[1804-1805, peinture, état d'avancement des envois]Etat des ouvrages des pensionnaires en peinture, [...]

[f°1.] École française des beaux-arts à Rome. 1804 // A messieurs composant la classe des Beaux-arts de l'Institut national de France // Le directeur de l'École française des Beaux-arts à Rome // Messieurs / Je vous ai fait connaître par mon rapport du 11 [fructidor ?] an 12 les convenances de la localité où j'ai placé notre École pour l'exercice des arts, ainsi que son organisation pour l'ordre des études. Je vais maintenant vous en exposer le résultat par l'indication des travaux d'émulation de Messieurs les pensionnaires dont l'exposition aura lieu ici dans le palais National au premier vendémiaire prochain [ajouté au crayon dans la marge : an 14]. J'aurai désiré, Messieurs, vous mettre à même d'en juger par les faits mais vous savez combien notre situation politique met des obstacles invincibles à l'envoi des ouvrages. // J'espérais avec raison l'année dernière d'être aujourd'hui dans le cas de vous annoncer deux ouvrages importants en peinture puisque M. Alfonse Gaudar avait composé et commencé un tableau de 18 pieds de large sur 11 de hauteur représentant Ulysse de retour à Ithaque chez Pénélope. Dispensez moi de vous peindre les circonstances qui l'ont précipité avant l'âge au tombeau, il partit de Rome pour aller à Florence au-devant de son frère, tout ce qu'on put lui dire pour retarder ce voyage fut sans effet, rien ne put lui faire changer d'idée. Arrivé à Sienne il y fut attaqué d'une fièvre maligne qui l'enleva le troisième jour à une famille dont il faisait le bonheur ; aux arts dont il aurait soutenu avec distinction l'éclat dans sa patrie. Vous serez à même, Messieurs, d'en juger par son travail d'émulation de la première année, il avait pour sujet de cette étude pris l'instant que [sic] Roland arrache l'arbre. [f°2] M. Harriet avait aussi entrepris l'année dernière un tableau de 22 pieds sur 16 Coclès défendant le pont de Rome en est le sujet. Plus de quarante figures entraient dans cette vaste composition, plus de vingt en occupaient le premier plan, et pouvaient être regardées comme terminées, quand pour rectifier ses idées, il eut le courage d'en effacer huit, depuis ce moment, les infirmités qui plusieurs fois mirent à Paris ses jours en danger n'ont cessé d'accroître, , une humeur viciée qu'il porte dès son berceau, et qui de tout temps avait menacé sa poitrine s'en étant éloigné a fini par se manifester avec une telle abondance à la partie moyenne de la cuisse, (et après huit mois de souffrance) qu'il ne fut plus possible de différer l'opération nécessaire à l'évacuation des humeurs, elle a été faite avec le plus grand succès, et nonobstant l'excès de la chaleur, elle n'a été suivie d'aucun accident, l'évacuation fut effraiante [sic.] et par la quantité et par la qualité des matières. Si le mal n'eut été que local, tout semblait en faveur du malade, mais la masse du sang (suivant l'opinion de tous les gens de l'art) est en dissolution, il est dans cet état depuis deux mois, et il ne nous reste aucune espérance de le revoir en santé, sauf un miracle de la nature. / Quoiqu'il ne demeure pas au palais et qu'il habite avec son épouse et son enfant, je me suis fait un devoir de procurer à ce malheureux jeune homme tout ce qui peut porter du soulagement à sa situation, et calmer son esprit. Je le vis encore hier son âme tranquille, la tête saine, raisonnant avec toute la justesse possible, même sur la situation. Il répète souvent sans s'en affecter, je mange bien et de bon appétit mais mon père est mort en parlant une demi-heure après avoir fait un repas de bon appétit. Sa résignation et son courage, sont au-delà de toute expression. M. Honnet peintre, a fait pour nous son morceau d'émulation un vieux [sic] Athlète conduisant un taureau, prix de sa valeur. Il est maintenant occupé à faire une copie d'après Raphaël pour travail d'étude obligatoire de la quatrième année, qui fera partie de notre exposition. [f°3] / M. Guérin dont les ouvrages ont déjà illustré le nom et auxquels le gouvernement a rendu la justice la plus éclatante, a cru qu'il serait plus avantageux pour son talent, de consacrer le peu de temps qu'il restera à Rome à réfléchir sur toutes les parties de l'art, que de s'exercer. En conséquence, il s'est engagé dès qu'il sera de retour en France de s'occuper du tableau qu'il doit comme pensionnaire de l'École de Rome, au gouvernement. Ce tableau doit faire suite aux tableaux de réception de la ci-devant Académie royale, et former une belle page dans l'histoire de l'art en France, c'est un de ses enfants qui provoquera toujours le sourire sur les lèvres de sa bonne mère. MM. Bouillon et Bouchet ne se sont pas rendus à Rome. [...] [Signé] Suvée