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Statut
Publiée
Contributeur
lorenzo.margani@louvre.fr
Dernière modification
25/10/2023 16:19 (il y a environ 1 an)
Localisations
Lieu de conservation : 
Type de Cote / numéro : 
Cote / numéro : 
D 321/1996
Commentaires descriptifs
Commentaire descriptif : 

Le Christ d’applique est cloué à la croisée circulaire d’une plaque de croix par des rivets traversant les mains et les pieds. Il se tient debout, les yeux ouverts (en perles d’émail bleu), les bras légèrement fléchis et la tête entourée d’un nimbe crucifère polychrome, portant une couronne gravée royale gravée de décors. Ses longs cheveux encadrent le visage du Christ, légèrement incliné. Le périzonium, noué sur la hanche gauche, descend jusqu’aux genoux presque superposés. La silhouette du Crucifié s’incurve en S, tandis que ses pieds reposent en forme de V sur le suppedaneum bleu ponctué de rouge. Au-dessus du Crucifié, le titulus est gravé et doré sur deux lignes émaillées de turquoise est inversé : X P͂ S et I H̃ S. Le fond bleu est parsemé de jolis motifs polychromes: rosettes, disques et losanges émaillés en trois ou quatre tons chromatiques (rouge, vert, jaune/rouge, bleu foncé et clair, blanc) et bordés d’un filet en réserve pointillé. Aux pieds du Christ, figure d’Adam sur le mont Golgotha, gravée et dorée en réserve (ce détail est peu lisible en raison de l’état très corrodé de la plaque). Le rinceau aux pieds du Christ, émergeant du tombeau d’Adam, signifie que la Croix de la Crucifixion est aussi la Croix de Vie. Le Mont Golgotha est synthétiquement évoqué par quelques rochers. La plaque est ourlée d’une bordure bicolore (bleu clair et blanc), ainsi que de filets en réserve dorée. Un décor en zigzag est observable le long du pourtour de l’œuvre, qui comporte quatorze trous de fixation.

Cette plaque appartient à une importante série de croix limousines représentant le Christ Roi, crucifié mais victorieux, couronné et vivant, qui succède au type iconographique du Christ souffrant, non couronné et mort. L’iconographie du Christ couronné est particulièrement répandue en Scandinavie, probablement parce que sa diffusion fut contemporaine de la construction massive d’églises dans le Nord de l’Europe au XIIIe siècle, ce qui entraîna une commande importante de mobilier liturgique. Nombre de plaques et d’appliques de Christ conservées dans les pays scandinaves sont comparables à l’œuvre présentée ici. Norvège : Østfold, Sarpsborg, Borgaryssel Museum, provenant de l’église de Saint-Nicolas ; église de Røsvik (Nordland), provenant de l’église de Rørstad, provenant de l’église Saint-Clément ; Trondheim, Trondheim / Norges teknisk- og naturvitenskapelige universitet, NTNU, Vitenskapsmuseet (N207327:7); Oslo, Kulturhistorisk museum, inv. C21416. Suède : Stockholm, Historiska museet, inv. SHM 18616, provenant de l’église de Västra Broby (Scanie). Danemark : Copenhague, Nationalmuseet, inv. D991, D2398 (cf. Solhaug 2005: 137-150, fig. 4-6), inv. D7067, provenant de l’église de Jelsa (Rogaland)

La simplification stylistique du mont Golgotha, caractéristique de la production post 1200, ainsi que la position légèrement inclinée du Christ, suggèrent une datation après 1205. La palette chromatique riche, l’exécution très soignée de l’applique du Christ, notamment les détails du visage, des cheveux et de la couronne, situent cette plaque avant 1225, quand le niveau qualitatif était encore élevé.

États
Commentaire États : 

Bon état général. Pertes importantes de la dorure sur la figure d’applique, notamment sur le côté droit du périzonium. Nombreuses lacunes d’émail aux extrémités supérieure et inférieure de la plaque. Forte corrosion du cuivre, larges traces de vert de gris sur le bras gauche du Christ. Au-delà de ces manques, l’état de conservation est remarquablement bon, compte tenu de la provenance d’un contexte archéologique. 

La plaque a fait l’objet d’une restauration menée avec succès par le département de la conservation du Nationalmuseet de Copenhague.

Matérialité
Matériau : 
Commentaire Matérialité : 

émaux : bleu (foncé, moyen, clair), turquoise, vert, jaune, rouge, blanc

Dimensions
Commentaire Format : 

plaque

Hauteur : 
220
Largeur : 
120
Unité de mesure : 
Commentaire Format : 

applique

Hauteur : 
150
Largeur : 
125
Unité de mesure : 
Inscriptions
Type d'inscription : 
Transcription : 

X P͂ S / I H̃ S

Emplacement : 
avers
Représentations
Indexation Garnier-SMF : 
Créations / exécutions
Date de création : 
1205 / 1215
Commentaires historiques
Commentaire historique : 

L’applique a été découverte en 1996, lors des fouilles archéologiques menées sur une petite partie du cimetière du couvent carmelite de Skælskør, ville de taille moyenne de la Seelande, au Danemark.

Les fouilles, dirigées par Hanne Dahlerup Koch, ont mis au jour les restes de 465 êtres humains (hommes, femmes et enfants). Les tombes, très étroites, étaient presque toutes dépourvues de cercueils.

Elles contenaient plusieurs groupes d’objets, dont quatre croix et quinze rosaires.

Trois des croix étaient très simples, en bois. La quatrième tombe, d’un homme d’environ 30/35 ans, contenait l’œuvre limousine appelée le Crucifix de Skælskør. La tombe ne comportait ni cercueil ni clous, ni trace du linceul qui devait entourer le corps du défunt. L’état des dents de l’homme pourrait indiquer qu’il appartenait à une classe sociale élevée. La plupart des tombes et des squelettes ont été déplacés au fil du temps par d’autres inhumations; seule la plaque émaillée est restée in situ, près de l’épaule gauche du défunt. La tête du Christ était tournée à l’Est, celle de l’homme enterré dans le tombeau à l’Ouest : ainsi, ils se regardaient. De plus, l’Est est la direction de laquelle, selon la tradition, le Christ arrivera le jour du Jugement dernier. Cependant, il est impossible d’établir avec certitude si le positionnement de la plaque de croix dépend de cette symbolique ou s’il est tout à fait aléatoire.

Le Crucifix était enveloppé dans un textile blanc et doux, probablement du lin peigné, dont des fragments sont conservés au revers de la croix (cf. photo).

En 1423, le Pape ratifia la fondation du couvent de l’ordre mendiant du Carmel à Skælskør ; cependant les fouilles semblent indiquer que le couvent était en activité auparavant, vers 1418. Le rapport de fouilles suggère que la tombe avec le Crucifix pourrait provenir de la partie la plus ancienne du cimetière. En 1532, la Réforme commença au Danemark et tous les monastères furent supprimés, y compris ceux de l’ordre du Carmel. L’église abbatiale du monastère de Skælskør, construite avant 1423, fut démolie en 1552 ; le cimetière est décrit comme étant abandonné en 1562.

La vie religieuse au XVe et au XVIe siècle jusqu’à la Réforme, était fondée sur la piété, la pauvreté et la croyance au Purgatoire. La relation entre Dieu et le fidèle était importante, les donations et les offrandes à l’Eglise en échange de prières pour l’âme du donateur de plus en plus nombreuses. La vénération de la Vierge, en tant qu’intercesseur, atteignit son sommet,  et l’ordre du Carmel est un ordre marial. Les croix processionnelles, livres de prière et rosaires étaient des signes visibles de piété et dévotion. L’usage des croix comme objets funéraires était lié à la croyance dans le Purgatoire et dans la vie après la mort. 

Le Crucifix de Skælskør arriva au Danemark probablement dans la première moitié du XIIIe siècle, alors au  centre d’une croix processionnelle, pour agrémenter le mobilier liturgique d’une église inconnue. Il a été suggéré que le Crucifix de Skælskør soit devenu au bas Moyen Âge une oeuvre de dévotion privée : il aurait été la propriété privée de l’homme dans la tombe duquel il fut trouvé, et aurait servi à sa dévotion privée, puis comme croix mortuaire.

L’Église catholique utilise les croix dans plusieurs contextes, dont on ne cite ici que quelques exemples. Le prêtre qui donne l’extrême onction à une personne malade ou mourante fait le signe de la croix sur son front avec de l’huile bénite, lui montre ensuite la croix et lui demande de rester attachée à sa foi. La croix pouvait être placée ou à côté de la personne souffrante ou entre ses mains. Il s’agit dans ce cas d’une Sterbekreutz, qui pouvait éventuellement être enterrée avec le défunt. La fonction finale du Crucifix de Skælskør fut probablement celle d’une Sterbekreutz (croix mortuaire).

Les radiographies de la plaque ont montré que les bras du Christ ne couvrent pas parfaitement la partie en réserve des bras de la croix. Il a été suggéré (Skælskør Karmeliter…, p. 92, 94, 117) que la figure d’applique ne fut pas exécutée spécifiquement pour la plaque, mais cette hypothèse n’est pas convaincante.

Source
Institut national d'histoire de l'art (France) / Musée du Louvre (Paris) / Ville de Limoges
Licence
Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Rédacteur
Mona Bramer Solhaug – Kulturhistorisk museum, University of Oslo