[1911, sculpture, rapport Institut primitif]Rapport primitif de l'Institut sur les envois de sculptu [...]

[f°1] L'obligation de [rayé : se lamenter sur ; mis à la place : constater] la faiblesse des envois de sculpture est devenue, depuis quelques années, une habitude pour le rapporteur. / Hélas ! il n'y faillira pas cette fois encore. L'impression qui se dégage de cette exposition est plus [rayé : navrante ; mis à la place : fâcheuse] encore que de coutume. / Les pensionnaires, une fois le Grand Prix obtenu, au lieu de remplir les clauses de leur contrat (n'est-ce pas là comme une question d'honneur ?) [rayé : se moquent ; mis à la place : semblent se moquer] du règlement. Ainsi, l'abstention de M. Gaumont est inexplicable. Quant à M. Brasseur, pour une fois que l'Académie agrée son envoi, arrive un an trop tard... / Si encore ces retards, ces fautes étaient justifiés par un excès de conscience apporté dans l'exécution sincère et élevée de sentiment et de pensée, nous fermerions les yeux. Mais ce n'est pas le cas ! [rayé : Rien de plus plat, de plus ordinaire, de plus mauvais goût.] Ier M. Brasseur " Gardeur d'oies " / L'oeuvre eût gagné à être allégée de tous les accessoires inutiles qui n'ajoutent d'autre intérêt que de représenter un prix [f°2] fort élevé de transport. / En faisant montre de beaucoup d'indulgence, on peut découvrir quelques indications de morceaux assez bien construits. Mais ce marbre n'est qu'une mise au point ! Il reste entièrement à exécuter. Et quel sujet ennuyeux ! Quel réalisme terre à terre ! Si c'est là tout l'idéal de beauté d'un jeune artiste qui devrait, après [rayé : 5 ; mis à la place : quatre] années vécues parmi les immortels chefs-d'oeuvre de l'Italie, nous revenir poète, nous ne pouvons nous empêcher de songer avec amertume au temps et à l'effort perdus. IIe M. Blaise 4e année " Mort de Roland " / Pourquoi vouloir faire du nu avec un sujet [rayé : moyenâgeux ; mis à la place : carolingien] ? C'est un Roland grec qui fait songer au soldat de Marathon. Si la tête est trop petite et mal attachée, le sentiment n'en est pas mauvais. Malheureusement le rapport des volumes n'est pas observé ; du reste, certaines lourdeurs pourront disparaître lors de l'achèvement du marbre. / Ce pensionnaire aurait pu s'astreindre à rendre le caractère de la légende. Son Roland, qui est censé avoir fait fuir les Sarrasins, est d'une veulerie inquiétante. IIIe M. Crenier / Dans sa " Jacquerie " ne tient pas les promesses que son G[ran]d Prix [f°3] faisait présager et nous le regrettons vivement. / Cette figure disproportionnée semble taillée dans le bois. Les accessoires sont encombrants et écrasants. Son paysan ne rend pas la sauvagerie des " crève-la-faim " farouches [rayé : et] incendiaires et pillards que furent les "Jacques " : il a les pieds d'un citadin. [rayé : Pour le reste : peut-être M. Crenier a-t-il voulu immortaliser les trait de M. Brisson.] Quant au torse, nous [rayé : nous n'en parlerons pas, il rappelle hélas ! celui dont s'est vu affliger notre grand Hugo au Palais Royal ; mis à la place : préférons n'en point parler]. IVe M. Benneteau " Vendémia " / Est encore à la recherche de sa personnalité. Dans ce bas-relief les valeurs sont toutes égales, aucune tricherie ingénieuse de plans sur le fond. Partout, sans raison, des saillies intempestives. Le torse de la Bacchante de droite n'est pas mal modelé mais on cherche vainement les frissons de chair et la souplesse attirante dans ces formes féminines. Le masque du jeune homme manque de construction. Telle est la brève critique des envois. Jamais notre tâche ne fut plus pénible. Le mal... nous savons d'où il vient ; / Il est né de l'influence néfaste, par trop grandissante qui pousse, de plus en plus, une partie des jeunes [f°4] sculpteurs français à faire de l'art teuton. Déjà quelques-uns des plus doués de notre jeune école émergent vers un art faussement puissant et sans sincérité [rayé : fait pour plaire aux journalistes ignorants et aux snobs]. / Est-il admissible que des jeunes gens qui ont la joie unique d'obtenir ce G[ran]d Prix de Rome qu'il nous faudrait inventer s'il n'existait pas, auxquels l'Académie assure la vie matérielle pendant 4 ans, dans un palais, un éden : la Villa Médicis, auxquels elle donne le moyen de réaliser ce rêve unique : vivre libre sans autre préoccupation que de faire de l'art pur et s'imprégner de l'esprit sacré qui se dégage (depuis les primitifs jusqu'à Michel-Ange) des oeuvres simplement grandes de ceux dont nous sommes les élèves croyants, est-il admissible que ces jeunes gens reviennent en France sans avoir compris pourquoi on les a envoyé là-bas et que les seules oeuvres qu'ils produisent, pendant cette période de recueillement, ne s'élèvent pas au-dessus d'une conception banale, d'une exécution molle et d'un réalisme où se rencontrent si rarement nos belles qualités françaises ? / [rayé : Eh bien ! non. L'Académie ne permettra pas, que ceux dont elle a voulu faire des artistes probes, de vrais artistes, deviennent des " révoltés ". / Elle leur demande seulement un peu de beauté. Qu'ils l'expriment, à leur guise, avec ou sans tradition. Mais il ne suffit plus de récriminer, il faut agir. La conclusion, c'est l'Académie, tout entière, qui la formulera ou bien le règlement tel qu'il existe est excellent. L'Académie alors se départira de sa bienveillance et veillera jalousement à ce qu'il soit appliqué.] / Il appartient à l'Académie d'user d'une piste de vérité et de veiller à sauvegarder les belles traditions de l'art français.