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[1854, peinture, rapport Institut séance publique annuelle]Rapport imprimé sur les envois de peintur [...]

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15/03/2022 09:31 (il y a plus de 2 ans)
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Description
[1854, peinture, rapport Institut séance publique annuelle]
Rapport imprimé sur les envois de peinture de 1854
TYPE : rapport de la séance publique annuelle de l'Académie des beaux-arts
AUTEUR : Halévy, Fromental
PAGE DE TITRE : Institut Impérial de France / Académie des beaux-arts / Rapport sur les ouvrages envoyés de Rome par les pensionnaires de l'Académie Impériale de France pour l'année 1854 par M. F. Halévy, Secrétaire perpétuel
LIEU DE RÉDACTION : Paris
DATE : 21/10/1854
Descriptions
Transcription : 
[f°1] Messieurs, // Nous n'entendrons plus la voix savante et respectée qui a si longtemps retenti dans cette enceinte. L'homme éminent qui savait si bien éclairer l'art moderne du flambeau de l'antiquité ne transmettra plus aux lauréats de l'École de Rome les conseils de l'Académie des beaux-arts. M. Raoul-Rochette a succombé, non sous le fardeau des ans, mais sous le poids de ses travaux, sous la fatigue de ses veilles ; il est mort, jeune encore, un des plus anciens de cette assemblée, partageant sa vaste science entre deux académies qui lui consacrent d'unanimes regrets. Cette voix pleine de sagesse et d'autorité s'est éteinte, mais les conseils de l'Académie ne manqueront pas aux jeunes artistes sur lesquels elle veille toujours. Celui qui parle à cette place n'a pas de paroles qui lui appartienne et c'est l'Académie toute entière qui parle par sa voix. L'Académie comme une mère vigilante, suit le jeune artiste depuis le jour où elle le couronne, jusqu'au jour où, quittant cette noble école qui rayonne à Rome, il revient dans sa patrie, près de ses maîtres d'autrefois, aujourd'hui ses juges et toujours ses amis. [f°2] Si tous les travaux envoyés par l'École de Rome ne méritent pas les mêmes éloges, si plusieurs ont appelé la critique, l'ensemble de l'envoi est satisfaisant. Je vais, au nom de l'Académie, transmettre à chacun des pensionnaires la part qui lui revient dans des éloges que l'Académie décerne avec bonheur, ou dans l'expression d'un blâme, qui est pour elle l'objet de véritables regrets et qu'elle adresse quelquefois avec ménagement pour ne pas ôter le courage à ceux qui s'égarent, à ceux qui fléchissent un moment et dont elle cherche toujours à ranimer l'ardeur. [f°3] PEINTURE // M. BOULANGER / Figure d'étude / M. Boulanger a envoyé un tableau auquel il a donné le nom modeste de figure d'étude, pour obéir, en apparence du moins, au règlement, qui ne demande au pensionnaire de troisième année que ce genre de travail. Mais il est bien certain que c'est un tableau qu'a voulu faire M. Boulanger. L'Académie veut bien croire qu'en dépassant ainsi la limite de ses obligations, M. Boulanger n'a été entraîné que par un excès de zèle et que nulle autre pensée ne l'a guidé. Mais l'Académie exprime le voeu formel qu'à l'avenir les pensionnaires se renferment strictement dans l'exécution de règlements consacrés par une longue expérience dictés dans l'intérêt bien entendu des études, et dont chaque transgression ne fait que démontrer plus fortement la sagesse et l'utilité. M. Boulanger écrit au bas de son tableau ces paroles, imitées d'un célèbre poète allemand : "Et moi aussi je suis né en Arcadie et sur mon berceau la nature m'avait promis le bonheur " (Poésie de Schiller, Résignation) / Ce texte a le danger d'éveiller à la fois le souvenir de [f°4] Virgile, du Poussin, de Schiller ; il est difficile de ne pas s'effacer sous l'éclat de ces grands noms. L'Académie regrette que l'auteur n'ait pas mieux compris le caractère poétique et moral du sujet qu'il avait si témérairement choisi. C'était le doux spectacle d'un amour tendre et pur qu'il devait mettre sous les yeux de ce vieillard austère et non la folle ardeur d'un plaisir trop vulgaire. Ce vice fondamental dans l'expression, cette faute grave, il faut bien le dire, a porté ses fruits dans l'exécution de l’œuvre. Le caractère des têtes n'est pas d'un choix heureux ; le dessin est maniéré, le coloris est sans vérité et sans harmonie. Seule, dans ce tableau, la figure du vieillard mérite quelques éloges. Elle est bien posée et dans le sentiment de son ensemble on peut reconnaître que M. Boulanger, s'il le veut sérieusement, satisfera dans son prochain envoi à ce qu'il doit à l'Académie et à ce qu'il doit à lui-même. // M. BAUDRY / La Fortune et l'enfant (La Fontaine, Liv. V, fable XI.) / Le Printemps de la vie, esquisse peinte. // Au premier coup d’œil on pourrait prendre le tableau de M. Baudry, La Fortune et l'enfant, pour une agréable et libre copie d'un grand maître vénitien ; mais le charme s'évanouit bientôt parce qu'au lieu d'une copie on ne trouve qu'un pastiche. Certes, l'admiration pour les chefs-d’œuvre est un sentiment que l'Académie partage et qu'elle cherche toujours à faire naître et encourager ; mais M. Baudry, s'il continuait à marcher dans cette route, apprendrait bientôt à ses dépens que ce n'est pas en imitant servilement les maîtres [f°5] qu'on peut espérer d'en approcher jamais. Il faut savoir s'inspirer de leur génie, s'échauffer à cette flamme ardente, non se laisser consumer. L’œuvre de M. Baudry, quand même on l'absoudrait de ce reproche d'imitation flagrante est loin d'être exempte de critiques graves. Le dessin est incorrect, le modelé mou. L'effet de la lumière des deux figures n'est point en accord avec celui du paysage, dont le ton noir ne comporte nullement les ombres diaphanes des personnages. Nous adressons d'ailleurs à M. Baudry un reproche non moins sérieux que celui que nous adressions tout à l'heure à M. Boulanger : il ne faut pas comprendre le sujet qu'il a voulu traiter et la pensée philosophique de la fable de la Fontaine n'est pas rendue. L'Académie engage M. Baudry à travailler de son propre fonds, à produire une œuvre qui lui appartienne réellement : quels qu'en soient les défauts, l'Académie les lui pardonnera plus facilement que les qualités d'emprunt dont il s'est paré aujourd'hui. Dans son esquisse peinte, M. Baudry s'est aussi écarté des règlements. Au lieu d'un sujet tiré de l'histoire ancienne, que le règlement demandait à ce pensionnaire, son esquisse ne présente que la capricieuse composition d'un sujet tout de fantaisie. À ce tort, il joint celui plus grave encore de n'y exprimer que les plaisirs de la paresse, la nullité de l'oisiveté, des images puérilement voluptueuses. L'Académie voit avec peine que M. Baudry représente ainsi et sans compensation le printemps de la vie. Elle voit là une tendance fâcheuse qu'elle déplore et qu'il est de son devoir de chercher à réprimer. L'allégorie, il faut que M. Baudry le sache [f°6] bien, doit briller par la grandeur de la pensée ou par la grâce de la poésie. L'Académie aurait été heureuse de trouver au moins quelque dédommagement dans le mérite de l'exécution de cette esquisse ; elle n'a que des regrets à exprimer. // M. CHIFFLARD [sic] / Figure d'étude / M. Chifflard [sic] avait entrepris, pour son travail de seconde année un tableau plus important que celui qu'il a envoyé, plus considérable aussi que ne l'exigeait le règlement. Ce tableau, il n'a pu le terminer à temps. Il a donc dû se hâter ensuite pour l'exécution de la figure qu'il nous a adressée et qui mous montre un Berger assis. Nous ne cesserons de le répéter, l'Académie voudrait voir les pensionnaire se conformer à de sages prévisions qui loin de chercher à éteindre la jeune ardeur des lauréats, la règlent pour la mieux diriger et la modèrent pour l'augmenter. Si M. Chifflard [sic] s'était contenté de suivre la voix qui lui était tracée, maître de tout le temps nécessaire à la bonne exécution de sa figure, il aurait pu faire montre d'un dessin mieux senti, colorer d'un ton plus vrai, mieux comprendre l'harmonie des tons dans l'effet général, déployer enfin des qualités que l'Académie désire et espère trouver dans un prochain envoi. Que M. Chifflard [sic] ne se décourage pas et qu'il se laisse guider par de sages conseils qui ne sont que le témoignage de l'intérêt que porte l'Académie aux travaux de tous les pensionnaires. // [f°7] M. LECOINTE // Le Christ maudissant le figuier / Peinture de paysage historique / Le caractère sévère, de la grandeur dans le dessin des masses, un coloris vigoureux et harmonieux, des figures bien conçues et bien rendues : telle sont les qualités qui frappent au premier aspect de ce tableau que M. Lecointe envoie comme travail de sa quatrième année. Il manque à l'expression complète du sujet l'effet, pour ainsi dire spontané du dessèchement subit du figuier maudit, effet que M. Lecointe semblait avoir oublié de rendre et qu'on doit d'autant plus regretter que l'ensemble de la couleur y aurait certainement gagné. Il faut dire aussi que le fond manque de lumière suffisante et qu'il en résulte un peu de monotonie dans le ton général. Ces observations ne portent que sur des détails, aux défauts desquels il sera facile de remédier. L'Académie est heureuse de reconnaître le mérite de cette production et de donner des éloges à l’œuvre de M. Lecointe qui a su prouver par un bon tableau qu'il a mis à profit son séjour en Italie. // M. BOUGUEREAU // Le Triomphe du martyre. Le corps de sainte Cécile apporté dans les catacombes / Cette touchante composition semble avoir été conçue dans un moment d'inspiration. L'artiste a, d'un premier jet, réuni [f°8] l'heureux ensemble des groupes en même temps que senti l'expression de profonde douleur de cette scène pathétique. Les têtes d'un caractère noble sont animées d'un sentiment vrai ; le dessin est correct, les draperies sont bien ajustées, l'exécution est large, le coloris grave et d'une harmonie assombrie convenable au sujet. L'expression de la scène serait peut-être encore plus complète, si l'auteur avait donné plus de caractère et d'importance à la figure de saint Urbain, ce pape déjà promis au martyre et que son héroïque ferveur lie éminemment au sort de sa jeune et sainte prosélyte. L'unité d'intérêt n'en eût sans doute pas été affaiblie, comme l'a redouté probablement l'auteur. Nous ne croyons pas devoir relever ici quelques défauts de détails : M. Bouguereau a dû les remarquer lui-même et nous sommes persuadés qu'il y remédiera facilement. Depuis longtemps l'École de Rome n'avait pas envoyé une peinture aussi digne d'éloge. C'est donc avec une vive satisfaction que l'Académie joint les témoignages de son approbation à ceux que le tableau de M. Bouguereau a reçu du public ; elle se plaît à espérer que le succès obtenu par le jeune artiste inspirera à ses émules le noble désir de suivre son exemple. [...] [f°21] L'examen des travaux des pensionnaires de Rome est terminé, et je répète, au nom de l'Académie, que l'ensemble [f° 22] de cet envoi présente assez de promesses d'avenir, pour que l'Académie l'ait vu avec satisfaction. Si quelques uns des lauréats n'ont pas accompli tous leurs devoirs, si quelques uns, animés d'une ardeur imprudente, ont dû être avertis et rappelés à des travaux plus conformes à leur force et plus nécessaires à leur avancement, plusieurs d'entre eux témoignent, par des progrès constants et même par des ouvrages heureusement réussis, de la bonne direction de l'École, et de l'heureuse impression que produit sur de jeunes esprits la noble étude des monuments de l'Antiquité. L'Académie n'ajoutera plus qu'un conseil à ceux qu'elle vient de donner ; elle vous dira, à vous peintres, statuaires, architectes, graveurs ou musiciens, à vous qui formez la grande famille de l'art : " Étudiez les secrets de la forme, de la couleur, des heureuses proportions ; étudiez les mystères et les lois des sons, mais échauffez toujours vos cœurs au foyer commun de tous les arts, aux rayons de la divine poésie. Artistes, soyez poètes ".
Localisations
Cote / numéro : 
Paris, Bibliothèque de l'Institut de France, 4° AA 34 (usuel), 1854, tome 24
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Commentaire interne
Base Envois de Rome FMP, fichier Documents.fp7, notice : £Rapport envois, procès-verbal, 1854, peinture2£ Notice créée le 10/08/2004. Notice modifiée le : 04/07/2018. Rédacteur : Florence Colin.
Rédacteur
Florence Colin