Collection Wyvern
Plaque potencée, provenant du revers de l’extrémité inférieure d’une croix processionnelle composée. Sept perforations de fixation. Au centre, figure en réserve de l’homme ailé, symbole de saint Matthieu. Emergeant d’une nuée polychrome, l’évangéliste est représenté debout, nimbé : il tient le Livre de sa main droite voilée. Les ailes, aux proportions allongées, sont déployées vers le haut. Le fond bleu de l’œuvre est parsemé de disques polychromes, tous soigneusement entourés d’un filet doré et pointillé. La plaque est ourlée d’une nuée tricolore (bleu foncé, bleu clair, blanc), entourée de deux minces filets dorés en réserve, dont un est gravé en zigzag.
L’œuvre est d’une belle qualité d’exécution. La gravure, très soignée, dessine avec minutie la figure de l’homme ailé : le plumage des ailes, la chevelure en mèches parallèles, l’orfroi quadrillé de l’encolure, ainsi que son drapé souple.
Ce fragment est à rattacher à une série de croix, processionnelles et composées, comportant une croisée ronde ou en mandorle, et des empattements trilobés ou potencés. Réalisées entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle, au moment d’apogée des ateliers limousins, elles présentent souvent cette caractéristique bordure tricolore que l’on retrouve sur l’exemplaire de la collection Wyvern. Le revers de ces objets était consacré à l’iconographie du Tétramorphe, dont les symboles étaient représentés aux quatre extrémités.
Grâce à la consultation des Archives de Georges Ryaux (Paris), Geneviève François a pu identifier les autres plaques de la croix d’où provient ce fragment (notes manuscrites, CEDRE). La photo reproduite ici, datée avant 1964, montre l’avers d’une croix constituée de sept plaques, démembrée depuis. Celle de la collection Wyvern se trouve sur la traverse gauche. Comme celle-ci, la plaque centrale avec Christ d’applique, celle latérale représentant l’aigle de saint Jean, et les deux plaquettes gravées de rinceaux et décorées d’un médaillon émaillé, ont fait partie de la collection Keir, vendue à New York en 1997, et sont également répertoriées dans cette base (voir Œuvres en lien). Les deux plaques aux extrémités inférieure et supérieure, avec ange et saint anonyme, furent léguées au musée Francisque Mandet de Riom en 1978 par un couple de collectionneurs privés, M. et Mme Richard.
Le démembrement de la croix, dont la date précise est inconnue, se situe donc avant 1978. Comme le montre la photo, l’objet avait déjà subi des remontages : la disposition des plaques avec les symboles de saint Matthieu et saint Jean n’est pas cohérente, leur place habituelle étant l’extrémité supérieure pour l’aigle de saint Jean et inférieure pour l’homme ailé de saint Mathieu (comme l’indique d’ailleurs la position des animaux). Ceci dit, l’homogénéité stylistique des plaques, à la fois dans la gravure, la palette chromatique et le répertoire décoratif, ainsi que la cohérence de leurs dimensions, confirment que les sept plaques proviennent des deux faces d’une même croix : la plaque centrale avec le Christ, la plaque avec l’ange aux ailes déployées et celle avec saint Pierre de la face antérieure, tandis que les deux plaques de saint Matthieu et saint Jean proviennent du revers. Elles furent remontées ensemble dans un ordre différent à une date inconnue.
En raison de cette reconstitution, et des observations déjà avancées sur la qualité de la plaque, il est possible de proposer une datation entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle.
bon état de conservation général ; usure de la dorure ; quelques manques d’émail
Collection Kofler-Truniger, Zurich, en 1964. Collection Keir (Edmund de Unger), Petersham, 1971-1997. Vente Keir, New York, 20 novembre 1997, lot 26. Commerce d’art, Sam Fogg, Londres, en 2006. Entrée dans la collection Wyvern en juin 2006.