Seligmann, Françoise
Françoise Seligmann naît le 9 juin 1919 à Marseille où elle effectue sa scolarité au lycée Montgrand et obtient son baccalauréat de philosophie. Après deux années de khâgne, Françoise Seligmann doit interrompre ses études pour gagner sa vie car sa mère, enseignante, a été interdite d'exercer cette fonction par le statut des juifs de 1940. La jeune femme embrasse alors une carrière d'assistante sociale à Marseille puis à Pau et Lyon. En décembre 1941, elle entre dans la Résistance en rejoignant le mouvement Combat. Elle effectue de très nombreuses missions notamment auprès du co-fondateur de Combat, Claude Bourdet.
A la Libération, elle s'engage dans un nouveau combat : le féminisme. En 1946, elle fonde La Française, journal qui défend les droits des femmes et dans lequel collaborent de grands noms tels qu'Albert Camus, Albert Ollivier ou Claude Bourdet. Le journal cessera de paraître en 1948, victime de la concurrence de magazines féminins tels que Elle. Françoise Seligmann épouse alors une autre cause : la défense des droits de l'Homme. Engagée dans la lutte contre la guerre d'Indochine, Françoise Seligmann adhère à la ligue des droits de l'Homme en 1949 dont elle devient la présidente pour la 7e section de Paris. Elle accède au comité central de l'institution en 1953. Ses combats sont variés : en 1950 elle crée et anime le comité de défense des époux Rosenberg, exécutés en 1953. En 1954, Françoise Seligmann s'engage aux côtés de l'abbé Pierre dans la lutte contre la pauvreté en créant et dirigeant un centre d'hébergement dans le Ve arrondissement de Paris. En 1956, l'ancienne résistance est chargée par la ligue des droits de l'Homme d'animer les campagnes de sensibilisation contre la torture en Algérie, et pour la défense de Djamila Boupacha et de Djamila Bouhired, deux militants du Front de libération nationale algérien torturées par l'armée française et condamnées à mort.
En 1955, Pierre Mendès-France prend Françoise Seligmann comme collaboratrice. Se reconnaissant dans les idées défendues par ce dernier, l'ancienne résistante va militer longuement à ses côtés en assumant notamment, à partir de 1958, la charge du secrétariat national de l'Union des forces démocratiques, cartel électoral rassemblant plusieurs partis et mouvements de la gauche non communiste. Françoise Seligmann s'implique également dans les campagnes politiques de son mentor, notamment en 1967 lors des élections législatives à Grenoble. Lorsque Pierre Mendès-France, frappé par la maladie, prend ses distances avec la vie politique au début des années 1970, Françoise Seligmann décide dans un premier temps de tourner la page de la politique. Elle veut se consacrer à son combat en faveur des droits de l'Homme et à Après-Demain, journal qu'elle a fondé en 1957 avec Philippe Bernard et Pierre Joxe et dont elle est la directrice. Par ailleurs, à partir de 1970, elle est nommée vice-présidente de la ligue des droits de l'Homme, fonction qu'elle occupe jusqu'en 1994.
Néanmoins, Françoise Seligmann adhère au Parti socialiste en 1974 et s'implique dans la campagne présidentielle auprès de François Mitterrand. Elle devient membre du comité directeur du PS à partir de 1975 puis du bureau exécutif de 1981 à 1992, et secrétaire nationale de 1983 à 1992. Son engagement au sein du Parti socialiste la conduit à se présenter aux élections sénatoriales dans le département des Hauts-de-Seine en 1986. Seconde sur la liste emmenée par le sénateur sortant Robert Pontillon, elle ne parvient pas à se faire élire car le PS n'obtient, dans ce département traditionnellement ancré à droite, qu'un siège au Palais du Luxembourg. Le RPR a obtenu trois sièges (Michel Maurice-Bokanowski, Paul Graziani, Emile Tricon), l'UDF deux (Jean-Pierre Fourcade et André Fosset) et le parti communiste un seul (Jacqueline Fraysse-Cazalis). Cependant, Françoise Seligmann est amenée à remplacer Robert Pontillon en mars 1992, après le décès de ce dernier en cours de mandat.
Pendant ses trois années de mandats, Françoise Seligmann déploie une intense activité parlementaire au sein de la commission des affaires culturelles puis de la commission de lois. Elle est l'auteur de plusieurs propositions de lois visant notamment à limiter l'usage des écoutes téléphoniques dans le cadre des procédures judiciaires en mai 1993, à instituer un second degré de juridiction en matière criminelle en avril 1994, à établir une meilleure répartition des fonctions électives entre hommes et femmes en mai 1994, à distinguer clairement les bulletins blancs des bulletins nuls dans les résultats électoraux, et à permettre la transmission au Parlement des avis formulés par le Conseil d'Etat sur les projets de loi et sur les ordonnances également en mai 1995.
En séance publique, elle intervient sur le projet de loi relatif à l'institution d'une garantie de l'Etat pour certaines expositions temporaires d'œuvres d'art en novembre 1992, sur le projet de loi portant réforme de la procédure pénale en décembre de la même année, sur la proposition de loi tendant à réformer le droit de la nationalité à l'été 1993, sur le projet de loi relatif au corps humain et sur le projet de loi d'orientation et de programmation relatif à la sécurité en 1994. Lors de ses interventions, elle adopte toujours des positions humanistes visant à défendre les droits des plus faibles, notamment des étrangers.
Lors des grands scrutins, Françoise Seligmann vote la loi constitutionnelle ajoutant à la Constitution un titre : « De l'Union européenne » (1992) mais s'oppose à la loi relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale (1993).
Après trois ans au Palais du Luxembourg, elle sollicite le renouvellement de son mandat mais les élections de 1995 se présentent sous un jour défavorable : Robert Badinter a choisi de se présenter dans les Hauts-de-Seine. Françoise Seligmann conduit une liste concurrente de celle de l'ancien président du Conseil constitutionnel : « C'est une affaire d'honneur, explique-t-elle, je suis la seule femme socialiste sortante ». Même soutenue par l'ancienne ministre Yvette Roudy, qui accepte de figurer sur sa liste, Françoise Seligmann n'obtient que 29 voix contre 311 à la liste de Robert Badinter, élu. Avec 629 voix, le RPR garde ses trois sièges (Charles Pasqua, Charles Ceccaldi-Raynaud et Jean-Pierre Schosteck), l'UDF ses deux sièges (Jean-Pierre Fourcade et Denis Badré avec 410 voix) et la communiste Jacqueline Fraysse-Cazalis est réélue avec 275 voix.
Malgré ce douloureux échec, Françoise Seligmann poursuit ses engagements politiques. Président d'honneur de la ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen depuis 1994, l'ancienne résistante fonde en 2004 un prix à son nom pour combattre toutes les formes de racisme. Elle crée aussi une fondation déclarée d'utilité publique en 2006 dont l'objectif est d'œuvrer pour « la victoire de la raison et de la tolérance ». Par ailleurs, Françoise Seligmann a accepté en 2005 de devenir la présidente d'honneur de Rénover maintenant, un courant du parti socialiste dirigé par Arnaud Montebourg.
La culture occupait également une part importante de la vie de l'ancienne journaliste qui était membre du conseil d'administration du théâtre de la ville de Paris et vice-présidente du théâtre musical du Châtelet. Elle s'est d'ailleurs distinguée en faisant une donation exceptionnelle au musée Carnavalet de 160 œuvres réunis par son mari, François-Gérard Seligmann, collectionneur et antiquaire.
Françoise Seligmann s'éteint le 27 février 2013 à l'âge de 93 ans. Figure de la défense des droits de l'Homme et des libertés, elle était médaillée de la Résistance, officier de la Légion d'honneur, commandeur de l'Ordre national du mérite ainsi que de l'Ordre des arts et lettres.