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[1840, peinture, rapport Institut à AFR]Rapport sur les envois de peinture de 1840TYPE : rapport de [...]

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flechlei
Dernière modification
01/12/2021 16:19 (il y a environ 3 ans)
Type de document
Description
[1840, peinture, rapport Institut à AFR]
Rapport sur les envois de peinture de 1840
TYPE : rapport de l'Institut de France à Académie de France à Rome
AUTEUR : Anonyme
PAGE DE TITRE : Institut de France // Académie Royale des Beaux-Arts // Le Secrétaire perpétuel de l’Académie certifie que ce qui suit est extrait du procès-verbal de la séance publique du samedi 3 octobre 1840. // Rapport sur les ouvrages envoyés de Rome par les Pensionnaires de l’Académie Royale de France pour l’année 1840.
LIEU DE REDACTION : Paris
DATE : 1840
Descriptions
Transcription : 
[f°546] C'est toujours avec la même sollicitude, comme avec un nouvel intérêt, que l'Académie se livre à l'examen des ouvrages qui composent l'envoi de Rome, pour y signaler, soit les progrès, soit les déviations qu'elle trouve l'occasion d'y remarquer dans la marche du talent de leurs auteurs et dans la direction de leurs études. Si elle est heureuse d'avoir de juste éloges à leur donner, si elle se plaît à couvrir de son indulgence des fautes qui ne [f°546bis] sont que des écarts passagers ou des transgressions légères, elle ne s'en croit que plus obligée à combattre de toute sa sévérité une tendance vicieuse ou une négligence coupable dans l'exécution des travaux qui constituent pour les pensionnaires l'acquit d'une dette sacrée envers l'art et envers l'État. Telle est malheureusement la situation où se trouve, cette année, l'Académie à l'égard de plusieurs d'entre eux. Quelques-uns n'ont pas satisfait aux obligations qui leur sont imposées par les règlements ; d'autres, tout en s'y conformant, ne semblent pas s'être pénétrés du vrai sentiment de leurs devoirs, d'après la manière dont ils les ont remplis. L'Académie regrette d'avoir à prononcer des paroles sévères, dans une occasion où, livrée toute entière au bonheur de couronner les nouvelles espérances de l'école, elle aimerait tant à leur montrer, dans le développement des talents qui les ont précédés, un exemple et un encouragement. Mais, il est des circonstances où l'intérêt de notre école et celui des artistes eux-mêmes exige que l'Académie ne leur épargne aucune des vérités qui peuvent devenir d'utiles avertissements ; et c'est là une considération dans laquelle l'Académie trouve avec la fermeté qui lui est nécessaire, le motif d'une confiance [f°547] qui ne sera sans doute pas trompée. // Peinture // M. Jourdy // M. Jourdy a envoyé un tableau représentant Prométhée enchaîné, sujet tiré de la tragédie d'Æschyle. L'instant choisi par le peintre semble avoir été celui où le Titan, enchaîné sur le Caucase, se livre à sa trop juste indignation, en présence des nymphes océanides, qui sympathisent à son ressentiment, et lui témoignent l'intérêt qu'elles prennent à sa destinée. Mais si telle a été, en effet, la pensée de l'artiste, on doit dire qu'il n'a pas su la rendre. Sa composition n'a pas seulement le tort de rappeler celle de Flaxmann [sic], et de l'avoir gâtée en l'imitant ; sans compter des réminiscences de détail, telles que celle de la nymphe vêtue d’une draperie rouge qui parait calquée d’après une Niobide, son principal défaut c’est qu’elle n'offre dans ses divers personnages, aucun motif qui les rattache entre eux ; les figures sont isolées, éparpillées, sans rien qui les lie à une pensée commune. Le Prométhée est d'un mouvement faux et mal senti ; la figure [f°547bis] est mal dessinée ; la tête d’une proportion trop forte et d’un caractère dépourvu de noblesse ; il y a dans cette figure absence totale de vérité et de style. Les Nymphes n'offrent rien non plus du caractère qui est propre à cette classe de personnages mythologiques ; elles sont toutes de la même nature, et d'une nature qui manque de noblesse et de vérité. De ces femmes, celle qui regarde avec la figure de face, est d’une expression qui va jusqu’au trivial. Les draperies sont mal conçues et mal imitées ; avec une multitude de plis sans motif, qui font qu’on n’y voit point de masses, ni rien qui serve à accuser le nu. Quant à l'effet général du tableau, il est nul, comme la couleur ; aucune entente de clair-obscur ; pas de masses de clair et d’ombre ; un ciel monotone et plombé ; en tout, c'est un tableau dont on regrette d'être obligé de dire qu'il termine d'une manière peu satisfaisante le cours des études de M. Jourdy. // M. Papéty // M. Papéty a satisfait amplement à ses obligations, en envoyant avec une figure [f°548] d'étude peinte, de grandeur naturelle, un tableau de sa composition, en figures de petite proportion, au lieu d'une esquisse peinte exigée par le règlement. / La figure d'étude dont le sujet est Mercure, placé vis-à-vis de l'aigle de Jupiter dans la situation attribuée à Ganymède, n'est pas exempte de reproche sous ce rapport. Mais, à ne la considérer que comme un morceau d'étude, c'est une figure qui a droit à des éloges. Le dessin a de l'élégance, de la vérité et un bon choix de formes. La tête seule, envisagée sous le point de vue du sujet, manque du style et de l'élévation que comporterait un personnage d'un ordre idéal. Quant à la couleur, ce n'est pas celle qui conviendrait à un sujet aérien ; elle est trop lourde et les ombres trop vigoureuses. L'aigle lui-même manque d'air et de lumière, comme les nuages de transparence : autant d'imperfections, qui semblent tenir à un parti pris de la part de l'artiste, plutôt assurément qu'à un défaut d'intelligence ou de savoir. / Le tableau de M. Papéty donnerait lieu à des observations plus sévères. La scène qu'il représente, et qui se compose de quelques figures de femmes réunies près d'une [f°548bis] fontaine antique, manque de naturel, sans compter qu'elle offre peu d'intérêt. Mais le principal défaut de cette composition, c'est qu'on y trouve trop d'affectations du style antique, et pas assez de vérité. Ce reproche porte surtout sur les deux figures principales, debout sur le premier plan, qui sont plutôt des copies de canéphores antiques, que des représentations de femmes réelles. Du reste, on se plaît à reconnaître que la figure de femme, qui est sous le portique est d'un mouvement heureux, et d'un style qui a quelque chose d'antique, bien que d'une couleur trop noire. Il y a aussi des motifs agréables dans le groupe des trois femmes qui s'appuient sur le monument. Quant à l'effet général du tableau, on ne peut s'empêcher de dire qu'il est dur et d'une crudité de ton portée à l'excès, en même temps qu'il y a dans l'architecture peinte une exagération de couleur, qui sent l'imitation de Pompéi, plus qu'elle n'est conforme à la vérité historique dans un sujet grec. Ce n'est donc pas là ce qu'on était en droit d'attendre du talent de M. Papéty, qui s'était annoncé à son début, de manière à donner tant d'espérances ; et ce n'est pas non plus ainsi que nous entendons [f°549] que l'on doive étudier l'antique, en imitant la nature ; car on ne retrouve assez bien ni l'un ni l'autre dans ce tableau. À tout prendre cependant, l'ouvrage de M. Papéty se recommande par une tendance à un style élevé, qui est toujours un effet louable, alors même qu'il n'est pas complètement satisfaisant. // M. Blanchard // M. Blanchard devait envoyer une copie de quelque tableau d'un grand maître ; c'est un fragment des peintures de la Farnésine qu'il a pris pour sujet de son travail obligé. Nous dirons très-peu de choses de cette copie, qui est très faible, d'une exécution molle, et qui est loin de donner une idée satisfaisante de l'original. C'est un travail qui manque de l'intelligence du maître, et qui fait de plus en plus regretter un pareil choix pour des copies d'originaux qu'il est si difficile de rendre avec le sentiment qui y règne, et qui perdent toujours à être détachés de l'ensemble dont ils font partie. / L'artiste n'a pas été mieux inspiré dans son esquisse. Le sujet, qui est [f°549bis] Jésus ressuscitant le fils de la veuve de Naïm, n'est pas bien rendu ; il est trop conçu dans la disposition du bas-relief ; les groupes en sont trop détachés, les lignes trop parallèles, et le milieu de la composition trop vide ; // mais le ton local est bon, et la scène entière ne manque pas d'intérêt. // M. Murat // M. Murat devait une figure d'étude peinte de grandeur naturelle ; il s'est donné pour sujet l'Homme qui se dispose à abattre l'idole. C'est une figure extrêmement faible ; le dessin en est incorrect et d'un mauvais choix de nature ; elle manque de mouvement, et l'exécution en est à la fois lisse et dure. // M. Pils // M. Pils, qui avait à remplir une obligation du même genre, a choisi pour sujet de la figure d’étude Adam et Ève chassés du paradis terrestre. Il ne convient pas de se montrer trop sévère sur l'absence du style propre au sujet. Mais, à ne considérer le travail de M. Pils que comme un morceau [f°550] d'étude, on doit dire que le dessin des figures est incorrect et pauvre de formes. Cette incorrection est surtout sensible dans les extrémités, où l'on regrette aussi de trouver des parties trop négligées. Du reste, l'exécution a généralement de la franchise, quoiqu'il y ait de la mollesse, et la couleur de la vérité dans quelques parties ; ce qui rachète jusqu'à un certain point, les défauts qu'on a dû relever dans le choix des formes et dans le dessin. / En résumé, cet envoi de la peinture est très-peu satisfaisant. Les travaux manquent d'intelligence, de savoir et d'étude. Il y a de la manière et quelque chose de conventionnel dans l'exécution ; pas d'application et d'originalité dans le travail, surtout pas de cette naïveté, de ce sentiment propre qui donne tant de prix aux qualités acquises, et qui fait que l'on peut trouver quelques fois même une certaine grâce à certains défauts. // M. Buttura // L'Académie regrette vivement d'avoir à ajouter à ce jugement sévère, l'expression d'un blâme particulier à l'égard de M. Buttura [f°550bis] qui devait pour le travail de sa deuxième année un tableau d'une Vue prise sur nature dans la proportion de quatre pieds. M. Buttura s'est trouvé en retard dans l'accomplissement de ce devoir, pour l'époque de l'exposition à Rome et pour celle de l'envoi à Paris, sans avoir produit d’excuses légitimes ; cet artiste, qui a fait preuve jusqu'ici de zèle et de talent, n'a qu'un moyen de repousser le juste reproche qu'on lui adresse pour cette année, c'est d'acquitter d'une manière digne de lui la double dette qu'il aura contracté l'année prochaine. [f°564] En terminant cet examen des travaux de nos pensionnaires de Rome, l'Académie ne peut se défendre d'un sentiment pénible, qu'elle chercherait en vain à dissimuler ; c'est qu'il règne dans l'accomplissement du devoir des pensionnaires, comme dans la tendance des études de l'artiste, une négligence qui, si elle dégénérait en habitude, porterait le coup le plus sensible à l'une des plus belles institutions de notre pays, et à la destinée même de l'art en France. [f°564bis] L'École de Rome est véritablement un sanctuaire de l'étude ; c'est ce qu'elle a toujours été, et c'est ce qu'elle doit toujours être pour l'honneur de l'art, autant que dans l'intérêt même de ceux qui le cultivent. Mais, si la pensée des succès faciles, si celle des travaux productifs, se glissaient dans ce noble établissement, à la place de ces traditions de devoirs fidèlement remplis, et d'études laborieusement suivies, qui ont fait la gloire de notre école ; si l'exemple de ces travaux qui s'obtiennent souvent sans garanties de capacités et sans preuves de savoir, si cet exemple, trop fait pour corrompre de près ceux qui en sont témoins, produisait au loin l'effet de détourner de la voie des études sérieuses de jeunes talents que ne guiderait plus l'amour de l'art, et qui n'en chercheraient que des profits, c’en serait fait d l’œuvre de Louis XIV, vainement placée sous la double égide du séjour de Rome et du nom des Médicis. / C'est dans cette conviction profonde où elle est de ses devoirs envers eux et envers elle-même, que l'Académie adresse aux anciens lauréats, en même temps qu'aux nouvelles espérances de notre école, ce conseil de son [f°565] expérience, que l'étude seule peut conduire à des succès durables ; que l'application et le travail sont les premiers éléments d'une gloire solide, et que les arts se perdent, comme les talents même qui s'y livrent, par la facilité avec laquelle on exploite les uns, en exerçant les autres.
Localisations
Cote / numéro : 
20180612/1-249, fol. 546-565
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Rédacteur
France Lechleiter