [p. 17] ni les difficultés pour les moyens d’existence dans un pays étranger, ils n’aspiraient qu’au bonheur de contempler les merveilleux restes de l’antiquité, et les chefs-d’œuvre des premiers artistes de l’Italie, depuis cette heureuse restauration. Ils faisaient ample moisson de tout ce qu’ils pouvaient découvrir, puisant toujours aux sources invariables du beau. Ne s’attachant point à retracer ces scènes frivoles ou triviales qui se rencontrent partout, et qui offrent bien en Italie, quelque chose de plus piquant, mais qui ne tendent qu’à faire perdre à un art sublime toute sa dignité ; ils se faisaient un devoir de en rapporter dans leur patrie que des ouvrages capables de l’honorer, et de donner une idée avantageuse de leurs études. / Le peintre d’histoire ne peut espérer de s’élever à une véritable gloire, s’il ne se propose pas d’imiter dans la nature ce qu’elle présente de plus parfait, et de reproduire, sous l’aspect le plus intéressant et le plus digne, les actions célèbres et les scènes importantes que l’histoire a consacré. C’est là le véritable but des beaux-arts…Dans aucun temps la sculpture n’est descendue à prêter la beauté de ses formes à des sujets peu dignes de sa sévérité. Pourquoi la peinture qui peut, comme elle, se glorifier d’une céleste origine, prodiguerait-elle ses soins à des sujets d’une nature hideuse ou ridicule ? Si parfois elle veut bien se permettre quelque aimable délassement, ce ne doit jamais être qu’avec une certaine sobriété et dans des proportions de peu d’étendue, ainsi que l’ont observé ces maîtres ingénieux des écoles flamandes et hollandaises, dont la justesse des attitudes, la naïveté d’expression, la vérité et la finesse du coloris, l’harmonie des effets et surtout le fini précieux, ont su [p. 18] rendre admirables les scènes les plus bizarres et les plus grotesques. / Ils n’eussent point obtenu les mêmes avantages s’ils eussent traité ces mêmes scènes familières dans de grandes dimensions. / Il existe des rapports de convenance et de sentiment (dont parfois il serait difficile de rendre raison) que l’on ne peut cependant outrepasser, sans tomber dans les plus graves inconvénients. / Peut-on déterminer la mesure exacte de ce qui mérite d’être appelé grand ? Les dimensions gigantesques ou colossales produisent-elles toujours un ensemble grandiose ? Elles n’offrent trop souvent que des masses dénuées de toutes proportions. / Le style véritablement grand ne peut exister sans une extrême correction de dessin ; cette haute qualité ne s’acquiert que par des études profondes et constantes de ce que la nature et l’antique rassemblent de plus parfait. La peinture exige en outre un coloris brillant et fort, et une exécution facile et soignée. / Chaque siècle, chaque année, ne produisent pas régulièrement une série égale de grands hommes. Les événements, les circonstances changent de direction des esprits, modifient les goûts, et causent des altérations dans quelques parties suivant l’impulsion de l’époque. Si les principes sur les matières les plus graves sont parfois remis en question, comment ceux des arts ne seraient-ils pas exposés à être refoulés par de nouveaux systèmes ? Un désir inquiet d’ouvrir des routes que l’on croit nouvelles se manifeste : on ne songe pas que si quelques-unes [p. 19] étaient restées closes, ce n’était que parce que les hommes doués d’un véritable génie, en apercevant le danger, se sont bien gardés de les suivre. / La peinture et la sculpture, dont l’objet principal est la belle imitation de la nature, paraissent avoir un type certain et constant ; mais si une imitation aussi vraie et aussi exacte qu’on puisse l’imaginer peut suffire pour quelques objets particuliers, ce n’est pas assez pour des sujets qui exigent un choix exquis de formes, une belle et riche harmonie de couleurs, des expressions touchantes sans altérer la régularité des traits ; des attitudes vraies, conformes à l’action, sans être outrées. C’est ce que le miroir le plus fidèle ne saurait reproduire, puisque cette réunion si désirable ne peut se rencontrer complètement et au même instant dans la nature. Cet heureux assemblage ne peut être que le fruit des savantes méditations du génie, et le produit d’études profondes. / C’est donc encore à Rome qu’il faut aller, pour trouver réunis les plus beaux et les plus grands exemples qu’on ne saurait rencontrer ailleurs, ni à un si haut degré de perfection, ni en si grand nombre. Où trouverait-on de ces compositions immenses et sublimes tracées par Michel-Ange, Raphaël, Carrache ou Dominiquin ? C’est dans ces vastes peintures à fresques, qui exigent une si grande rapidité de travail, qu’on voit se développer toute la science du dessin, et toute la vigueur d’exécution de ces maîtres véritablement grands, qui le sont encore, malgré tout ce qui a été produit depuis eux, qui le seront toujours, tant qu’il restera quelque vestige de leurs admirables productions. / Serait-il possible de désirer rien de plus complet, sous [p. 20] tous les rapports, que la réunion de ces précieux morceaux de sculpture en tous genres, et d’une si heureuse conservation qu’ils laissent voir, dans toute sa pureté, la grande perfection de travail où les Anciens avaient su porter l’art du statuaire ? Ces imposantes ruines des antiques monuments de Rome ne seront-elles pas toujours des leçons permanentes jusqu’à la dernière pierre ? Où serait-il possible de rencontrer réunis d’aussi grands et d’aussi beaux exemples de ce que les plus habiles architectes de l’antiquité et des temps modernes ont su produire de plus parfait ? / Enfin, pour l’étude du paysage, peut-on parcourir un pays plus favorisé de la nature ? Un ciel si pur, des terrains si bien disposés, des sites aussi variés et aussi pittoresques ? Ces montagnes si heureusement découpées, placées si convenablement, que, loin d’embarrasser le tableau, elles semblent disposées pour en former le cadre ; les teintes azurées que leur donne l’éloignement ajoutent encore à leur effet harmonieux. // Peinture // Malgré tout ce qu'une prévention peu réfléchie chercherait parfois à alléguer de défavorable sur les travaux des pensionnaires de l'Académie de France à Rome, c'est cependant au sein de cette Institution si véritablement utile pour le progrès des arts, et si honorable pour la France, qu'elle sera toujours sûre de trouver des sujets dignes de sa protection et capable de répondre convenablement à ses appels généreux. Une vaste composition n'a-t-elle pas encore [p. 21] l'année dernière, fait connaître combien son auteur avait su utiliser le temps de ses études à Rome ? Aussi l'Académie lui en a-t-elle témoigné la plus entière satisfaction. Mais ce n'était pas un droit pour elle d'exiger, cette année, un ouvrage aussi considérable de chacun des pensionnaires restés après lui. Le grand tableau de composition que chaque pensionnaire peintre doit produire dans sa cinquième et dernière année n'a pu cette fois avoir lieu parce que le grand prix n'ayant pas été accordé en 1822, aucun ne se trouve dans le cas de sa cinquième année. / L'envoi de la peinture résultant des travaux de 1827, se compose donc seulement de deux copies d'après des grands maîtres, trois figures nues, études académiques, et un grand paysage. MM. Debay et Bouchot ayant tous deux obtenu le grand prix en 1823, ont fait, pour se conformer au règlement, la copie qui doit rester au gouvernement, et dont ils doivent s'acquitter dans la quatrième année. / M. Debay a choisi un des plus beaux tableaux de Benvenuto Garafolo [sic]. C'est un des plus grands de ce maître, et la copie est exactement de la même grandeur que l'original ; la composition en est riche et sage : la Vierge éplorée tient un bras du Christ descendu de la croix ; sa douleur est partagée par les saintes femmes ; saint Joseph d'Arimathie, et saint Jean, l'apôtre chéri, se tiennent debout. Le profil d'un homme à genoux vêtu du costume du temps où le tableau a été fait, représente sans aucun doute le portrait du donateur, selon l'usage de ce siècle. Dans le fond, au milieu du fleuve on voit Saint Christophe le passant à gué, portant sur ses épaules Jésus-Christ enfant. Cet épisode n'a point de rapport [p. 22] à l'instant du sujet principal ; il n'est là probablement que pour donner place à un des saints patrons, objet d'une dévotion particulière. / Un grand mérite de dessin et d'expression, des draperies bien faites et bien ajustées rappellent la première manière de l'école de Raphaël. On trouve, pour le coloris des chairs, pour le ton des draperies, des parties peintes avec la finesse du Titien. C'est la réunion précieuse du mérite de ces deux grandes écoles : cette copie est traitée avec beaucoup de soin et d'intelligence. / L'esquisse d'une composition de Phrynée devant le tribunal des Héliastes pourrait devenir la matière d'un tableau intéressant, mais il y aurait beaucoup à faire s'il fallait l'exécuter : le style ne rappelle pas assez cette belle époque de la Grèce. / M. Bouchot s'est attaché avec autant de soin, à copier une des plus heureuses compositions de sainte Famille de Raphaël, que la gravure a fait connaître. Il n'est pas besoin d'en donner la description. M. Bouchot a droit aux mêmes éloges donnés à M. Debay. Bien qu'ils n'aient fait tous deux que remplir une des obligations imposées par le règlement, l'Académie croit devoir leur en témoigner sa satisfaction, ayant eu quelques fois à se plaindre du peu d'application de quelques pensionnaires à s'acquitter de la copie, dont plusieurs même n'ont pas craint de se dispenser. Le choix du tableau qu'il doit copier n'est point imposé au peintre ; il peut choisir le maître qu'il trouve le plus en rapport avec sa manière de sentir et de voir. Ce serait s'abuser que de croire cette étude inutile ; on ne s'applique pas à imiter un grand maître, sans en conserver toute sa vie un utile souvenir. Le [p. 23] Poussin n'était déjà plus très jeune, lorsqu'il alla étudier en Italie, on se rappelle qu'il allait, avec vénération, copier le Saint Jérôme du Dominiquin, ce qui causa une surprise si touchante à l'auteur de ce chef-d’œuvre qui, dans un âge fort avancé, avait eu la douleur de voir son mérite méconnu et son sublime ouvrage presque dédaigné. / Pour sa troisième année, M. La Rivière [sic] a envoyé comme étude un tableau d'un jeune chevrier écoutant un vieux pâtre jouant du chalumeau. L'aspect du tableau a de la force et de la solidité, le fond est bien disposé ; le haut du corps du jeune chevrier est peint largement, le ton général de cette figure est assez bon ; la tête manque de grâce et de finesse, la chevelure forme une masse trop noire et mal ajustée ce qui lui fait tort ; le bras gauche plié n'est pas bien senti ; le contour depuis la hanche droite jusqu'au bas de la jambe est languissant. Une draperie trop symétriquement arrangée charge la cuisse et la jambe gauche. Elle semble placée, moins pour ajouter à l'effet du tableau, que pour dérober quelques parties intéressantes d'étude. M. La Rivière [sic] donne d'heureuses espérances et ne manque pas de moyens de bien faire. Il faut qu'il mette bien à profit le peu de temps qui lui reste pour montrer qu'il a su tirer un parti avantageux de son séjour en Italie. / M. Norblin prouve par cet envoi de sa seconde année, des progrès satisfaisants. Son tableau d'une femme se baignant près d'une cascade, offre un ensemble d'effets agréable. La pose a de la grâce, la couleur est brillante et fraîche, le dos et le bras sont largement peints ; la tête a un beau caractère et les cheveux sont bien disposés. Ce tableau aurait obtenu un effet plus sûr, si les accessoires eussent été [p. 24] modifiés et sacrifiés à l'ensemble général. La chute d'eau rappelle la grotte de Neptune à Tivoli elle devrait avoir cette obscurité mystérieuse qui aurait fait briller les clairs de la figure, objet principal. La draperie rouge a trop d'égalité de ton et de dessin, les plantes et le terrain sont un peu trop clairs. / M. Féron a fait un athlète, vainqueur dans le combat du ceste, près d'expirer, élève encore la palme qu'il a reçu. C'est la première étude envoyée par ce pensionnaire. Le ton général ne manque pas de finesse et la manière de peindre est douce et suave. Mais la couleur et le dessin sont peu convenables au sujet. Cette figure n'a rien d'une conformation athlétique ; ses contours sont mollement tracés. / Il faut espérer que la vue des grandes peintures de Michel-Ange feront reconnaître à M. Féron ce que la nature elle-même ne saurait manquer de lui offrir, et le porteront à chercher et à suivre un modèle présentant les formes analogues au sujet qu'il voudra traiter. // Paysage // M. Giroux avait à faire, pour le travail de sa seconde année, une vue d'après nature, tableau de quatre pieds de proportion. Il a choisi la vue de Civitella près Subiaco. Ce site est riche et pittoresque. Les lignes sont grandes et les plans heureusement contrastés. Le coloris est suave, plein d'harmonie, et rend bien l'effet du jour, lorsque des vapeurs du matin enveloppent les parties lointaines. La grande montagne se découpe agréablement sur le ciel, dont le nuage principal fait ressortir avec grâce les contours, et répand une lumière à la fois douce et brillante qui s'étend avec art sur tous les plans. [p. 25] La colline boisée est d'une grande fraîcheur. Ce qu'on semble généralement désirer dans ce tableau, c'est la forme des arbres, qui n'offrent que des masses trop pareillement arrondies, même les trois arbres qui sont sur le bord de la route ; il y a lieu de croire que l'auteur les a trouvé ainsi, mais c'est alors que le goût doit indiquer le parti à prendre pour sauver cette uniformité peu agréable. Le grand arbre qui se perd dans la bordure aurait pu être disposé avec plus de grâce pour faire valoir cette partie de son tableau. Le tronc de cet arbre est très soigné, mais le feuillage ne l'est pas autant. / Ces observations loin de nuire à l'ouvrage de M. Giroux doivent lui faire connaître toute l'importance que l'Académie attache à ses progrès, qui sont très sensibles, et dont elle se plaît à le féliciter. Reconnaissant avec plaisir tout ce qu'il a acquis sous le rapport de la couleur et de l'harmonie, elle l'invite à faire de nouveaux efforts pour acquérir ce qu'il laisse encore attendre dans la disposition des lignes, et un certain sentiment idéal qui sait ajouter de la valeur aux beautés de la nature. / Ce ne sont point les figures qu'on ajoute au paysage qui le rendent historique, il doit en avoir le caractère sans l'intervention des figures.
Localisations
Cote / numéro : 
Paris, Bibliothèque de l'Institut, 4° AA 34 (usuel), 1828-1829, tome 7, p. 15-33 (1828)
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Rédacteur
France Lechleiter