[1892, peinture, rapport Institut primitif]Rapport primitif de l'Institut sur les envois de 1892, pe [...]

M. Danger / 4e année. M. Danger s'est en tout points conformé aux obligations imposées par le règlement aux peintres pensionnaires de quatrième année, et, de plus, le talent dont il a fait preuve dans le tableau constituant son dernier envoi lui donne droit aux encouragements et aux félicitations de l'Académie. S'inspirant de ces paroles Et lacrymatus est Jésus, M. Danger a imaginé de représenter le Sauveur, seul au milieu d'un champ de bataille couvert de cadavres, jetant un regard de compassion sur [rayé : ill. ; mis à la place : ces morts qu'il est venu visiter] et les pleurant, descendu du ciel, [rayé : ill. ; mis à la place : comme, lorsqu'il était sur terre], il avait pleuré Lazare. / Rien de plus difficile certes que de s'élever à la hauteur d'un pareil sujet, mais la pensée même de l'aborder était déjà très méritoire, et d'ailleurs la manière dont M. Danger l'a compris et rendu justifie la hardiesse de sa tentative. Aussi l'Académie ne marchande-t-elle pas à M. Danger ses éloges, sauf à y joindre sur certains points quelques réserves. Ainsi la figure du Christ aurait dans l'aspect plus de puissance, si la draperie noire qui la recouvre à demi avait été traitée avec plus d'ampleur dans la partie flottante, [ajouté : et si le caractère des nus de cette figure participait davantage de la beauté immatérielle]. On pourrait également souhaiter que les corps, d'ailleurs habilement peints et modelés qui gisent au premier plan présentassent quant au coloris, un aspect un peu moins uniforme, moins près de se confondre avec le ton déjà grisâtre du sol. Mais [rayé : ill. ; mis à la place : ces imperfections, il n'y a que justice à le dire], sont amplement rachetées par le témoignage [ajouté : d'une connaissance profonde chez l'artiste] de la structure humaine, par un dessin savant, et surtout par [ajouté : la portée morale] d'une composition dont la dignité s'impose et qui, l'Académie se plaît à le reconnaître, est inspirée de haut. M. Laurent / 3e année / M. Laurent a pris pour modèle de sa copie réglementaire la Madone peinte à fresque par Pinturicchio dans l'église de San Cosimato à Rome. La reproduction de cette peinture a été exécutée avec un soin scrupuleux avec une fidélité complète. [rayé : ill. ; mis à la place : En tant que fac-similé, le travail] de M. Laurent ne donne donc lieu à aucune réserve : mais il n'en va pas de même du choix fait par le pensionnaire d'un modèle aussi peu favorable en réalité à ses progrès techniques, au développement de son talent personnel. Certes, l'étude des peintres italiens du XVe siècle peut, au point de vue du sentiment et du style, renseigner très utilement un jeune artiste ; elle peut informer son esprit de manière à lui faire comprendre le prix de la sincérité dans l'art, de la bonne foi, des aspirations idéales ; encore faut-il, là où il s'agit non pas d'une assimilation rapide, d'une reproduction au crayon plus ou moins achevée mais bien d'une imitation peinte, d'une copie, littérale en un mot, encore faut-il que l'original justifie par ses mérites propres la référence dont il aura été l'objet. Or ce n'était pas le cas pour le modèle que M. Laurent a choisi et qui tout en fournissant au pensionnaire l'occasion de faire dans le présent une très exacte copie, ne pouvait servir fort sérieusement pour l'avenir les intérêts de son talent. / L'esquisse qui complète l'envoi réglementaire de M. Laurent et qui porte ce titre Domine quo Vadis n'a [rayé : ill. ; mis à la place : ni dans la composition de la scène, ni dans l'effet] [ajouté : la fermeté et la grandeur] que comportait un pareil sujet. Les intentions mêmes du peintre y demeurent à l'état d'équivoques, et ce ne sont pas, si précis qu'ils soient, les petits rayons sortant comme des fils lumineux d'un orbe d'or pour entourer le Christ, qui corrigeront la langueur de l'aspect général. Tout en effet n'apparaît ici que vaguement, depuis deux ombres de figures aussi inconsistantes que le terrain qui les supporte jusqu'au fond sur lequel elles sont censées se dessiner. / L'Académie regrette d'avoir à rappeler à M. Laurent que au lieu de ne présenter qu'un ensemble d'indications énigmatiques, une esquisse doit faire ressortir d'avance et résumer dans leurs traits principaux les intentions et l'esprit qui caractérisent le tableau dont elle est la première pensée. [rayé : ill.] M. Thys / 2e année / L'ouvrage envoyé par M. Thys est intitulé Une nymphée se recommande par de sérieuses qualités dans l'exécution. L'arrangement des deux [ajouté : personnages mis en scène] ne laisse pas, il est vrai, d'être un peu trop prévu, et l'attitude raide de l'une de ces deux figures, celle de la jeune femme qui apparaît sous un voile transparent, semble en contradiction avec les conditions de délicatesse et de grâce imposées par le sujet, mais la figure du jeune homme qui la contemple est d'un bon modelé dans les parties nues, dans le bras particulièrement tendu vers la vision. Il convient aussi de mentionner avec éloges la draperie de couleur brune dont le bas du corps est enveloppé en tant que morceau de peinture elle est remarquable et mérite d'être signalée comme la meilleure partie du tableau. M. Devambez, pensionnaire de première année n'a pu soumettre aucun travail à l'examen de l'Académie. Après quelques mois seulement de séjour à Rome, il a dû revenir à Paris pour y satisfaire pendant une année aux obligations qui lui imposait la nouvelle loi sur le service militaire.