Applique en ivoire étrusque
Cette petite applique travaillée en bas relief dans une plaquette d’ivoire représente la tête et le long buste d’un personnage féminin dans une posture hiératique. Elle est coiffée d’un bonnet rond avec de petites franges lui tombant sur le front. Son visage de style hathorique est encadré par quatre longues tresses descendant jusqu’au bas de la composition, qu'elle sert contre elle au niveau du diaphragme. Le reste de sa chevelure, rendue simplement par des incisions verticales, tombe derrière ses épaules. Son visage ovale affiche une expression sérieuse, avec de grands yeux en amande dont les sourcils sont succinctement esquissés sous les franges de sa coiffe. Sa bouche est marquée d’un trait horizontal, avec des lèvres généreusement modelées. Elle est vêtue d’une tunique aux manches mi-longues, s'arrêtant un peu au-dessus de ses coudes repliés, décorées aux extrémités d’un bandeau incisé de bandes obliques. Le col rond de son vêtement est également ouvragé de languettes modelées, mettant ainsi en valeur son port de tête. La face arrière est parfaitement aplanie, afin de servir d’interface avec le support que cette figurine décorait. La partie inférieure ne montre pas de brisure mais un arrêt net et lisse, ce qui nous permet d’affirmer que l’applique est entière. L’état de conservation est assez bon, bien que des altérations de surface sur le côté gauche ont effacé les détails de traitement.
Cette applique reprend le motif iconographique, très commun dans les productions étrusques, de la “pleureuse”. On pense en effet aux cariatides des coupes en bucchero produites par les ateliers de l’Etrurie méridionale entre la fin du 7e et le début du 6e av. J.-C. La représentation d’un personnage féminin se tenant les tresses dans l’attitude rituelle de la lamentation serait ainsi l’emprunt conscient d’un motif syro-phénicien par les artisans étrusques au cours de l’époque orientalisante.
Cette applique peut ainsi être rapprochée plus particulièrement de coupes en ivoire de forme tronconique de la tombe Barberini à Préneste, datées entre 675-660 av. J.-C et aujourd’hui conservée à la Villa Poniatowski (Rome). Ces coupes sont, comme leur équivalent en bucchero, supportées par des cariatides hiératiques représentées sous les traits de femmes maintenant leurs tresses contre la poitrine. Toutefois, ces pleureuses sont représentées en pied, et travaillées en rond de bosse.
De fait, par sa forme particulière et le matériau utilisé, cette applique ne semble pas avoir de comparaison directe. Ce type de composition s’arrêtant de manière ambiguë juste au-dessus des hanches, et ainsi juste au-dessous du geste de lamentation, n’a aujourd’hui pas d’équivalent parmi la petite plastique étrusque. Toutefois, des équivalents existent dans la grande plastique, en pierre ou en bronze, à l’image du buste d’Isis de Vulci (deuxième moitié du 6e s. av. J.-C.). Ces productions de grande dimension étaient d’ailleurs destinées à reposer sur un autre élément, peut-être comme notre applique. Cette pleureuse peut être rapprochée plus particulièrement des “statue-bustes” en pietra fetida de Chiusi datées de la première moitié du 6e siècle av. J.-C., dont Alain Hus (1961) a déjà soulevé l'originalité. Le travail de la coiffe et les traits dédaliques du visage laissent entrevoir une claire parenté stylistique entre ces productions, en plus de leur composition formelle. Alain Hus comprend d’ailleurs la grande statuaire clusienne comme une transposition des “arts mineurs”, dont cette applique pourrait être un nouvel exemple.
Bibliographie : A. Hus, Recherches sur la statuaire en pierre étrusque, Rome, 1961 ; J. Bayet, “Idéologie et plastique. II : La sculpture funéraire de Chiusi”, Mélanges de l'école française de Rome, 1960, n. 72, pp. 35-88.
Auteur : Maylla Bisson
Chiusi (?)
Étrurie (?)
Collection Jean-Baptiste Muret, vendue après sa mort par son fils Ernest à Arnold Morel Fatio, qui la donne au musée en 1867.