Plaque médiane de croix avec figure d'applique du Christ
Plaque centrale d'une croix à croisillon circulaire, bordée d'un listel en zigzag en réserve, avec à l'extrémité supérieure la main de Dieu, qui bénit, en réserve, émergeant de nuages émaillés en bleu foncé et turquoise (perte prononcée de l’émail) ; Dextera Domini au-dessus du titulus (en réserve et de forme trapézoïdale avec l'inscription IHS en pointillé). A l'extrémité inférieure du montant vertical, le suppedaneum adopte la forme d’une petite plaque rectangulaire en émail turquoise.
Le fond en émail bleu lapis-lazuli est parsemé de disques ornés d’un quatre-feuilles ou d’un losange en pointillé, émaillés dans les gammes classiques de l'opus lemovicense : rouge, bleu foncé, bleu clair, blanc ; et rouge, vert foncé, vert clair, jaune et turquoise. Les douze perforations correspondent aux clous qui fixaient la plaque sur l’âme de bois de la croix.
Fixée sur la plaque par quatre clous, la figure en applique du Christ est vêtue d’un colobium, une tunique à manches longues, sur l'aube et la dalmatique. La tête a été endommagée par la perte de la couronne. Légèrement inclinée vers la droite, elle est de forme ovale, cheveux longs tombant sur les épaules, barbe courte et moustache, faites de hachures gravées, nez proéminent. Les vêtements couvrent tout le corps, ne laissant voir que les mains et les pieds très écartés ; la partie supérieure est ornée d'un pectoral en orfroi, émaillé en rouge, vert et jaune, et de deux perles émaillées (la plus grande au centre a disparu) ; ce détail rappelle la riche passementerie byzantine ; la tunique est retenue par une ceinture, ornée de perles en émail turquoise, dont l’extrémité retombe jusqu’au bas de la tunique. Les perles occupent le centre de petits disques, alternant avec une frise en zigzag ; les poignets et le bas de la tunique sont bordés de réserves ovales unies. Les plis sont représentés par des courbes sur la partie abdominale et ils se croisent sur le reste de la tunique. Dans la partie inférieure, on distingue les plis de l’aube (bleu clair, bleu foncé et blanc) et de la dalmatique (vert et jaune).
La valeur symbolique de cette représentation a pour finalité de montrer la gloire de Dieu, raison pour laquelle le Christ est représenté vivant, dans une attitude contemplative, couronné et vêtu d’un colobium, contrairement aux Christs en croix, où l’accent est mis sur la souffrance et les blessures physiques. Les caractéristiques ont été étudiées. Andersson souligne que l'origine de l'image limousine présentant le Christ en gloire vient de l'art ottonien et elle observe que celles d'Ukna et de Nävelsjö suivent un modèle scandinave dont les particularités le distinguent d'autres modèles de chronologie un peu plus tardive. Elle souligne également la richesse des trois vêtements (colobium), la tunique, l'aube et la dalmatique avec des ornements d’orfèvre (Andersson, 1980, p. 21).
Le pectoral est un symbole de la royauté. Il a aussi été étudié par Andersson (1980, p. 21, fig. 26 et 28) à propos des croix de Nävelsjö (Statens Historiska Museum, Stockholm, Suède, inv. 10603:1-2). Ce pourrait être un trait distinctif des vêtements de couronnement du roi ou peut-être une réminiscence de la distinction des anciens dieux païens scandinaves. Taburet-Delahaye (1995, p. 185) signale néanmoins que dans le sud de la France, en Allemagne et en Catalogne, les représentations du Christ en gloire ont connu une grande diffusion en raison de la dévotion et de l'expansion rapide du culte rendu au Volto Santo de Lucca (fin du VIIIe - début du IXe siècle, Chiesa di San Martino, Lucca, Italie).
Cette tradition existait également à Limoges selon Duplès-Agier (1874, p. 285, 298-299). Bramer (2014, p. 219-222) suggère qu'elle pourrait également faire partie du répertoire standard de Limoges. Les Christs en gloire ont été inventoriés (Swarzenski, Netzer, 1986, p. 80-81) ; il faut y ajouter celui de Saint Hallvard de la cathédrale d'Oslo (Museum of Cultural History, Université d'Oslo) (Bramer, 2014, p. 208, fig. 1) et celui de la collection Jean Gazeau (Pacha-Miran, 2016), intéressant à des fins de comparaison en raison de la coïncidence de certaines caractéristiques techniques : traits gravés sur les cheveux, la barbe et la moustache, ondulation sur les tempes, petites oreilles ciselées. Ils ont été classés (Andersson, cf. ; Taburet-Delaye, 1995, p. 184-185).
Dans le premier groupe, le Christ du musée du Louvre (OA 8102) est le plus important pour sa qualité artistique. Il est considéré comme étant le meilleur de sa typologie et il nous a servi de référence pour étudier celui du MNAC. La description coïncide avec celui-ci et bien que ce dernier n'ait ni sa finesse, ni sa force expressive et que sa technique soit de qualité inférieure, c’est un point de départ intéressant pour réaliser une analyse comparative.
La similitude tient aux yeux ouverts, à la couronne (bien que disparue aujourd’hui, il y en avait une), au vêtement en trois parties (tunique, dalmatique et aube) reconnaissables aux couleurs des émaux : jaune/vert et bleu foncé, bleu clair et blanc, au drapé de la partie abdominale et aux plis du corps qui reprennent le même graphisme, bien qu’avec moins de densité, au contour du pectoral semblable à celui de l’Ermitage (Saint-Pétersbourg, the State Hermitage Museum, nº 1829) ou aux gouttes décoratives d’émail rouge. Quelques différences sont à prendre en considération pour déterminer la filiation et la datation: la largeur des poignets qui est un détail rare dans les exemples de cette typologie, la position haute de la ceinture autour de la taille, la lecture des plis des deux bandes inférieures manque de logique, alors que ceux des Christs de l’église de Nävelsjö (Statens Historiska Museum, Suède, inv. 10603:1-2), traités de façon réaliste, sont d’un bel effet ; l’ornementation est dépourvue de pierreries, qui sont très présentes sur les Christs du premier groupe. Elle est remplacée par des bandes en réserve avec des motifs et des lignes en zigzag gravés, ainsi que des gouttes d'émail bleu clair, qui ne sauraient égaler la richesse des pierreries de l’exemplaire de l'Ermitage, des croix suédoises ou du Louvre (avec des pertes).
Ils se différencient aussi par la hauteur qui est de 207 mm face aux 277 mm du Christ du Louvre.
D'autres exemplaires font partie d’un second groupe, techniquement inférieur au premier, parmi lesquels celui de Saint Hallvard et celui du Museu Episcopal de Vic (MEV 766) (Sanjosé, 2018, p. 271-275) qui ressemble à celui du MNAC avec ses poignets larges et non serrés, bien qu’avec des nuances.
On ne peut pas considérer que les exemplaires de ce groupe correspondent à un seul atelier ou maître, mais plutôt que d'autres ateliers sont apparus avec leurs propres particularités, d'où les différentes versions (Bramer, 2016, p. 213). Les particularités que nous avons observées indiquent la mise en œuvre d’un processus de mimésis, avec l’intervention d’un artisan plus ou moins expert qui a entrepris d’imiter le modèle du premier groupe dans une chronologie proche de 1215. Par ailleurs, l'influence des sculptures sur bois d'origine catalane ne peut être exclue.
La plaque appartient au groupe GF-9, Aa. du répertoire de François (1993, p. 108).
Perte de quatre doigts de la main gauche, du pied droit, parties endommagées de la plaque métallique : tête du Christ, partie du visage au-dessous des yeux, l’arc ciliaire de droite, côtés gauche et droit du colobium. Pertes d’émail sur certains disques et la partie supérieure du montant vertical, sur le verre de l’œil droit et trois perles émaillées de couleur turquoise. Perte généralisée de la dorure. Les deux pouces sont neufs.
plaque
Christ
IHS
Jésus
titulus
Entrée au Museu Nacional d’Art de Catalunya suite à l’achat de la collection de l’industriel et collectionneur catalan Lluís Plandiura i Pou (1882-1956) le 18 octobre 1932. Provenance antérieure inconnue.
p. 214, fig. 61.
p. 151, n° MAB 4556.
p. 223.