[1859, peinture, rapport Institut séance publique annuelle]Rapport imprimé sur les envois de peintur [...]

[p. 27] En rendant compte des travaux des pensionnaires de l’École impériale de France à Rome, le devoir de l’Académie est de signaler les progrès, de relever les erreurs, d’encourager les efforts sérieux, de rappeler à tous les exigences de l’art. Nous remplissons cette tâche avec sollicitude, et nous suivons avec un intérêt sincère les travaux des jeunes lauréats sur qui repose l’avenir de l’art en France. [p. 28] PEINTURE // M. Sellier (première année) / « Un esclave condamné à mourir de faim, invoque les dieux et leur promet un sacrifice s'il échappe à ce supplice » tel est le sujet de la figure d’étude envoyée par M. Sellier. Dans cette figure, une tête et un bras faiblement éclairés, voilà tout ce que l'on aperçoit, le reste se perd dans le noir. Ce serait avec peine que nous verrions M. Sellier persévérer dans un parti pris d'obscurité complète. L’Académie verrait avec peine M. Sellier persévérer dans cette route. Elle attend avec confiance son prochain envoi. // M. Clément (deuxième année) / M. Clément adresse à l'Académie, pour son second envoi, une figure d'étude qu'il nomme la Sieste. Cette peinture a de la fermeté sans sécheresse, du modelé sans roideur [sic], et les chairs sont d'une grande vérité de couleur. L’Académie aurait désiré plus de distinction dans le caractère de la tête, la figure eût été ainsi plus en rapport avec la richesse des accessoires qui sont d'ailleurs fort bien traités. Quelques duretés dans le fond auraient pu être évitées. Malgré ces observations, l’Académie se plaît à reconnaître toutes les qualités par lesquelles cette peinture se recommande. Elle fonde un juste espoir sur l’avenir de ce pensionnaire. [p. 29] M. Delaunay (deuxième année) // Ce jeune pensionnaire devait exécuter les travaux de la troisième année. Il s’est imposé de plus une tâche que le règlement ne lui demandait pas. Il devait une étude et une esquisse. Il a remplacé l’esquisse par un tableau. Il donne ainsi une preuve du zèle et de l'amour qu'il apporte à ses études. Mais l'Académie aura quelques reproches à lui adresser. / Le motif de la figure d'étude est tiré d’une fable de La Fontaine, la Colombe et la fourmi. La Fontaine a fait le tableau. // « ………Et là-dessus / Passe un croquant qui marchait les pieds nus. / Ce croquant, par hasard, avait une arbalète. / Dès qu’il vit l’oiseau de Vénus, / Il le croit en son pot et déjà lui fait fête. / Tandis qu’à le tuer mon villageois s’apprête / La fourmi le pique au talon, / Le vilain retourne la tête. » // C’est ce « croquant » que M. Delaunay a voulu représenter, et l’idée est ingénieuse ; mais la figure pèche par l’ensemble et n’est pas heureuse de mouvement, l’exécution en est molle, bien que le contour ne manque pas de finesse. / « La nymphe Hespérie meurt de la piqûre d'un serpent, au moment où elle fuyait la poursuite d'Esachus, fils de Priam » tel est le sujet du tableau. De bonnes lignes, la pose pleine de grâce de la jeune nymphe, le charme répandu sur toute cette composition par un bon sentiment de la couleur font ressortir plus vivement quelques incorrections qu'on remarque [p. 30] surtout dans la figure du jeune homme. M. Delaunay avait par son envoi de l’année dernière pleinement satisfait l’Académie, devenue cette année plus exigeante pour le jeune lauréat, en raison même du mérite de son premier envoi. // M. Giacomotty [sic] (quatrième année) // M. Giacomotty [sic] envoie, pour sa quatrième année, une copie d'après le Sodoma, et une esquisse de sa composition. / La copie qui représente l'Évanouissement de sainte Catherine est remarquable par son exactitude, elle rend parfaitement le caractère de la fresque ; l'esquisse, dont le sujet est : Saint Jean baptisant les juifs dans les eaux du Jourdain, est habilement faite ; la composition a de la grandeur, les groupes sont bien distribués, la couleur a de la force et convient à la gravité du sujet. Il y a une grande supériorité dans cet envoi sur celui de l’année dernière, et l’Académie félicite M. Giacomotty [sic] des progrès sensibles qu’atteste son travail. // M. Maillot (quatrième année) // Ce pensionnaire n'ayant eu que quatre ans de pension, a dû terminer ses envois par le travail exigé pour la cinquième année ; il a envoyé un tableau dont le sujet est pris dans la vie de saint Rémi. [p. 31] Le saint évêque, placé au centre du tableau, devant le portique d'un palais, fait distribuer aux pauvres les restes d'un festin, au lieu de les abandonner aux baladins et aux jongleurs qui étaient présents, comme c'était la coutume. Ce sujet, favorable à la peinture, offrait des contrastes dont l'artiste a su tirer parti ; aussi nous louerons particulièrement le groupe bien inventé des jongleurs, qui fait une heureuse opposition à la gravité du reste de la scène. / Mais les lois de la perspective ne sont pas toujours bien observées dans cette composition, les figures du premier plan sont trop petites. Il y a quelque confusion dans la partie gauche du tableau ; la femme assise, tenant un enfant dans ses bras, vient déranger l'harmonie des lignes. Les draperies de la figure principale, quoique bien ajustées, n'expliquent pas assez le nu. A part ces observations, l’Académie est heureuse d'avoir à signaler dans cet ouvrage une grande volonté d'étude, couronnée de succès dans plusieurs parties : telles que l'homme vu de dos, un malade et les moines distribuant les aumônes. // Paysage historique // M. Didier (première année) / Deux vues prises, l'une dans la campagne de Rome, l'autre aux environs de Rome, et une étude d'enfants, composent [p. 32] l'envoi de première année de ce pensionnaire. L’Académie aurait désiré plus de variété dans les tons, plus d’éclat, plus de lumière. Quelques parties sur le premier plan sont bien étudiées dans leurs détails. Malgré quelques incorrections de dessin, les enfants méritent des éloges pour la vérité avec laquelle ils sont modelés.